Le bitcoin (BTC) n’a pas de frontières, mais il s’incarne dans un pays, le Salvador, et le rêve d’autonomie et de développement de son président, Nayib Bukele. Ce pays d’Amérique centrale est devenu la terre promise du bitcoin quand il y a obtenu le statut de monnaie légale au même titre que le dollar américain, le 7 septembre 2021. Le Fonds monétaire international (FMI) avait regardé avec méfiance ce choix à la fois économique, politique et technologique. Entre la dollarisation subie et les monnaies attaquées et volatiles courantes dans les pays d’Amérique latine, cette troisième voie monétaire ne l’avait pas convaincu. A peine six mois après le lancement du bitcoin dans le pays, le FMI avait demandé au Salvador de renoncer au bitcoin.

« Il existe des risques importants associés à l’utilisation du bitcoin sur la stabilité et l’intégrité financière, la protection des consommateurs, ainsi que les éventuels passifs fiscaux associés », juge l’institution. Par la voix de son ministre des Finances, Alejandro Zelaya, le pays avait sèchement répondu à l’institution, l’accusant d’interventionnisme monétaire et de mépris pour l’indépendance du Salvador. « Aucun organisme multilatéral ne va nous obliger à faire quoi que ce soit, absolument aucun. Les Etats sont des Etats souverains et prennent des décisions souveraines sur leurs politiques publiques », avait-il martelé.

Le FMI est passé des conseils aux menaces sinon au chantage, selon le « Financial Times ». Sa mission est arrivée au Salvador pour la fourniture d’un prêt de 1,3 milliard de dollars au pays. Le FMI y mettrait certaines conditions comme la fin de l’obligation pour les commerces d’accepter le bitcoin comme moyen de paiement. Même si, dans la pratique, il est peu utilisé comparé au dollar, cette injonction passe mal alors que le marché des cryptos vole de record en record. Début 2022, Nayib Bukele avait péché par excès d’optimisme en prédisant que le bitcoin atteindrait les 100.000 dollars en fin d’année. Il terminera finalement à 17.000 dollars, et n’atteindra l’objectif voulu que deux ans plus tard.
Pour la première fois depuis 4 ans, le Salvador avait fait son retour sur les marchés obligataires internationaux en avril en levant 1 milliard de dollars. Pour attirer les investisseurs sceptiques quant à cet émetteur risqué très mal noté par les agences de notation, il s’était engagé à multiplier par 16 ses coupons (grimpant de 0,25 % à 4 %) dans certaines conditions. Cela se produira si le pays échoue, d’ici octobre 2025, à faire remonter son rating de deux crans ou s’il ne parvient pas à un accord de financement avec le FMI. Si les négociations avec l’institution internationale échouent, pourquoi le pays ne se tournerait-il pas vers le monde des cryptos, rassasié par l’envolée des cours, pour obtenir un financement, par exemple en cryptos stables ou stablecoins adossées au dollar ?

Colonialisme monétaire
Vent debout contre le FMI qu’elle estime idéologiquement et maladivement opposé à ses activités, la communauté crypto exhorte le pays à ne pas céder à cette forme de « colonialisme monétaire ». Le cours du bitcoin, actuellement autour de 100.000 dollars, a presque doublé depuis son introduction au Salvador il y a plus de trois ans. Le pays, qui achète régulièrement des bitcoins, en détient près de 6.200 bitcoins (607 millions de dollars). L’envolée de la crypto lui permet d’enregistrer une plus-value de près de 334 millions de dollars. Ces achats sont des investissements de long terme pas du trading, ne cesse de souligner le président Nayib Bukele. Le Salvador veut investir davantage dans les activités du crypto-écosystème (minage…).

Echec ou coup de maître, l’expérience salvadorienne a braqué les projecteurs sur ce modeste pays qui espère sortir définitivement d’années de crises et de violence. « Les bénéfices du bitcoin ne se limitent pas à son utilisation comme monnaie. Avant, on parlait du Salvador pour sa criminalité. Aujourd’hui, on parle de la stratégie numérique du pays. Le bitcoin a un intérêt en termes d’investissement, d’inclusion financière, de création d’emplois, d’attractivité. Il ne faut pas le réduire à son cours et à sa volatilité », avait déclaré en 2022 aux « Echos », Alejandro Zelaya, le ministre des Finances.

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