« Pour rester dans la course, un groupe de distribution doit au moins réaliser 200 milliards de francs de chiffre d’affaires » affirmait Georges Plassat en 1997, quand l’euro n’avait pas encore remplacé le franc. Celui qui était à l’époque patron opérationnel de Casino affrontait le nouvel actionnaire de référence du distributeur stéphanois : Jean-Charles Naouri. Le financier venait à la rescousse de la famille fondatrice Guichard attaquée par Promodès. Georges Plassat perdra la partie. Et Casino finira par être démantelé.
Aujourd’hui, la barre de la taille critique est fixée à 20 % de parts de marché. Et c’est pour l’atteindre qu’Intermarché, un quart de siècle plus tard, a racheté l’essentiel des supermarchés et hypermarchés Casino. Avec 294 nouveaux magasins, Les Mousquetaires de la distribution aiguillonnée par le d’Artagnan Thierry Cotillard ont dépassé les 18 %.
La relance des points de vente – déjà 10 % de hausse des ventes un an après le changement d’enseigne, 40 % visés à terme – hissera le réseau d’indépendant au niveau de Leclerc et de Carrefour, le premier approchant les 25 % et le second montant à plus de 21 % après le rachat de Cora. Pour réussir son pari à deux milliards d’euros d’investissement, le président du Groupement Les Mousquetaires a procédé en trois temps.

Saturer le pôle industriel
D’abord, dès le lendemain de son élection, début 2023, Thierry Cotillard a lancé une série d’économies de coûts. Les filiales étrangères (Pologne Portugal, Belgique) ont été priées d’autofinancer leur développement. Un gros chantier informatique a été raboté. Le pôle industriel Agromousquetaires a poursuivi sa restructuration. Deux usines ont été vendues. Deux autres vont l’être. Le sort de l’armement de pêche, très déficitaire, a été mis en suspens. En gonflant la rentabilité des structures centrales du réseau d’indépendants, Thierry Cotillard a pu financer l’opération Casino par la dette.
Dans un deuxième temps, il a enclenché une dynamique de croissance pour tenir l’équilibre. Fort de leur relance commerciale à base de baisse des prix (18 % en moyenne), les 294 ex-Casino ont pour objectif de passer leur chiffre d’affaires global de 3 milliards à 4,5 milliards.
Ils s’approvisionneront en produits à marques propres auprès d’Agromousquetaires. Parallèlement, Intermarché a décidé de passer ses « MDD » de 35 % à 40 % des ventes, soit un total de 2 milliards d’euros de chiffre d’affaires qui ira alimenter les usines maison, lesquelles espèrent aussi récupérer les commandes d’Auchan. De quoi saturer les lignes de production et abaisser leur coût.

Meilleures conditions d’achat
L’acquisition des Casino ayant été réalisée en commun avec Auchan, Intermarché a noué un partenariat étroit avec le distributeur de la famille Mulliez. Ensemble ils ont constitué Aura, une centrale d’achat sur laquelle Monoprix et Franprix se sont greffés, qui pèsera plus de 30 % du marché français et pourra prétendre à des conditions d’achat équivalentes à celles de Leclerc et Carrefour. Cela permettra de baisser les prix, de conquérir de nouveaux clients et d’accroître encore la part de marché.
Intermarché a dessiné un cercle vertueux. Son succès dépendra de la réussite des anciens Casino. La hausse des ventes doit se poursuivre. Un grand concurrent affirme que ses magasins situés face aux ex-Casino ne voient pas leur activité baisser. Le gonflement des ventes sera nécessaire pour permettre aux adhérents, dans la logique des indépendants, de racheter les fonds de commerce aux structures centrales.

Seule la bascule vers les adhérents parachèvera l’opération. Pour faciliter cette passation de pouvoir financière, Thierry Cotillard a changé les règles et permis la copropriété entre deux ou trois adhérents. Une façon de mettre toutes les chances de son côté. C’est le troisième temps du pari Casino.

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