Au mémorial de Kigali, les touristes défilent, visages sombres. Nombreux sont ceux qui découvrent la violence du génocide rwandais : 1 million de morts en 3 mois entre avril et juillet 1994. Et une barbarie indescriptible : un taux d’exécution quatre fois supérieur à celui enregistré au plus fort de l’Holocauste. Partout au Rwanda, le génocide reste tapi dans les cœurs, enfoui dans les esprits.
Le Rwanda n’oublie pas : Les cérémonies d’avril dernier, qui ont eu une résonance internationale, sont là pour en témoigner. Et les 100 jours dédiés aux commémorations, chaque année, aux quatre coins du pays, soulignent à quel point ce pays se souvient. Mais le Rwanda avance. Et continue à renaître de ses cendres. À ne pas se laisser engloutir par son passé. Quel pays peut se targuer d’être reparti de zéro et de s’être reconstruit aussi vite ? Difficile de trouver pareil cas d’école.

Le Rwanda est un petit pays de l’Afrique des grands lacs. Une tache verte au milieu du continent africain, coincé entre l’Ouganda, la Tanzanie, la RDC et le Burundi… connu pour ses gorilles. Un petit pays qui s’est relevé sur le terrain fécond de la résilience, et a articulé son action autour de 3 piliers : sa réussite économique, son image – séduisante qui attire des touristes du monde entier – et une ouverture d’esprit qui le projette dans le futur. La réussite économique est incontestable.

Le Rwanda a, ces dernières années, navigué entre des taux de croissance de son PIB de 7 à 8 % , atteignant même 10,9 % en 2021, le Rwanda a même vu son PIB par habitant presque quadrupler depuis 1995 ! Ses atouts ? l’agriculture, d’abord. Un emploi sur deux y est encore lié, le thé et le café sont des fers de lance des exportations. Le Rwanda a aussi su créer un environnement attractif pour les investissements internationaux. Et est à la pointe en matière de numérique, d’investissements étrangers, d’incubation de start-up… Le Rwanda a su s’appuyer sur le volontarisme d’une population entière qui a cru et voulu ce miracle économique et s’en est donné les moyens.

Dans ce contexte, la capitale, Kigali, est devenue la vitrine de cette renaissance économique. Elle attire l’œil pour sa sécurité sans faille, son bitume impeccable, ses jardins coquets et soignés et son intransigeance en matière de développement durable : depuis 2004, le pays a pris un parti drastique : celui d’interdire toute production et toute importation de sacs en plastique.

Un petit pays qui joue dans la cour des grands en matière de tourisme
Autre atout : le tourisme. Ce petit pays joue désormais dans la cour des grands dans ce domaine, avec une offre hôtelière qui rivalise avec les lodges les plus huppés du Botswana ou de Zambie, réputés pour être les plus chers du monde. Comment ce pays inconnu attire-t-il une clientèle fortunée sur une terre de massacres ?
Voilà un cas d’école qui pourrait être étudié dans les plus grandes écoles de commerce. « Visit Rwanda », la campagne de publicité vantant le pays s’est invitée ces dernières années dans tous les magazines et jusque sur les maillots de foot des clubs les plus prestigieux. La compagnie aérienne, RwandAir, affiche une des stratégies les plus ambitieuses du continent africain à l’image de son slogan « Voler le rêve de l’Afrique ». Enfin, le Rwanda a su habilement protéger et faire rayonner son joyau : ses gorilles des montages. Le pays est un des trois au monde avec l’Ouganda et la RDC où l’on peut encore apercevoir un des 1 200 gorilles des montagnes du monde.
« Le nom du Rwanda éveille une curiosité, c’est certain. Le génocide a su, d’une certaine manière, faire connaitre le pays. Ensuite, nous avons capitalisé sur notre rebond via un marketing intelligent et très efficace. D’un pays qui a su repartir de zéro, le Rwanda est aujourd’hui propre, sûr, en constant développement avec des atouts incontestables comme les gorilles des montagnes », confirme Marcel Walter, le fondateur de l’agence de voyages locale Mapendano.

Le petit pays aux mille collines attire donc les touristes premium à fort pouvoir d’achat, ceux qui cherchent à s’affranchir du tourisme de masse. En majorité Anglo-saxons, ils viennent séjourner incognito dans des hôtels à 7 000 dollars la nuit dans la forêt tropicale de Nyungwe ou dans le parc des Volcans, proche de l’Ouganda, et traquent les gorilles des montagnes pour la modique somme de 1 500 dollars l’heure. Ils peuvent aussi faire du golf en plein Kigali, un parcours 18 trous, dessiné par le joueur sud-africain Gary Player a été ouvert en plein centre de la capitale il y a 3 ans.
Mais si tous les regards sont braqués sur le Rwanda, c’est aussi pour sa trajectoire futuriste qui promeut l’émancipation de la femme rwandaise et l’intègre au pouvoir décisionnel.

Le Rwanda est le seul pays du monde où les femmes soient majoritaires au Parlement. Depuis l’élection de Paul Kagame, elles détiennent toujours une large part des portefeuilles ministériels, proche de 40 %. le pays est un modèle en matière d’égalité entre les sexes en Afrique. Les femmes tiennent les rênes de la société qu’elles soient chefs d’entreprise, juges, magistrates, ministres ou députées… c’est une innovation magistrale en matière de développement, dans une Afrique où les femmes sont très souvent invisibles des lieux de décision politique.
Dès 2003, la Constitution rwandaise avait instauré un quota de 30 % de femmes dans toutes les instances étatiques de prise de décision. Depuis, ce seuil a été systématiquement dépassé. Ainsi, c’est tout le pays qui en a profité, porté par d’ambitieuses politiques sociales, notamment en matière de sécurité sociale ou d’éducation.

Le Rwanda ne crie pas victoire, et garde cette humilité chevillée au corps. Il reste, c’est vrai, tant à faire pour ce pays : L’enjeu désormais est que les inégalités soient réduites, que l’essor du pays profite à toutes les classes sociales, que Kigali ne soit pas la vitrine tech du pays. Enfin, que le pays limite sa dépendance à l’aide internationale puisque 45 % des revenus de l’État en dépend encore.

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