Il y a tout juste un an, six start-up rejoignaient le club très fermé des nouveaux acteurs du nucléaire soutenus par l’Etat français, dans le cadre du programme France 2030. Avec la troisième vague, en mars dernier, 11 jeunes pousses au total, dont Jimmy, Newcleo ou Naarea bénéficient de ce programme de subventions publiques, destiné à faire émerger de nouvelles pépites, au côté du géant français du nucléaire EDF.
Leur créneau : les SMR, pour « small modular reactors » ou AMR pour « advanced modular reactor », autrement dit les mini-réacteurs nucléaires. Leur promesse : produire de l’électricité ou de la chaleur décarbonée, à l’aide d’une technologie de rupture.
Rendez-vous début 2025
Mais en cette fin d’année, les start-up piaffent et l’enthousiasme semble en partie retombé. Sur le milliard d’euros promis par l’Etat, seuls 130 millions d’euros leur ont été attribués, et la deuxième vague de financements publics se fait attendre. D’autant que l’enveloppe promise a d’emblée été amputée de 500 millions d’euros, promis à EDF. Problème, le projet de mini-réacteur de l’énergéticien tricolore, Nuward, parti initialement pour être le champion français, a été mis en pause, l’été dernier.
Les déboires d’EDF vont-ils faire tache d’huile et l’argent promis sera-t-il mis sur la table, en ces temps de disette budgétaire ? Les start-up et leurs investisseurs attendaient un nouveau coup de pouce financier cet automne, mais il n’est pas venu. Le prochain conseil de politique nucléaire prévu en décembre a été repoussé début 2025, selon plusieurs sources. Or, ce dernier doit acter le choix du gouvernement des start-up qu’il veut continuer à soutenir, après l’évaluation de haut vol pilotée cet été par le haut-commissaire à l’énergie atomique, Vincent Berger.
Cet audit, classé secret-défense, vise à faire le tri parmi toutes les promesses incroyables de ces start-up. De fait, les jeunes pousses craignent désormais d’être exclues de la deuxième phase de subventions, au motif que leur design compterait parmi les moins matures. Une crainte ravivée en fin de semaine par un article sans concessions du « Point », pointant la très faible maturité de la plupart des concepts.
« Logique d’entonnoir »
Dans la deuxième phase de subventions, « on ne va pas se focaliser uniquement sur les technologies les moins risquées en termes d’innovation, explique Matignon aux ‘Echos’. Le resserrement de l’appel à projet dans une logique d’entonnoir ne veut pas dire que l’on va abandonner les projets basés sur des innovations de rupture. » En d’autres termes, l’Etat ne va pas choisir une famille de projets, mais sélectionner, dans chacune, une ou plusieurs initiatives.
Les conclusions du haut-commissaire rejoignent aussi, dans les grandes lignes, celles de l’Autorité de sûreté nucléaire (ASN), estiment plusieurs sources. Au printemps, l’ASN avait dressé le panorama des technologies SMR, des réacteurs à eau légère proches du marché, comme le projet de Calogena (groupe Gorgé) aux réacteurs au plomb (Newcleo) ou à sels fondus (Naarea, Thorizon, Stellaria), plus hypothétiques.
Chaque start-up a bénéficié, ce mois-ci, d’une restitution orale sur son projet… et s’est félicitée des conclusions rendues. « C’est un peu l’école des fans, le but n’est pas de classer les start-up », explique un fondateur de start-up.
Mais à mesure que le temps des décisions politiques s’allonge, le doute, lui, commence à s’installer. D’autant que l’audit de l’Etat n’est pas public. « C’est dommage car pour les fonds, c’est la meilleure ‘due diligence’ possible, pour sélectionner leurs projets d’investissements sur un sujet aussi régalien », explique un observateur.
Coup de frein sur les levées de fonds
Ces derniers mois, seules deux start-up tricolores ont bouclé une levée de fonds. Blue Capsule a réuni 2 millions d’euros avant l’été et Otrera 2,5 millions d’euros ce mois-ci. Un soulagement pour les jeunes pousses, qui doivent attirer des investisseurs privés pour débloquer leur enveloppe de 10 millions d’euros de subventions.
Mais pour les acteurs plus mûrs, la tâche est plus ardue. « Nos actionnaires actuels continuent de nous soutenir et de réinvestir, mais les nouveaux investisseurs potentiels attendent tous une prise de position du gouvernement, en particulier les français », déclare Jean-Luc Alexandre, président de Naarea. Sa société de 300 personnes, qui revendique 69 millions d’euros de capital et quasi-capital, cherche depuis l’an dernier 125 millions d’euros supplémentaires.
Jimmy espère de son côté conclure un nouveau tour de table significatif, début 2025. « La dynamique des levées de fonds est légitimement plus prudente qu’il y a deux trois ans, après le Covid, constate son cofondateur, Antoine Guyot. Les déboires de certaines start-up industrielles, encore récemment, contribuent à ce ralentissement. » Une allusion à la chute d’Ynsect en France, ou de Northvolt, dans les batteries. Mais pour lui, le nucléaire demeure « une valeur sûre ».
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