Jamais produit ne s’était répandu aussi vite. Deux mois après le lancement de ChatGPT, 200 millions de femmes et d’hommes l’avaient testé. Maintenant, deux ans plus tard, un demi-milliard de femmes et d’hommes ont manié ChatGPT ou un autre outil d’intelligence artificielle générative.
Cette incroyable accélération n’aurait pas dû nous surprendre. Car c’est la troisième fois qu’elle se produit dans la révolution numérique. A un moment bien précis : celui où une technologie majeure cantonnée à un petit cercle devient grand public.

Pression souterraine
La première fois, c’était avec l’ordinateur. Apparu dans les années 1940, il a longtemps été utilisé uniquement par des informaticiens dans des laboratoires ou des grandes entreprises. Avec le lancement commercial des micro-ordinateurs en 1977, la machine est passée du bureau à la maison. Avec l’iPhone en 2007, elle a glissé de la maison à la poche. Le parc ne se compte plus en millions mais en milliards.

La deuxième fois, c’était avec Internet. Apparu dans un programme militaire au cours des années 1960, le réseau a d’abord servi seulement à échanger des travaux entre chercheurs. Avec les protocoles du World Wide Web au début des années 1990, il a brutalement basculé dans le grand public, et gonflé au passage une bulle boursière.

L’intelligence artificielle, elle, a été lancée comme un slogan publicitaire pour attirer des scientifiques dans un séminaire universitaire sur la cybernétique, en 1956. Elle a progressé souterrainement et par à-coups jusque dans les années 2010, où elle a commencé à se diffuser en entreprise sous la houlette de spécialistes. Le lancement de ChatGPT l’a soudain rendue accessible à tout le monde ou presque.

Fuite d’informations précieuses
Sauf que ChatGPT et ses cousins sont allés beaucoup plus vite que l’ordinateur et Internet. Car ils ont profité de leurs capacités de calcul colossales et de la transmission instantanée et quasi gratuite de flux d’informations qui a permis d’alimenter d’immenses lacs de données.
Les entreprises sont souvent désarçonnées par cette nouvelle intelligence. Les salariés se sont joyeusement emparés de ces outils, au risque parfois de laisser fuiter des informations précieuses pour leur firme. Les dirigeants redoutent des coûts supérieurs aux gains. Ils devront, eux aussi, accélérer. Comme leurs prédécesseurs qui ne voyaient pas à quoi pourrait servir un ordinateur ou Internet dans leur entreprise ; une entreprise où il est aujourd’hui impossible de travailler sans l’un et l’autre. Il ne faut pas s’y tromper : le défi est existentiel.

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