Grâce à l’IA, les stars d’Hollywood n’ont plus d’âge
Bienvenue dans l'époque des comédiens « synthétiques ». Dans le film « Here - Les plus belles années de notre vie », en salle en France depuis mercredi, l' intelligence artificielle générative joue le premier rôle. En rajeunissant ou vieillissant à souhait Tom Hanks et Robin Wright, l'IA fait traverser les époques à ce couple qui se retrouve à l'écran trente ans après « Forrest Gump ». Certes, ce type d'initiative n'est pas nouveau pour le septième art, mais dans ce long-métrage l'utilisation de l'IA est assez omniprésente. Pour faire voyager les deux protagonistes dans le temps, le producteur Miramax et le réalisateur Robert Zemeckis (« Forrest Gump », « Retour vers le futur »…) ont fait appel à la start-up d'IA Metaphysic qui avait notamment ressuscité Elvis en 2022 pour le programme télévisé « America's Got Talent. Dans le dernier « Indiana Jones » en 2023, le producteur Lucasfilm (Disney) s'était servi de ses technologies pour rajeunir l'octogénaire Harrison Ford. Vers une forme d'immortalité ? « Avec l'IA, on touche au transhumanisme et on repousse les limites dans lesquelles les artistes peuvent participer à une intrigue », observe Elizabeth Le Hot, directrice générale gérante de l'Adami, l'organisme qui gère les droits de 44.000 artistes-interprètes (comédiens, musiciens, etc.) en France. « On crée même une forme d'immortalité » poursuit-elle tout en appelant à la vigilance car les technologies d'IA pourraient « imposer une forme de barrière à l'entrée pour de nouveaux artistes. » LIRE AUSSI : Les chiffres affolants d'OpenAI, la star de l'IA générative DECRYPTAGE - L'IA générative monte en puissance au Festival de Cannes « C'est à la fois fascinant et inquiétant : on est face à l'avènement de technologies qui vont redéfinir les limites du « star-système », abonde Nicolas Gaudemet, en charge de la pratique IA chez Onepoint. L'allongement des carrières de stars est déjà bien visible à Hollywood. En témoigne le record de « box-office » de Tom Cruise en 2022 dans la suite de « Top Gun », trente-six ans après le premier opus. Selon Nicolas Gaudemet, « l'IA générative permet désormais d'imaginer que dans cent ou deux cents ans il y aura encore des films avec Tom Cruise, Tom Hanks ou Julia Roberts après leur mort ». Dans le dernier « Indiana Jones » en 2023, le producteur Lucasfilm s'était servi de ses technologies pour rajeunir l'octogénaire Harrison Ford.Lucasfilm Ltd. & TM Quant aux entreprises de la tech, elles multiplient les initiatives touchant le cinéma ou l'audiovisuel mais se concentrent en général sur des solutions qui génèrent des vidéos à partir de prompts textuels. Depuis février, OpenAI teste son outil ( Sora ) tandis que Google est en train de développer un autre projet, Veo. Meta a, de son côté, noué un partenariat avec un producteur de films d'horreur, Bloomhouse. Acteurs « hybrides » Si cette technologie permet de réaliser des prouesses dans le secteur, elle suscite aussi des inquiétudes. Elle permet par exemple de créer des avatars ou des acteurs « hybrides » empruntant le nez à une star, les yeux à une autre et la bouche à une autre encore… Le tout étant rendu possible par la numérisation des traits de visage, de la silhouette, la gestuelle et la voix. LIRE AUSSI : ANALYSE - Culture : quand l'IA pousse à la « surproduction » OpenAI et Microsoft tentent de redorer leur image auprès des médias américains Aux Etats-Unis, à l'issue de la grève qui a paralysé Hollywood l'an dernier, le puissant syndicat Sag-Aftra a obtenu des clauses très protectrices pour les droits des comédiens et des figurants contre les éventuels « pillages ». Des initiatives existent aussi pour protéger leur identité numérique contre les deepfakes. La Creative Artists Agency (l'agence de talents contrôlée par la famille Pinault) s'est associée par exemple avec la start-up Veritone pour proposer un service de stockage des « actifs numériques » des comédiens. Risques de « pillages » et de pertes d'emploi Le sujet est très anxiogène pour les créateurs et les comédiens. Dans une pétition internationale, plus de 30.000 écrivains, chanteurs mais aussi des stars d'Hollywood comme Julianne Moore et Kevin Bacon s'insurgent contre les risques de l'IA générative. Et une récente étude de l'Adami montre que 74 % des artistes-interprètes français craignent un remplacement par l'IA. Dans le cinéma français, les risques les plus immédiats portent sur les métiers du doublage, de la postproduction et de l'écriture de scénarios. En septembre dernier, la Société des auteurs et compositeurs dramatiques (SACD) a trouvé un accord de principe avec Genario, une start-up qui utilise l'IA pour générer des scénarios, afin de garantir la rémunération des ayants droit. Et le 23 octobre, la SACD a signé avec les syndicats des producteurs français un accord pour assurer un cadre transparent et protecteur aux auteurs face aux applications de l'IA générative, met en avant Patrick Raude, son secrétaire général.