Le projet titanesque de l’euro numérique avance pas à pas. Dans un rapport rendu public ce lundi, la Banque centrale européenne (BCE) fait un point sur l’avancée des travaux concernant son projet de monnaie numérique de banque centrale. Etablissement d’un règlement, sélection des potentiels fournisseurs de la plateforme et de l’infrastructure technique, et consultation des parties prenantes ont ainsi mobilisé les équipes ces six derniers mois.
Pour rappel, en octobre 2023, après une phase d’investigation de deux ans, la BCE avait décidé de lancer la phase de préparation du projet qui doit durer jusqu’en octobre 2025. C’est à ce moment-là, quand la proposition de règlement soumise par la Commission européenne en juin 2023 aura terminé son parcours législatif, que le Conseil des gouverneurs décidera ou non de lancer l’euro numérique. Il ne devrait ensuite devenir réalité qu’à partir de 2028.

« Ce rapport relate les progrès techniques qui ont eu lieu », explique Alexandre Stervinou, directeur des Etudes et de la Surveillance des paiements et responsable du projet d’euro numérique à la Banque de France. Des appels d’offres ont ainsi été passés pour établir les différents composants techniques de l’euro numérique, auxquels ont répondu en septembre et octobre les acteurs de marché, principalement européens, et les banques centrales nationales. Des offres qui sont à présent à l’étude au siège de la BCE à Francfort. « C’est un point très important dans cette phase de préparation car si nous décidons d’émettre cet euro numérique, il faut que nous ayons la capacité technique de passer à l’action », ajoute-t-il.

Limite de détention
« La mise en place du rulebook [recueil de règles, ndlr] avance également pour étudier comment pourrait en pratique fonctionner un euro numérique avec les consommateurs, les commerçants et les banques », explique Alexandre Stervinou.
Des discussions ont notamment eu lieu avec tous les intéressés sur un élément stratégique pour les banques : la manière d’évaluer la limite de détention appropriée pour l’euro numérique. En effet, les établissements de crédit sont très inquiets de voir leurs dépôts en monnaie commerciale, sur lesquels ils s’appuient pour accorder des crédits, siphonnés par l’euro numérique.
Les banques ont ainsi mis en avant que la limite de détention devrait correspondre aux dépenses en cash mensuelles des consommateurs, ce qui plaiderait pour un montant assez bas. A l’inverse, les représentants du secteur de la consommation ont souligné que, si la limite de détention était trop basse, elle pourrait décourager les consommateurs de s’en servir. Ils ont par ailleurs ajouté que si les banques craignaient une fuite des dépôts, elles pourraient s’en prémunir en offrant des taux d’intérêt attractifs.

Préoccupations des banques
Alors que les banques françaises étaient très remontées contre le projet d’euro numérique, il semble que leurs préoccupations aient été entendues. « Les impacts possibles sur les dépôts sont des questions légitimes, explique Alexandre Stervinou ».
Pour la BCE, il était important également de voir comment cet euro numérique pourrait s’intégrer dans un paysage de moyens de paiement européen déjà riche avec la carte bancaire, les portefeuilles électroniques comme Apple Pay ou maintenant wero.
C’était un autre motif de grogne des banques, qui voient l’euro numérique comme un concurrent direct de Wero qui vient d’être lancé en France, en Belgique et en Allemagne et est financé par les établissements bancaires. « Intégré à wero, l’euro numérique pourrait être un facilitateur de son adoption », plaide au contraire Alexandre Stervinou. Le rapport souligne également que les frais que devraient payer les commerçants pour accepter l’euro numérique seraient « justes », compte tenu du fait qu’ils ne pourraient pas le refuser. Un argument important au moment où les grands commerçants français et européens s’inquiètent de l’envolée des frais de paiement par carte.

« Nous avançons également sur le modèle économique possible de l’euro numérique, qui est calqué sur le modèle économique du paiement par carte bancaire, en étudiant les pistes pour en faire un modèle attractif pour les banques et commerçants. », ajoute Alexandre Stervinou.

Reste aussi à résoudre la question du respect de la vie privée. « Nous allons dans le sens d’un respect de la vie privée très important », explique ainsi Alexandre Stervinou. En effet, l’euro numérique devra pouvoir apporter les mêmes avantages que le cash en ce domaine. Une des options pourrait également être donnée au consommateur de rendre automatiquement tous les petits paiements de proximité possibles hors ligne, pour en faciliter l’usage.

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