Budapest, en Hongrie. C’est la destination choisie par Corentin Hervé, 28 ans, pour ses vacances en 2024. Restait à savoir comment s’y rendre. En un peu plus de deux heures d’avion depuis Paris ? Ou en passant seize heures en train, avec un changement à Stuttgart, en Allemagne ? Le jeune homme a préféré la seconde option.
Et ce, notamment car Axionable, son employeur, l’y a encouragé. Cette année, ce cabinet de conseil spécialisé dans l’intelligence artificielle « durable » a mis en place des congés payés atypiques dans le paysage français. Il offre deux jours par an à ses salariés qui renoncent à l’avion pour leurs vacances au profit d’un moyen de transport moins polluant. Des congés payés qui s’additionnent à leurs congés classiques.
Conditions pour y être éligible : opter pour le train, le bus, le covoiturage ou le bateau à l’aller et au retour, que ce moyen de transport soit réellement une alternative à l’avion et que le trajet dure au moins quatre heures et demie. Un salarié qui déciderait, par exemple, de rallier Paris à Briançon, dans les Alpes, n’y serait pas éligible. Certes, le trajet dure plus de six heures mais cette destination n’est pas atteignable en avion.
Cette mesure, Corentin l’applaudit des deux mains. « Elle a un réel impact sur mon empreinte carbone personnelle et c’est une symbolique très forte », estime ce consultant en durabilité et changement climatique qui y voit « l’engagement de sa direction » et souligne que cela va « augmenter notre implication en retour ». Pour l’entreprise, c’est l’occasion de se démarquer d’autres employeurs, et de fidéliser ses recrues sensibles à l’environnement.

A chacun ses critères
Comme Axionable, une poignée d’entreprises françaises proposent des congés de ce type, à hauteur d’un ou deux jours par an. C’est Ubiq, une entreprise d’une trentaine de salariés qui répertorie des annonces de bureaux, qui a ouvert la voie dans l’Hexagone, en 2023. Dernière en date, la start-up Matera, qui accompagne les propriétaires dans la gestion de leur copropriété et leurs investissements locatifs. Elle propose cet avantage à ses quelque 200 salariés depuis octobre.
Pour parler de ces congés, toutes utilisent la même dénomination : congés pour « Temps de trajet responsable ». En revanche, chacune édicte ses propres règles pour les accorder. Chez Vendredi, HomeExchange, Ubiq et Matera par exemple, le trajet doit durer au moins six heures.

Contrairement à Axionable, ces employeurs ont mis en place ce qu’ils appellent des jours « semi-off ». En clair : les salariés sont invités à télétravailler depuis leur moyen de transport, si c’est possible. Mais si ces derniers ne souhaitent pas ou ne peuvent pas voyager avec leur ordinateur et s’en servir pendant leur trajet, ils peuvent être off à 100 %. « C’est à chaque collaborateur de faire ce choix en toute conscience et avec bon sens, et en communiquant bien avec son manager et son équipe », précise-t-on chez Vendredi, start-up qui a créé une plateforme qui favorise l’engagement associatif des salariés.

Gare au greenwashing
Pour l’heure, ces congés sont seulement proposés par quelques PME. Peut-on imaginer que des grands groupes s’y mettent ? C’est possible selon Antoine Poincaré, coauteur du livre « Green RH », qui voit d’un bon oeil ce dispositif. « Dans une logique de marque employeur, ils peuvent avoir intérêt à le faire. » Reste à savoir s’ils pourront et souhaiteront en supporter le coût. « A l’heure où le voyage bas carbone coûte souvent plus cher que l’avion, on imagine que ce genre de congé ne va pas déplacer les foules, pense celui qui est aussi directeur de l’AXA Climate School. Mais si le voyage en avion devient plus onéreux, le train et donc ces congés pourraient séduire beaucoup de monde, et donc être coûteux pour les employeurs. »

Si les grands groupes sautent le pas, Antoine Poincaré voit mal comment ils pourraient proposer, comme les start-up, des jours « semi-off », où chaque salarié décide s’il travaille ou pas pendant le trajet. « Il faudra édicter des règles claires, ne serait-ce parce que cela risque de poser question aux syndicats. »

Et attention à ne pas tomber dans les effets d’annonce, rappelle-t-il. « Avant d’inviter leurs salariés à éviter l’avion durant leurs trajets personnels, les entreprises doivent s’interroger sur leurs pratiques en interne. Tous les déplacements qu’elles font sont-ils nécessaires ? Si oui, évitent-elles toujours l’avion ? Pour être crédibles, elles doivent déjà se montrer exemplaires. »

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