Dalloyau a attisé la gourmandise. Sa reprise a donné lieu à une bataille serrée entre les principaux candidats voulant s’offrir le plus ancien pâtissier-traiteur de France, placé en août dernier en redressement judiciaire. Même si, au fil du temps, son activité, qui était dans le giron de Perceva, s’était nettement réduite.
Le vainqueur, désigné ce mardi 29 octobre par le tribunal de commerce de Paris, est le groupe Potel et Chabot. Il l’a emporté face à Elior, seul autre postulant à avoir aussi proposé un projet d’ampleur. Il faut dire que Potel et Chabot, qui fait partie de la galaxie d’Accor, n’a pas lésiné sur les moyens pour l’emporter.
Outre les 3,3 millions de prix de cession, 15 millions vont être injectés pour rénover le flagship de la marque dans le 8ème arrondissement parisien et les boutiques, ainsi que le laboratoire, investir dans le marketing, moderniser les process… Et il s’est engagé à ne pas procéder à des « licenciements contraints pour raison économique » pendant deux ans.
Des dossiers très défendus
Tout avait pourtant mal commencé pour Potel et Chabot . L’entreprise était bien moins disante sur le périmètre de la reprise que son rival Elior, le géant de la restauration collective avec 133.000 salariés dans le monde qui a été repris par Derichebourg. Elle ne s’engageait, au départ, à ne garder que l’atelier de production et la boutique historique à Paris, ainsi qu’une cinquantaine de salariés sur 130. Ayant déjà deux traiteurs dans son giron avec Potel et Chabot ainsi que SaintClair, son idée était de jouer les complémentarités entre les trois enseignes sans forcément miser sur les boutiques.
De son côté Elior, qui a déjà un pied chez les traiteurs après avoir acheté Demoulin à Toulouse et Entremet à Paris, et qui gère quelques sites prestigieux comme La Maison de l’Amérique Latine, proposait de reprendre la totalité du personnel et des activités. « Nous pouvons transférer d’emblée à Dalloyau 10 à 15 millions d’euros par an de demandes de prestations traiteur qui nous sont faites en France et 100 à 150 millions dans le monde », soulignait la semaine dernière Boris Derichebourg, PDG d’Elior France et président de Derichebourg Multiservices.
Mais le groupe Potel et Chabot a rapidement revu sa copie. « Quand on a appris le 5 août que Dalloyau était à reprendre, nous étions mobilisés par les Jeux Olympiques et c’est vrai que nous manquions d’éléments sur les boutiques. Voulant en faire une marque de luxe, on se demandait si le réseau des magasins en gares était approprié », explique Amir Nahai, président de Momense qui coiffe Potel et Chabot et SaintClair. Ajoutant : « depuis, nous avons eu le temps de nous informer, de constater que pour Ladurée , cette stratégie était payante, qu’il fallait juste procéder différemment : faire du flagship l’une des plus belles boutiques du monde, et en faire une base pour développer des boutiques en gare, dans les aéroports, dans ou hors des hôtels Accor. »
Le patron d’Accor en personne, Sébastien Bazin, a mis tout son poids dans la balance pour l’emporter. « Il aime les belles marques et voulait absolument mettre la main sur ce fleuron », confiait récemment aux « Echos » l’un de ses proches collaborateurs. D’autant que la couverture géographique des hôtels Accor peut aider à internationaliser Dalloyau.
Cette enseigne a effectivement comme atout d’être une marque forte, résonnant auprès du grand public comme des entreprises, en France comme à l’étranger. Elle peut aussi capitaliser sur une histoire qu’elle fait démarrer en 1682, moment où Charles Dalloyau entre au service de Louis XIV comme officier de bouche.
Une longue histoire
Elle est, en effet, à l’origine de la première « maison de gastronomie », née en 1802 au 101, rue du Faubourg Saint-Honoré. Une adresse emblématique qu’elle a conservée. Côté produits, elle revendique la création du gâteau Opéra en 1955.
Mais la maison a vécu des hauts et des bas au cours des dernières années. Elle avait encaissé les effets des attentats de 2015 sur la consommation et la restauration. Puis le Covid avait contribué à réduire son activité. En 2023, elle n’a réalisé qu’un chiffre d’affaires de 11 millions d’euros quand dix ans auparavant, en 2013, elle affichait des ventes mondiales de 72 millions d’euros.
Aujourd’hui, l’entreprise ne compte plus que 5 magasins en propre en France et deux en franchise. Au total, son nom figure sur une trentaine de points de vente à travers le monde. La partie traiteur représente, plus de la moitié de son chiffre d’affaires.
Le repreneur compte faire de Dalloyau le symbole de la « cuisine bourgeoise française simple et non revisitée », avec des grands classiques, quand Potel et Chabot, qui a 200 ans, continuera à jouer la gastronomie et le grand luxe et SaintClair, le « haut de gamme plus décontracté ».
Une manière de se positionner face à deux concurrents qui n’étaient pas intéressés par le rachat : Lenôtre qui fait partie de la galaxie de Sodexo dont la famille Bellon est l’actionnaire principal et Fauchon, passé, au printemps, dans le giron de Galapagos, le groupe familial breton détenant les crêpes dentelle Gavotte ou les biscuits roses de Reims Fossier.
L’enjeu va être de continuer à mettre Dalloyau suffisamment dans l’air du temps pour donner envie à de nouvelles générations de se tourner vers elle. Même si l’enseigne a déjà multiplié les initiatives depuis dix ans, de l’évolution de l’identité visuelle à celle de son offre.
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