Bientôt la fin définitive de la présence française au Sahel ? Le Tchad, dernier pays sahélien à abriter des forces tricolores et maillon clef de la présence militaire française en Afrique, a annoncé jeudi soir mettre fin aux accords de sécurité et de défense avec Paris, une annonce survenue quelques heures après une visite du chef de la diplomatie française, Jean-Noël Barrot.

« La France est un partenaire essentiel mais elle doit aussi considérer désormais que le Tchad a grandi, a mûri et que le Tchad est un Etat souverain et très jaloux de sa souveraineté », avait relevé un peu plus tôt le ministre des Affaires étrangères tchadien, Abderaman Koulamallah, à l’issue une rencontre entre le président Mahamat Idriss Déby Itno et Jean-Noël Barrot . Ce dernier, arrivé jeudi soir en Ethiopie, n’était pas immédiatement joignable pour réagir à cette information, tout comme le ministère français des Armées.

« Pas une rupture »
En mai dernier se sont achevées à N’Djamena trois années de transition avec l’élection de Mahamat Idriss Déby Itno , porté au pouvoir par une junte militaire après la mort de son père Idriss Déby tué par des rebelles au front. Menacé par des offensives rebelles, Déby père avait pu compter sur l’appui de l’armée française pour repousser celles-ci en 2008 puis en 2019.

« Ce n’est pas une rupture avec la France comme le Niger ou ailleurs », a assuré à l’AFP Abderaman Koulamallah, joint par téléphone, dont le pays abrite encore environ un millier de militaires français , constituant le dernier point d’ancrage de Paris au Sahel après les retraits forcés de ses troupes au Mali, au Burkina Faso et au Niger. « Le Tchad, conformément aux dispositions de l’accord, s’engage à respecter les modalités prévues pour sa résiliation, y compris le délai de préavis », précise le communiqué ministériel, qui n’évoque pas de date de retrait des troupes françaises.

La décision a été « prise après une analyse approfondie » et marque un « tournant historique », a souligné le chef de la diplomatie du Tchad dans son communiqué. « Après 66 ans de la proclamation de la république du Tchad, il est temps pour le Tchad d’affirmer sa souveraineté pleine et entière, et de redéfinir ses partenariats stratégiques selon les priorités nationales », a-t-il ajouté, assurant que la visite de Jean-Noël Barrot avait par ailleurs permis de renforcer les relations bilatérales « à tous les niveaux ».

Seulement 200 militaires français en base permanente à terme en Afrique
Une réduction en peau de chagrin mais qui ne chagrine pas tous les Africains. La présence militaire française, qui apporte un soutien en logistique, formation et appui des forces locales pour certaines opérations de combat mais sert aussi à protéger des intérêts économiques et les ressortissants vivant sur place, s’est réduite drastiquement ces dernières années, au fil des expulsions par des régimes putschistes.
Ceux-ci n’appréciant pas les admonestations de Paris sur l’Etat de droit et le respect des Droits de l’Homme, ou simplement par volonté, au demeurant légitime, d’afficher souveraineté et capacité à se défendre seul. Le Premier ministre sénégalais, Ousmane Sonko, a ainsi déclaré que la souveraineté de son pays était « incompatible avec la présence durable de bases militaires étrangères ».
Résultat, la France ne conserve plus que cinq bases militaires permanentes dans ce continent dont jadis, grosso modo, un tiers était constitué de ses colonies ; au Gabon, avec 350 militaires, des effectifs équivalents au Sénégal, près de 600 en Côte d’Ivoire et 1.000 au Tchad, où la dénonciation de l’accord de coopération devrait, normalement, faire tomber les effectifs à zéro, et enfin 1.500 à Djibouti. Des effectifs (non compris ceux engagés sous mandat de mission internationale, essentiellement l’ONU) relativement stables depuis des décennies, contrastant avec le « redéploiement » – en clair le retrait – imposé par les régimes putschistes du Mali, du Burkina Faso et du Niger.

Point d’appui clé
Ce dernier, avec jusqu’à 1.500 militaires à Niamey, était pourtant considéré comme le point d’appui clé de la France notamment pour lutter contre les djihadistes au Sahel. Au Mali, la lutte contre, précisément, des djihadistes qui s’apprêtaient prendre Bamako début 2013, avait imposé le déploiement de jusqu’à 3.000 militaires français. La France a dû aussi quitter la République centrafricaine.
Un rapport au président Macron de son envoyé spécial en Afrique, Jean-Marie Bockel, et qui a récemment « fuité », préconise d’ailleurs de réduire ces effectifs à 100 militaires au Gabon, tout comme en Côte d’Ivoire et au Sénégal, ainsi que 300 au Tchad (une préconisation qui semble désormais obsolète pour ce dernier pays), voire le Sénégal. Soit un total, à terme, d’à peine 200 hommes sur des bases permanentes, contre… 7.000 il y a seulement dix-huit mois, un niveau équivalent au demeurant à celui fixé en 1981.
Au temps de la « splendeur » de la présence militaire française en Afrique, c’est-à-dire juste après l’indépendance en 1960, la France maintenait au total 60.000 hommes dans près de 90 garnisons sur le continent et Madagascar.

La France va devoir fermer ses bases au Sénégal
Le président sénégalais Bassirou Diomaye Faye a indiqué jeudi que la France allait devoir fermer ses bases militaires dans son pays. « Le Sénégal est un pays indépendant, c’est un pays souverain et la souveraineté ne s’accommode pas de la présence de base militaire dans un pays souverain », a-t-il justifié.
« La mise à jour de notre doctrine militaire n’est pas seulement portée sur la question de la présence militaire, elle va au-delà. Elle impose évidemment qu’il n’y ait plus de bases militaires de quelque pays que ce soit au Sénégal, mais elle impose aussi d’autres évolutions dans la coopération militaire avec ces différents pays qui entendent encore la maintenir avec le Sénégal », a-t-il précisé.

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