C’est un moment historique dans les relations entre l’Union européenne et la Confédération helvétique. Après plus de dix ans de négociations tendues et près de 200 sessions de pourparlers depuis mars dernier, Bruxelles et Berne ont conclu ce vendredi un accord-cadre destiné à moderniser leurs relations bilatérales. Un accord qualifié d’« historique » par la présidente de la Commission européenne, Ursula von der Leyen, et de « bon et équilibré » par la présidente de la Confédération suisse, Viola Amherd.

L’UE est le principal partenaire commercial de la Suisse, tandis que cette dernière est le quatrième partenaire de l’UE pour les biens et le troisième pour les services. Les échanges bilatéraux s’élèvent à quelque 550 milliards d’euros par an. Mais au-delà des chiffres, c’est toute l’architecture des relations entre Berne et Bruxelles qui se trouve modernisée.

La protection des salaires suisses est maintenue
Le texte conclu prévoit notamment un accès élargi au marché unique européen dans de nouveaux domaines comme l’électricité, la sécurité alimentaire et la santé. Indispensable pour la Confédération. L’accord garantit la libre circulation des personnes et l’égalité de traitement des citoyens européens en Suisse, tout en préservant les spécificités helvétiques en matière de protection salariale. C’était l’un des points les plus délicats de cette longue négociation. Les étudiants européens continueront de bénéficier des mêmes conditions d’accès aux universités suisses que les étudiants suisses.
En contrepartie, la Suisse s’engage à verser une contribution régulière aux fonds de cohésion européens : 375 millions d’euros par an entre 2030 et 2036, auxquels s’ajoutera un versement annuel de près de 140 millions d’euros dès la fin de l’année 2024 jusqu’à l’entrée en vigueur de l’accord. Une clause de sauvegarde, particulièrement sensible côté suisse, a également été négociée : elle permettra à Berne d’adopter des mesures unilatérales en cas de « conséquences économiques graves » liées à l’immigration, sous réserve de l’aval d’un tribunal arbitral.

La passe délicate des référendums suisses
Le commissaire européen Maros Sefcovic, qui a mené les négociations côté UE, s’est félicité d’un accord « équilibré » qui préserve « l’intégrité du marché unique ». Mais le plus dur reste à venir : la ratification. Si, côté européen, le processus devrait être relativement aisé, le parcours s’annonce semé d’embûches en Suisse.
L’accord devra, en effet, survivre à plusieurs référendums, comme le veut la tradition démocratique helvétique. Un exercice périlleux dans un pays où l’euroscepticisme a pénétré profondément la société, la classe politique ayant baissé les bras. En 2021, c’est d’ailleurs la crainte d’un rejet populaire qui avait poussé Berne à interrompre brutalement les négociations sur un précédent accord-cadre. Un coup de grisou qui avait jeté un sacré froid entre l’UE et la Suisse…
Pour convaincre les citoyens suisses, Bruxelles a fait plusieurs gestes : outre la clause de sauvegarde, la Commission proposera dès janvier 2025 des dispositions transitoires permettant aux chercheurs suisses de participer immédiatement aux programmes européens de recherche (Horizon Europe). Une carotte importante pour un pays qui mise beaucoup sur l’innovation et qui y excelle.

« Je ne veux pas spéculer sur des scénarios négatifs, a déclaré M. Sefcovic, faisant référence à l’hypothèse d’un rejet par référendum. Nous avons négocié un très bon accord, équilibré, qui mérite d’être soutenu. » L’horizon de ratification est fixé à 2028-2029, laissant le temps nécessaire aux processus démocratiques de se dérouler et aux syndicats et patronats suisses de le digérer. Ce sera le point clé en Suisse.

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