L’Europe se serre la ceinture et c’est a priori une mauvaise nouvelle pour l’Afrique. Pour faire des économies, les pays du Vieux Continent sabrent en priorité dans les budgets de l’aide au développement : la Suède, les Pays-Bas et la Finlande ont d’ores et déjà annoncé un rabotage de l’aide financière apportée aux pays pauvres. En Allemagne, championne européenne de ces aides, les libéraux du FPD caressent l’idée de supprimer le ministère du Développement. Mais le record pourrait bien venir de France : le projet de loi de finance présenté au Parlement devrait diminuer de 34 % le budget de l’aide au développement.
De l’autre côté de l’Atlantique, les nouvelles ne sont pas meilleures : le retour de Donald Trump à la Maison-Blanche, qui avait qualifié les pays africains de « pays de merde » lors de son précédent mandat, pourrait également signifier une baisse significative de ces aides. Selon les chiffres de l’OCDE, Washington injecte chaque année près de 10 milliards de dollars dans l’aide au développement en Afrique. Mais jusqu’à quand ?
Qualité de vie
Ces budgets financent des secteurs délaissés, stimulent l’économie des pays en développement et améliorent in fine la qualité de vie des populations. En 2020, les montants de l’aide publique au développement à destination de l’Afrique représentaient 83,7 milliards de dollars. Or, le continent pourrait presque empocher la même somme en s’attaquant durablement aux flux financiers illicites (FFI), un terme qui englobe les marchés illégaux, le blanchiment, le financement du terrorisme et la corruption. Selon un rapport des Nations unies, ces flux financiers coûteraient annuellement près de 89 milliards de dollars à l’Afrique, soit 3,7 % de son PIB.
30 à 52
milliards de dollars les flux financiers illicites de la corruption, de l’exploitation illégale et de la fraude fiscale
En tête des flux financiers illicites les plus coûteux : ceux provenant du secteur extractif. Un enjeu stratégique pour l’Afrique qui tire près de 85 % de ses revenus des ressources de son sous-sol. Or, toujours d’après les Nations unies, le continent perdrait entre 30 et 52 milliards de dollars dans ce secteur à cause de la corruption, l’exploitation illégale ou la fraude fiscale.
L’exploitation de l’or en Afrique de l’Ouest, par exemple, contribuerait directement au financement de groupes armés terroristes en traversant les frontières poreuses de la région. Selon la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cedeao), des groupes armés auraient empoché près de 126 millions de dollars en exploitant l’or du Burkina Faso .
Fraude fiscale
La fraude fiscale coûte également des milliards de dollars aux budgets des Etats africains. Environ 8 milliards, d’après un rapport de Tax Justice Network de 2023. En République du Congo, ces pertes représenteraient 578 millions d’euros par an, soit la moitié du budget national. En République démocratique du Congo, pays voisin au sous-sol riche en minerais, elles seraient équivalentes à 89 % du budget de la santé.
Autre priorité : la lutte contre le blanchiment d’argent. En effet, sur les 20 pays qui constituent la liste grise des pays sous « surveillance renforcée » de la GAFI, la vigie internationale de la lutte contre le blanchiment d’argent, 12 sont africains. En 2021, le Sénégal avait été ajouté à cette liste à cause de ses lacunes en matière de lutte contre le blanchiment de capitaux et le financement du terrorisme. Un manque à gagner pour l’Etat et un mauvais signal envoyé aux investisseurs étrangers qui ont poussé Dakar à renforcer son arsenal législatif ces derniers mois pour être finalement retiré de cette liste il y a quelques semaines.
Délocalisation des profits des multinationales
Malgré les efforts de certains pays africains pour stopper ces flux financiers illicites, une partie de ces sommes continuent de passer sous les radars. Plusieurs millions de dollars sont en effet soustraits à la fiscalité via des circuits opaques mais légaux : évitement fiscal, délocalisation des profits, optimisation fiscale agressive de la part de multinationales… En 2021, le FMI indiquait que 15 pays d’Afrique perdaient entre 450 et 730 millions de dollars par an en recettes fiscales à cause de transferts de bénéfices réalisés par les multinationales étrangères.
« Les organisations comme le GAFI ne considèrent pas que l’évitement fiscal pratiqué par certaines multinationales implantées sur le continent soit un flux financier illicite. Donc ça ne sera pas pris en compte pour lister les pays à risque » rapporte Idriss Linge, de l’ONG Tax Justice Network. La solution selon lui : « s’attaquer à l’opacité financière qui bénéficie aux multinationales et aux pays riches. »
Toujours au Sénégal, le gouvernement a justement sonné la charge il y a quelques mois contre l’entreprise pétrolière Woodside, qui exploite le gisement de Sangomar , au large des côtes du pays. Le fisc sénégalais, qui estime que l’entreprise australienne a contourné certaines règles, lui réclame 62,5 millions d’euros.
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