Leclerc : 25 % (ou presque) de part de marché pour soixante-quinze ans d’histoire. « Il y a soixante-quinze ans, en décembre 1949, un jeune couple d’épiciers ouvrait un premier magasin dans une petite rue de Landerneau. Ils ne se doutaient pas que leur histoire serait le premier épisode d’une grande saga » : en une phrase sur « X », le 21 décembre, Michel-Edouard Leclerc ravivait la mémoire de ses parents, Edouard et Hélène, et souhaitait un bon anniversaire à tous les adhérents des Centres E. Leclerc.
Il n’aura fallu que trois générations pour que le mouvement coopératif de commerçants indépendants créé par l’épicier breton trône solidement au sommet de la grande distribution française. Le virage s’est opéré en juin 2017. Ce mois-là, Leclerc dépassait pour la première fois l’inventeur de l’hypermarché Carrefour au classement des parts de marché du panéliste Kantar. Sept ans plus tard, l’enseigne d’Edouard Leclerc rafle, selon les données de décembre 2024, 24,7 % des achats des Français de produits de grande consommation dans les supers et les hypermarchés. Carrefour court après avec 21,1 %.
Une forte progression en 2023
« Leclerc a connu sa forte progression en 2023 avec un gain de 1,6 point de part de marché par rapport à 2022 », explique Gaëlle Le Floch, l’analyste qui cuisine les données Kantar aux petits oignons. De peur d’être distancé, Carrefour a repris en 2024 les hypermarchés Cora et les supermarchés Match. Dans le même temps, Intermarché, bien assis sur la troisième place du podium, rachetait 300 magasins Casino et grimpait à 17 %, en route vers les 20 %.
L’écart s’est creusé avec les autres acteurs du grand commerce français. La Coopérative U tire son épingle du jeu avec une croissance qui ne doit rien aux acquisitions, avec un ratio de 12,2 % et un gain de 0,4 % à la fin de l’année. Avec 9 %, Auchan, l’autre géant des hypermarchés, paie de ne pas s’être diversifié dans les petits formats (supers et supérettes), mais tente de se rattraper avec le rachat d’une centaine de Casino.
Le groupe Casino, nouvelle version, après la restructuration opérée par le Tchèque Daniel Kretinsky, a fondu jusqu’à une part de marché de 3,1 %. Il ne lui reste plus que Monoprix, Franprix et un vaste réseau de magasins de proximité surtout fort à Paris et dans les grandes villes.
Les discounteurs allemands Lidl et Aldi, dont on aurait pu penser que le pic d’inflation alimentaire (plus de 20 % en deux ans) les porterait, ne sont qu’à 8,4 % pour le premier et 3 % pour le second. Cela place toutefois Lidl en position de bientôt rattraper Auchan.
Les émules d’Edouard Leclerc
En 1949, Edouard Leclerc a inventé le discount à la française. Il a été le premier à s’approvisionner en direct auprès des fournisseurs agriculteurs et industriels, contournant les grossistes. Les consommateurs de l’après-guerre réclamaient des prix bas. Malgré les attaques des poujadistes de tout poil et de multiples procès contre les marques qui refusaient de le livrer, mais avec le soutien du général de Gaulle qui tenait l’épicier de Landerneau pour le pourfendeur de l’inflation (déjà !), le concept des produits vendus à faible marge dans des magasins en libre-service s’est imposé.
La structure du réseau en mouvement d’indépendants a fait en sorte que chaque supermarché a été géré au plus près par son propriétaire. Au fil des décennies, ce modèle de franchise a pris le dessus sur le modèle intégré de Carrefour et consorts.
Carrefour n’a pas pour autant perdu la bataille. Economies de coûts d’un milliard d’euros par an reversées dans la baisse des prix, passage des hypermarchés en difficulté en franchise, développement des marques propres : la stratégie du PDG Alexandre Bompard porte ses fruits. Carrefour France dirigé par Alexandre de Palmas a endigué cette fin d’année ses pertes de parts de marché en valeur et regagne des parts de marché en volume depuis octobre. Le mano à mano se poursuivra donc avec Leclerc qui a un peu patiné en décembre. En attendant le jeu à trois avec Intermarché. L’observateur se souviendra pour la petite histoire qu’Intermarché est né en 1969 d’une dissidence de Leclerc menée par Jean-Pierre Le Roch, un autre Breton. Si l’on ajoute les 25 % de Leclerc aux 17 % d’Intermarché, ce sont 42 % du marché français que les émules d’Edouard Leclerc ont conquis en trois quarts de siècle.
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