Huit mois après avoir présenté son projet de calculateur pour mesurer l’impact environnemental des vêtements, le gouvernement entre dans le dur. Jeudi, à la veille du Black Friday, la ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, a annoncé la mise en consultation des textes qui permettront aux marques d’attribuer une note à chaque vêtement, un peu à la manière du Nutriscore pour les produits alimentaires.
L’affichage environnemental, qui restera dans un premier temps volontaire, est prévu par la loi climat et résilience de 2021. « Il s’agit à la fois d’aider les fabricants à piloter leurs efforts d’écoconception des vêtements, et de donner aux consommateurs une information sur le coût environnemental des produits qu’ils achètent », précise-t-on au ministère de la Transition écologique.

Impact sur le climat
L’enjeu est loin d’être négligeable. Le textile représente entre 8 % et 10 % des émissions de gaz à effet de serre dans le monde. Il génère une quantité astronomique de déchets, notamment plastiques, entraînant une pollution dramatique dans l’eau ou les sols. Son traitement et sa teinture génèrent 20 % de la pollution des eaux. Même les fibres naturelles ont un impact négatif : le coton est la première culture consommatrice de pesticides.
Matérialisé par une note en « points d’impact » comprise entre 0 et l’infini, qui s’affichera sur un logo en noir et blanc en forme d’étiquette, cet « écoscore » entend mesurer à la fois l’impact sur le climat et sur la biodiversité. Il s’appuie sur l’outil d’évaluation développé depuis 2013 par la Commission européenne, le Product Environmental Footprint (PEF), qui comporte seize critères (émissions de gaz à effet de serre, toxicité de l’eau douce, utilisation d’eau et de ressources fossiles, émission de particules, etc.).
Mais la France y a ajouté trois critères spécifiques : les conditions de fin de vie du produit, avec une note très pénalisante (5.000 points d’impact par kilo) s’ils sont exportés hors d’Europe après avoir été portés ; les émissions de microfibres, qui entraînent une forte pollution ; et un coefficient de « durabilité », mesuré à partir de la largeur de gamme, la réparabilité, et la traçabilité géographique des étapes de production.
Avec ce dernier critère, l’idée est de pénaliser aussi les marques dites de fast-fashion, qui renouvellent très rapidement des collections vendues à des prix défiant toute concurrence – et plombent les filières plus vertueuses. Selon un rapport publié mercredi par l’ONG Les Amis de la Terre, la fast-fashion a provoqué la destruction de 300.000 emplois dans l’industrie textile française depuis 1990. L’Assemblée nationale avait adopté en mars une proposition de loi pour la limiter, mais son parcours législatif a été interrompu avec la dissolution.

Mise en oeuvre au printemps
L’outil est toutefois, comme en avril, vivement critiqué – même si selon le ministère, le calculateur présenté en avril a été simplifié. Notamment parce qu’il diffère de l’outil européen, en cours de finalisation.
« Contrairement au PEF qui s’appuie sur des critères scientifiques, cet ‘écoscore’ prend en compte des critères politiques comme le made in France, qui ne devraient pas être son objet », explique Christophe Girardier, fondateur de Glimpact, une société qui aide les marques à utiliser le PEF. « L’outil français pénalise par exemple fortement une marque comme Lacoste, qui affiche un grand nombre de références », poursuit le dirigeant, qui revendique parmi ses clients non seulement Lacoste, mais aussi Decathlon, Carrefour, Pimkie, Chantelle, Celio, ou Aigle.
L’Union des industries textiles se dit à l’inverse plutôt satisfaite. « Nous sommes très favorables à un affichage environnemental, or cet outil est à la fois simple d’utilisation et transparent », indique Sophie Frachon, responsable RSE de l’UIT. D’autant que selon elle, le PEF européen n’est pas satisfaisant à ce stade. « Il ne pénalise pas l”ultra fast-fashion’, ne prend pas assez en compte la biodiversité, ni les microplastiques… » pointe-t-elle, toute en reconnaissant qu’« une convergence sera nécessaire » d’ici à mi-2025, lors du vote sur le PEF européen.

En attendant, l’arrêté correspondant a été publié ce jeudi sous forme de projet, pour consultation réglementaire pendant vingt et un jours. Il sera ensuite notifié à la Commission européenne, dont l’approbation est attendue sous trois mois. « Nous visons une mise en oeuvre au printemps 2025 », dit-on au ministère, tout en espérant que de nombreuses marques joueront le jeu. Il mise notamment sur H&M, Kiabi, Monoprix, Pimkie, Petit Bateau, ou 1083, qui ont participé à l’élaboration de ce nouvel « écoscore ».

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