e Venezuela commence mardi son émission d’une devise cryptographique adossée au pétrole pour échapper aux sanctions et lever des capitaux. Son cours est fixé à 60 dollars.

Dernier baroud d’un pays rongé par l’hyperinflation et  les pénuries , le Venezuela  lance officiellement son petro , la première devise cryptographique émise par un Etat et adossée à des matières premières comme le gaz, l’or, les diamants et, surtout, le pétrole, première ressource de Caracas. Elle sera supervisée et contrôlée par l’Observatorio Nacional de Blockchain, qui dépend du ministère de l’Education, de la Science et de la Technologie, et donc loin du principe de décentralisation qui soutient la blockchain (technologie de stockage et de transmission d’informations). Beaucoup de pays (Chine, Russie, Suisse, pays Baltes, Singapour…) réfléchissent au potentiel des cryptodevises, mais c’est le Venezuela qui le premier a franchi le pas numérique.

Le pays veut lever autour de 6 milliards de dollars par le biais de cette monnaie et récupérer de l’argent frais dans une situation économique très dégradée. La valeur de référence du petro est fixée à 60 dollars, qui est le cours du baril. Cette idée d’une monnaie internationale basée sur le pétrole avait été émise pour la première fois par Hugo Chávez  lors d’un voyage en mars 2009 , mais, à cette époque où le bitcoin était encore peu connu, il n’était pas encore question de monnaie cryptographique.

Sur les 100 millions de petros qui vont être émis, dont 38,4 aujourd’hui, le gouvernement va en conserver 17,6 millions, dont il cédera une partie avec une décote à quelques privilégiés. Selon Reuters, cette décote pourrait atteindre 60 %. Or, il est à redouter que cette vente à des conditions préférentielles profite aux proches et conseillers du président Maduro, et alimente la corruption endémique et donc le fossé abyssal entre l’élite et le peuple. Le Venezuela estime que cette  monnaie « anti-impérialiste » et libre , permettra d’échapper à la tyrannie et à la domination du dollar, et d’éviter ainsi les sanctions financières et risques juridiques. Seulement, le Trésor américain a déjà averti qu’acheter des petros équivaut à prêter de l’argent au gouvernement vénézuélien et tombe donc sous le coup des sanctions.

Cette monnaie inspirera-t-elle confiance, compte tenu du  passif très lourd des autorités en matière d’expériences monétaires diverses  ? « Cette initiative est certes une étape importante pour les ICO, mais elle ressemble surtout à une tentative désespérée pour lever des fonds. D’ailleurs, le fait que cette devise soit vraiment soutenue par les réserves de pétrole est douteux », estime Daniele Bianchi de la Warwick Business School. Le pays conserve ainsi une marge de manoeuvre pour déterminer le taux de change du petro. Sa valeur n’est ainsi soutenue que par de « vagues promesses qu’un petro équivaut à un baril de pétrole, et seules sont autorisées les transactions entre cette devise et le bolivar, et entre le petro et les autres devises cryptographiques. Contrairement à ce que pense le gouvernement, il n’y a aucune raison de penser que l’introduction du petro  va favoriser la stabilité du bolivar  », souligne Monica de Bolle du Peterson Institute for International Economics (1). En 2017, et sur le marché noir, le dollar a bondi de 3.400 % par rapport à la monnaie vénézuélienne. En janvier, il avait encore plus que doublé contre le bolivar.

Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr