Alors que le monde bruisse des sirènes du post-humanisme, voire du transhumanisme, d’intelligence artificielle et d’homme augmenté, de progrès technologiques nous menant tout droit à l’immortalité, il est une voix qui nous dit tout le contraire. Non, l’homme a atteint ses limites biologiques, physiologiques, environnementales. Il a atteint un plafond dans tous les domaines : l’espérance de vie est au taquet, les records olympiques se font de plus en plus rares et laborieux, la croissance économique des sociétés marque un pas qui semble durable, les innovations technologiques, contrairement aux apparences, aussi. Cette voix est celle du Professeur Jean-François Toussaint ; il faudra retenir son nom car il est de la lignée des Copernic, Darwin ou Freud : il est en train d’infliger sa quatrième blessure narcissique à l’humanité.
Entretien exclusif pour UP’ Magazine.
Jean-François Toussaint nous accueille dans son laboratoire de l’IRMES situé en plein cœur du magnifique campus de l’INSEP, l’Institut national du sport, qui forme plus de la moitié de nos champions olympiques dans ses installations du bois de Vincennes. Chaleureux et souriant, il a la carrure d’un joueur de basket de la NBA ; il fut en fait international de volley et porta les couleurs de l’équipe de France. Ce médecin cardiologue formé à Harvard enseigne la physiologie à l’Université Paris Descartes. Il dirige l’IRMES, l’institut de Recherche bioMédicale et d’Épidémiologie du Sport qu’il a créé en 2006 ; il dirige aussi le Groupe Adaptation et Prospective du Haut Conseil de la santé publique dont il oriente les analyses vers les grands enjeux de santé et la prévention des risques émergents.
Il a signé plus d’une centaine d’ouvrages et de publications, et fait partie de cette nouvelle génération de scientifiques qui savent décompartimenter sans complexe les disciplines pour avoir un regard transversal encore plus perspicace. Bref, c’est quelqu’un qui, quand il parle, semble parfaitement savoir ce qu’il dit. Et ce qu’il nous dit va à l’encontre de toutes les idées reçues. Son discours nous ébranle et nous alerte, provoquant immanquablement le déni, la contestation puis, devant l’accumulation des preuves, très vite, la prise de conscience que nous devons changer. Que l’humanité doit prendre très au sérieux ce que nous dit ce scientifique.
Chaque jour, une information nouvelle vient compléter la litanie des contraintes économiques, climatiques ou sanitaires qui assaillent l’humanité. Face à elles, notre premier intérêt est de reconnaître les performances de nos capacités d’adaptation et de résilience, ce mot tellement à la mode qu’il ne veut plus rien dire. Or ce que l’on ne claironne pas, c’est que, simultanément, nous avons atteint nos limites. Pour le Professeur Toussaint, « La recherche constante d’optimisation et l’évolution séculaire de nos capacités d’espèce n’ont fait que nous conduire aujourd’hui, à nos maxima ». Ces limites sont aujourd’hui mesurées de plus en plus précisément sur un très grand nombre d’indicateurs, dans des domaines aussi variés que le sport, l’économie, la démographie ou la santé publique. Ces limites, qu’elles soient biologiques ou sociétales, ont toutes un rapport avec les grandes régulations qui animent le monde. Avec les grandes lois de la matière, mais aussi celles du vivant.
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