Depuis quatre décennies a cours aux Etats-Unis la doctrine selon laquelle les entreprises cotées doivent maximiser la valeur actionnariale quoi qu’il advienne, quelles qu’en soient les conséquences pour les employés, les consommateurs et les sous-traitants. C’est pourquoi la déclaration en faveur d’un capitalisme des parties prenantes , signée au début de ce mois par tous les membres ou presque de la puissante Business Roundtable, a fait sensation. Voici en effet les quelque 200 PDG des plus puissantes entreprises que compte l’Amérique qui disent aux Américains et au monde que faire des affaires, c’est regarder au-delà des résultats financiers. Quel revirement ! Mais quel crédit lui donner ?
Le poids de la législation américaine
Milton Friedman, l’idéologue de la liberté des marchés, par ailleurs lauréat du Nobel d’économie, a non seulement beaucoup oeuvré à diffuser la doctrine de la primauté des actionnaires mais son influence fut telle qu’on a inscrit cette doctrine dans la législation des Etats-Unis. Friedman est allé jusqu’à dire qu’« il n’y a qu’une et une seule responsabilité sociale de l’entreprise – utiliser ses ressources et s’engager dans des activités destinées à accroître ses bénéfices ».Il est pourtant temps d’admettre que le capitalisme des actionnaires ne maximise pas la prospérité sociétale.
C’est évidemment vrai en cas d’externalités importantes, comme le changement climatique, ou lorsque les entreprises empoisonnent l’air que nous respirons ou l’eau que nous buvons. Et c’est évidemment vrai lorsque les entreprises poussent à la consommation de produits dangereux pour la santé, comme les boissons sucrées, qui contribuent à l’obésité infantile, ou les analgésiques, qui déclenchent une crise des opiacés.
Imprévoyance et sous-investissement
Mais c’est aussi vrai d’une façon plus générale : le marché peut conduire les entreprises à l’imprévoyance et au sous-investissement dès lors qu’il s’agit de leurs employés et des localités où elles sont implantées. C’est donc un soulagement que de grands dirigeants, censés avoir une perception aiguë du fonctionnement de l’économie, aient enfin adopté une conception moderne de l’économie, quand bien même il leur aura fallu quelque quarante ans pour y parvenir.
Sourced through Scoop.it from: www.lesechos.fr
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