Quand la conversion au bio devient la norme : l’exemple des artisans vignerons de Bourgogne du Sud
Depuis 2004, l'association des artisans vignerons de Bourgogne du Sud (AVBS), qui réunit désormais 28 domaines, s'est imposée comme un modèle efficace de transition écologique. Cette année, la conversion en viticulture biologique est devenue une condition incontournable pour tous ses membres. « C'est une évolution naturelle. La plupart de nos domaines étaient en démarche de conversion ou avaient des pratiques biologiques mais sans détenir le label. Il était temps d'officialiser cette orientation commune pour offrir plus de clarté aux consommateurs », explique Margaux Calland, viticultrice et présidente de l'association. Un choix stratégique pour cette corporation, alors que le vin biologique a connu une croissance de ses ventes de 9,2 % en 2023, selon une étude de Sudvinbio, et cela malgré la crise qui traverse toute la filière biologique. « Parfois, certains clients venaient acheter du vin en pensant que nous étions tous labellisés alors que non. Donc nous avons voulu revendiquer notre attachement au bio », ajoute Margaux Calland. Des dégustations prévues à l'automne C'est dans cette optique que l'association a complètement repensé son salon annuel, qui est programmé du 2 au 4 novembre 2024 au Château d' Hurigny, en Saône-et-Loire . « Nous avons ajouté une journée dédiée aux professionnels le lundi pour leur faire goûter des vins biologiques et de vieux millésimes », détaille la viticultrice. Le week-end sera, lui, ouvert aux particuliers. « Nos 28 domaines ont des clientèles différentes. Nous avons besoin de maintenir des ventes grand public pour les jeunes exploitations ou pour faire entrer un peu de trésorerie en période creuse. Mais nous avons aussi de plus grands domaines qui sont déjà réputés auprès des restaurateurs et qui veulent avancer en ce sens », lance-t-elle. En moyenne, les exploitations de l'AVBS s'étendent sur 10 hectares, ce qui se rapproche des données de Saône-et-Loire (10,7 hectares en moyenne selon l'Insee). En revanche, l'association est précurseur sur la conversion au bio car seulement 10 % des exploitations ont obtenu ce label dans le département (contre 20 % en France et 17 % en Bourgogne-Franche-Comté). « Nous valorisons une dimension artisanale, garante de petites structures qui maîtrisent leur vinification et réalisent les vendanges à la main ». Cette dimension « artisanale » est aussi un facteur clef pour le consommateur. Selon Sudvinbio , les acheteurs de vins biologiques préfèrent l'achat en vente directe et auprès de cavistes friands de conseils et explications sur les pratiques culturales des viticulteurs. Dans ce contexte, l'organisation de salons et de médiation auprès des particuliers reste une stratégie intéressante pour de nombreux domaines, comme ceux de l'AVBS.
Publicité en ligne : à son procès antitrust, Google encaisse les coups
Bientôt, ce sera au tour de Google de faire valoir ses arguments et de riposter dans le procès antitrust sur ses pratiques dans la publicité en ligne, qui a démarré le lundi dernier aux Etats-Unis. Mais pour l'heure, c'est le gouvernement américain, à l'origine de la plainte, qui a la main, obligeant le géant de Mountain View à encaisser les coups. L'accusation a ainsi présenté devant les juges du tribunal d'Alexandria, en Virginie, les notes et témoignages censés démontrer l'emploi de pratiques anticoncurrentielles et un abus de position dominante. Comme cette note interne rédigée il y a une quinzaine d'années par David Rosenblatt, dont la société DoubleClick venait d'être rachetée par Google pour 3,1 milliards de dollars, et transmise aux équipes de Brad Brender, ancien cadre et vétéran de la publicité en ligne du groupe, venu témoigner à la barre : « Je crois vraiment que si nous pouvons mettre en place cela, nous serons capables d'écraser les autres réseaux. » Ligne d'attaque Dans le détail, il s'agissait pour le géant de la publicité en ligne d'équiper de ses outils maison, d'un côté, les éditeurs ayant des inventaires en ligne à vendre, de l'autre, les agences médias achetant ces espaces publicitaires au nom de leurs clients annonceurs, mais aussi de proposer la plateforme de mise en vente et d'enchères au milieu (et faisant le lien entre ces offres et ces demandes), ainsi que l'infrastructure technologique sous-jacente pour faire fonctionner cet écosystème. « Nous sommes à la fois Goldman et NYSE », écrivait aussi David Rosenblatt dans cette note, où il fait valoir que changer de plateforme s'avérera être un « cauchemar » pour les éditeurs, en ce qui concerne l'adserver (l'outil assurant la diffusion des publicités sur les sites des éditeurs) DoubleClick for Publishers (DFP), intégré depuis au sein de Google Ad Manager. LIRE AUSSI : ANALYSE - Face aux géants de la tech, le plaidoyer de Draghi pour limiter la réglementation Une manière d'enfermer éditeurs et annonceurs dans son écosystème et exclure du marché - ou tout du moins affaiblir lourdement - les adtechs rivales, avant de pratiquer, dans un second temps, des prix plus élevés auprès des annonceurs et éditeurs ne pouvant se passer de ses solutions, selon l'argumentaire du département américain de la Justice (DoJ). L'administration soutient aussi que Google réservait un volume important de campagnes publicitaires programmatiques (récoltées via ses clients que sont les agences et les annonceurs) aux éditeurs qui utilisaient son adserver. La question des éventuels « remèdes » De la sorte, le DoJ s'échine à prouver que Google a sciemment fait du « tying » (ventes liées entre différents services), en rendant volontairement non interopérables certains de ses services avec des offres d'autres adtechs. Suffisant pour faire condamner le groupe californien pour abus de position dominante et pratiques anticoncurrentielles. LIRE AUSSI : Google Shopping : la justice européenne confirme l'amende de 2,4 milliards Avec ce procès, le gouvernement poursuit son objectif de démanteler la suite adtech de Google, afin de rééquilibrer le marché. Selon l'analyste spécialisé dans l'adtech, Terence Kawaja, auditionné par le tribunal, la valeur cumulée des six services spécialisés de Google (Google Ad Manager, Display and Video 360, Google Ads, Ad Sense, AdMob et Google Campaign Manager 360) s'élève à près de 100 milliards de dollars. Un montant qui rend complexe la question des éventuels « remèdes », dans le cas où Google en viendrait à perdre le procès et devrait vendre certaines de ces activités. « Il n'y a pas d'acheteur pour ça », a pointé Terence Kawaja. Dans les prochaines semaines, Google aura à coeur de défendre son positionnement et ses pratiques commerciales pour éviter une telle issue.
Plus cher, le lait « C’est qui le patron ? » se vend toujours plus
« C'est qui le patron ? » … Lancée en pleine crise du lait en 2014 par Nicolas Chabanne pour sauver les éleveurs grâce au soutien des consommateurs, la marque de « lait qui rémunère son producteur au juste prix » continue de prospérer, défiant inflation et baisse de pouvoir d'achat. Les volumes de vente augmentent chaque année malgré des prix supérieurs au reste du marché. En dix ans, la commercialisation de ce lait à cette marque est passée de 10 millions de litres à 75 millions de litres, explique Emmanuel Vasseneix, le patron de LSDH (Laiterie Saint-Denis-de-l'hôtel), seule entreprise à vendre la marque, qui représente 20 % du lait qu'elle met en marché. Et tout cela alors que les autres catégories de lait, moins chères, souffrent d'une déconsommation régulière que rien ne semble pouvoir enrayer. Les ventes de briques de lait ont chuté de 8,5 % en volume entre 2019 et 2023, selon les données de Circana et de l'interprofession (CNIEL). Même les Marques de distributeurs (MDD), qui se vendent entre 1,05 euro et 1,20 euro quand le lait estampillé « C'est qui le patron ? » est à 1,27 euro le litre. L'écart n'est sans doute pas majeur, mais, dans d'autres secteurs de l'alimentation, il est amplement suffisant pour détourner le consommateur. Encore plus depuis la vague d'inflation qui a suivi la guerre en Ukraine, où quelques centimes suffisent à délaisser un produit au profit d'un article moins cher. LIRE AUSSI : Le groupe LSDH dope sa production de laits végétaux Produits laitiers : la France pourrait ne plus couvrir ses besoins à partir de 2027 Le consommateur au centre Dans un contexte, où les industriels se battent chaque année sur des centimes avec les distributeurs, la marque « C'est qui le patron ? » tient du cas d'école. Comment expliquer que perdure son succès ? Sans doute faut-il remonter aux raisons pour lesquelles cette marque a vu le jour. L'idée de Nicolas Chabanne il y a dix ans lorsqu'il l'a créée, était d'impliquer profondément le consommateur en lui donnant la possibilité de définir les conditions auxquelles il était prêt à payer plus cher un produit aussi basique qu'une brique de lait. Avec pour objectif, le sauvetage de nombreux producteurs menacés de disparition. Un questionnaire très détaillé avait abouti à l'élaboration d' « un cahier des charges extrêmement exigeant », selon Emmanuel Vasseneix, le patron de LSDH , dont le respect garantissait au producteur de percevoir un prix qui couvre son coût de revient et lui offre une marge. Ce mode de fonctionnement a perduré. A ce jour, les producteurs perçoivent 54 centimes du litre de lait en 2024, quand les autres sont payés 48 centimes. LSDH, qui ne fait pas plus de marge sur ce lait se dit satisfait. Les enseignes et les consommateurs aussi. Pour les éleveurs, le secret de cette réussite commerciale est « dans la transparence. Les prix se discutent à trois. Chaque partie est au courant de tout. On sait exactement quelle part va nous revenir », dit Jérôme Chapon, éleveur dans la Manche et président de l'association des 650 producteurs qui livrent leur lait à LSDH pour « C'est qui le patron ». « D'autres producteurs souhaitent nous rejoindre. Nous avons réussi à dupliquer notre modèle de fonctionnement chez groupe Novandie (Mamie Nova), ainsi que dans la restauration ». LIRE AUSSI : Le prix du lait s'envole vers des sommets jamais atteints Crise du lait : ces producteurs qui tentent d'échapper à la guerre des prix Les éleveurs « les mieux payés » Les éleveurs se félicitent de « faire partie de ceux qui sont les mieux payés en France ». Ils ont repris goût à leur travail. « Ils gagnent leur vie. Ils ne sont plus obnubilés par les factures en fin de mois. Ils prennent le temps de retravailler l'alimentation de leurs animaux. Ils replantent des haies, ils embellissent leur exploitation », dit Emmanuel Vasseneix. Le système n'en est pas moins très contraignant. « Un commissaire aux comptes vérifie chaque mois que les prix du lait facturés au consommateur résultent bien du prix perçu par le producteur. Les contrôles sont multiples, y compris de la part de la DGCCRF, qui n'a jamais rien eu à redire », ajoute Emmanuel Vasseneix. Le système « C'est qui le patron ? » a été élargi à quelques autres productions, comme les oeufs et le jus de pomme, où il fonctionne bien. Il a aussi eu ses échecs. Comme sur le beaujolais. Et de l'avis de toutes les parties il n'est pas toujours transposable. « Comment définir un coût de production lorsque de multiples ingrédients entrent en jeu, ou que l'entreprise a des produits à l'export, des premiers prix, des MDD, des marques nationales et fabrique du fromage, du lait et des yaourts ? « interroge Emmanuel Vasseneix. Malgré son succès, la marque « C'est qui le patron » ne porte que sur un faible volume (75 millions de litres) par rapport à la masse de 2 milliards de litres de lait commercialisée en France.
Pourquoi l’industrie automobile va ressembler de plus en plus à la Tech
Lorsque Huawei et Xiaomi ont annoncé leur intention de se lancer dans l'automobile, la plupart des pontes du secteur ont ricané plus ou moins ouvertement. Concevoir et fabriquer une voiture est une tâche autrement complexe et exigeante que d'usiner des smartphones, expliquaient-ils en substance. Depuis, les deux géants de la tech chinoise ont accouché de leurs premiers modèles en un temps record. La SU7 de Xiaomi, qui propose une qualité proche du premium allemand pour un prix inférieur à 30.000 euros, est même la sensation de l'année. Ces réussites ont été possibles car les deux entreprises n'ont pas cherché à copier les process industriels longs et rigides de leurs concurrents occidentaux. Elles se sont au contraire coulées dans les nouvelles voies défrichées d'abord par Tesla, puis par les start-up chinoises de l'auto, qui sont allées chercher leur inspiration… dans la téléphonie. Une approche novatrice, qui procure aux nouveaux entrants un tel avantage concurrentiel que les cadors du vieux monde, s'ils veulent survivre, vont être contraints de s'aligner. Toujours plus de nouveaux modèles Cette révolution s'est cristallisée dans la République populaire depuis quelques années. Après avoir longtemps borné son horizon à l'offre des marques occidentales, la clientèle chinoise a affirmé ses préférences. Avec un goût prononcé pour les véhicules connectés, et un très fort appétit, bien plus qu'en Europe, pour la nouveauté. Pour percer, les constructeurs chinois ont joué à fond cette double carte. En imitant Tesla sur le premier point, et en sortant très régulièrement des nouvelles voitures pour coller aux tendances du marché, comme le font les acteurs de la tech. Sur le seul premier semestre 2024, le géant BYD a lancé quatre modèles sous sa marque principale. Les constructeurs historiques ne peuvent pas suivre, et leurs ventes sur place s'étiolent à vue d'oeil. LIRE AUSSI : PANORAMA - Plongée en Chine, dans le nouveau réacteur de l'automobile mondiale DECRYPTAGE - Renault invoque sa « survie » à la veille d'une négociation sociale clé Cette accélération bouscule l'ensemble du modèle économique. Dans un marché qui se renouvelle vite, un modèle va perdre plus rapidement de sa fraîcheur, et sa durée de vie s'en trouve raccourcie. Aujourd'hui, Toyota ou Volkswagen peuvent conserver un modèle six à huit ans sur le marché (la Golf a connu huit générations en cinquante ans), en opérant un lifting à mi-vie. Cette durée pourrait diminuer rapidement à quatre ou cinq ans seulement. Pour amortir tout de même les coûts de développement et de production, les jeunes pousses chinoises auraient pu augmenter leurs prix. Elles ont choisi de comprimer les dépenses. Le délai moyen pour développer un nouveau modèle dans l'ex-empire du milieu a été ramené à deux ans, soit deux fois moins que ce qui prévaut en moyenne en Europe. Faire table rase du passé « Etre aussi rapide suppose d'abandonner la logique de modèle, en tout cas sur le plan technique, pour passer à l'assemblage de différents modules préexistants », détaille Sébastien Amichi, chargé de l'automobile chez Kearney. Les acteurs chinois, poursuit-il, gagnent également du temps en dissociant le travail sur l'architecture logicielle de la voiture et celui sur le hardware. Comme dans la téléphonie, là encore. Leur objectif est désormais de descendre à dix-huit mois. Le coup de rabot concerne aussi les investissements liés à la production. « Les nouveaux entrants ont des niveaux de 'capex' nettement moins élevés, confirme le consultant. Xiaomi, par exemple, se concentre sur le design et le logiciel, et a sous-traité l'assemblage à un autre constructeur, à l'image de ce que fait Apple pour ses smartphones. D'autres font venir des sous-traitants sur la ligne pour l'emboutissage ou la peinture, et les rémunèrent à la pièce. » Ce fonctionnement n'est pas sans inconvénient. La réduction des délais de développement aboutit, lors du lancement, à des niveaux de qualité inférieurs aux standards occidentaux, en particulier dans les logiciels embarqués. Le débogage des premiers exemplaires (grâce à des correctifs envoyés par Internet) peut durer plusieurs mois. Ce risque ne semble toutefois pas décourager les clients. Cette « téléphonisation » de l'industrie ne va pas rester circonscrite à la Chine. Le premier marché du monde assure également un tiers de la production mondiale et donne le « la » à toute la planète. Ses champions ont déjà commencé à décliner leur recette hors de leurs frontières.
Quand la médecine prône l’agroécologie
Il faut d'urgence restaurer la santé des sols. Ce n'est pas un écolo zadiste ni un bobo permaculteur qui le dit, mais un professeur de médecine de renommée internationale, Christian Bréchot, ancien directeur de l'Inserm et de l'Institut Pasteur. Avec Emmanuel Roux, il vient de publier « La révolution des microbiomes » (Odile Jacob), un essai accessible et fascinant où il tire les conséquences sur notre modèle agricole des dernières découvertes scientifiques ayant trait aux bactéries. Charme discret Microbiomes et microbiotes sont en effet à la mode dans la recherche médicale et commencent à émerger dans la conscience collective, comme en témoigne le succès mondial du livre d'une doctoresse allemande, Giulia Enders, à propos de nos intestins. Ils désignent les milliards de bactéries qui interagissent en permanence avec les corps organisés, en particulier, dans notre cas de mammifères, à travers le système digestif. Longtemps sous-estimées, voire confondues avec des pathogènes qu'il faudrait à tout prix éliminer à coup de stérilisation et d'hygiène excessive, les bactéries retrouvent le devant de la scène. LIRE AUSSI : CRITIQUE - Gaspard Koenig entre chair et terre Seule forme de vie pendant 3 milliards d'années, elles constituent la première biomasse terrestre, leur poids estimé étant plus de mille fois supérieur à celui de tous les Homos sapiens réunis. Sans elles, les cadavres ne se décomposeraient pas, la vie ne pourrait se renouveler ni l'évolution naturelle suivre son cours. On pourrait dire que les bactéries sont la condition du passage du temps sur une planète vivante. L'originalité de l'essai de Christian Bréchot est de décrire le lien entre le microbiome du sol et celui de notre estomac. D'un point de vue métaphysique, il n'y a qu'un microbiome universel, dont la Terre comme les êtres vivants complexes ne sont que des substrats, des passeurs. En nous et en dehors de nous circulent en permanence ces animalcules innombrables et variés : comment mieux illustrer notre lien au reste du vivant ? Influence directe Biologiquement, le microbiome des sols influe directement sur la composition et l'équilibre de notre propre organisme. Sans surprise, des sols épuisés par le labour profond et les intrants chimiques de la « révolution verte » vont générer des microbiomes pauvres, facteurs de nombreuses maladies (cancers, maladies neurodégénératives, etc.) et responsables des progrès inquiétants de l'antibiorésistance. L'intuition de Feuerbach, un philosophe allemand contemporain de Hegel, s'avère plus juste que jamais : nous sommes ce que nous mangeons.
Canicule à Lyon, sécheresse en Bourgogne… comment le réchauffement climatique redessine la France
Le réchauffement climatique est une réalité dont les effets ne peuvent plus être ignorés. L'étude que publient, ce jeudi, l'Agence de la transition écologique (Ademe) et le réseau Action climat (qui regroupe des associations environnementales) en est une bonne illustration, et montre la grande diversité de ces effets. « Les impacts du dérèglement climatique sont aussi divers que le sont les paysages français et ne s'expriment pas de la même manière en fonction des territoires », souligne le rapport, insistant sur l'« importance » du levier local et prônant un « changement d'échelle ». C'est un des premiers points de difficulté : chaque territoire a des défis qui lui sont propres et qui se combinent différemment suivant la qualité des sols, l'ensoleillement, la nature des nappes phréatiques, la présence ou non d'une côte littorale… La géographie a toute sa part dans ces dérèglements, qui paraissent encore exceptionnels mais pourraient devenir la norme - alerte le rapport - si les politiques publiques en faveur de la transition écologique ne montent pas suffisamment en puissance. « Tous concernés » Les températures enregistrées à Lyon pourraient par exemple se rapprocher de celles de Madrid d'ici à 2050 et d'Alger avant la fin du siècle. Cette hausse des températures, qui est déjà l'oeuvre, a des conséquences multiples. Les plus spectaculaires sont connus : fonte des glaciers dans les Alpes et les Pyrénées, mégafeux de forêts dans les Landes, inondations et crues massives dans les Hauts-de-France. « Notre objectif était de tirer le fil vers le quotidien des Français en montrant que nous sommes déjà tous concernés », souligne Clara Sannicolo, responsable climat et territoires du réseau Action Climat. Les impacts du dérèglement climatique sont aussi divers que le sont les paysages français. L'Ademe et le Réseau Action Climat La région Bourgogne-Franche-Comté est par exemple très vulnérable aux sécheresses du fait de ses cours d'eau à faible débit et de nappes phréatiques ne disposant que de peu de réserves. En 2019, 82 % de la mortalité des plantations y étaient dues à la sécheresse ; des milliers d'hectares de hêtres ont dépéri. La taille des surfaces agricoles irriguées a aussi bondi dans la région ces dernières années. Or, si « seulement 5 % des surfaces agricoles sont aujourd'hui irriguées, cela représente 45 % de la consommation d'eau en France », indique le rapport de l'Ademe. De quoi faire réfléchir lorsque l'on connaît les tensions sur le partage de l'eau. Durant l'année 2022, marquée par de fortes sécheresses, les restrictions sur l'irrigation ont causé des pertes de rendement de 10 % à 40 % sur les surfaces concernées. Moins sept points de PIB par an L'agriculture n'est pas le seul secteur touché. Dans le Grand Est, l'industrie est responsable de 54 % des prélèvements en eau (hors énergie). Et un tiers des entreprises de l'agroalimentaire ont déjà dû limiter leur production à cause d'un arrêté sécheresse. Enfin, l'étiage historique du Rhin en 2018 a entraîné une diminution par deux du trafic du port de Strasbourg et causé d'importantes hausses de prix pour l'export de céréales ainsi que des pénuries d'essence en Allemagne. En 2022, la production d'énergie hydraulique de la région a également chuté de 21 %.
iPhone 16 : pourquoi Apple ne s’affole pas de la course à l’IA –
Selon Tim Cook, il s’agit des tout premiers smartphones "conçus pour l’intelligence artificielle". Lors de la Keynote du 9 septembre 2024, le grand raout d’Apple où la firme présente ses nouveaux iPhone, le patron a mis l’accent sur l’AI. Ici, l’acronyme ne signifie pas Artificial Intelligence, mais Apple Intelligence. La technologie, qui sera embarquée sur toute la gamme d’iPhone 16 (le 16, le 16 Plus, le 16 Pro et le 16 Pro Max) doit révolutionner l’utilisation des téléphones Apple à travers de nombreuses fonctionnalités. PUBLICITÉ La sortie des iPhones 16 positionne enfin l’entreprise dans la course à l’IA. Elle a surtout rassuré le monde de la tech, qui s’étonnait depuis des mois du silence de l’entreprise sur la technologie, et craignait qu’elle ait accumulé beaucoup de retard dans le domaine. Un comble pour ce pionnier des assistants intelligents qui a marqué les esprits avec Siri. Apple a cependant une stratégie atypique pour s’inscrire dans la course à l’IA. Le "rasoir à trois lames" d’Apple Le premier pilier de sa politique : un modèle d’IA développé par l’entreprise, qui permettra d’exécuter certaines tâches "en local", directement sur les appareils. Un outil pensé pour les demandes les plus basiques des utilisateurs - réécriture de messages, modifications légères de photos - et qui enrichira les capacités de Siri. LIRE AUSSI : "La révolution promise n’a pas encore eu lieu" : IA générative, l’ombre de la bulle Pour les requêtes plus compliquées, il faudra passer par une deuxième couche : un service cloud développé spécialement par Apple. L’avantage de ce système étant que les données des utilisateurs sont ainsi protégées par la Pomme, elles ne sont pas communiquées à des tiers. Ce cloud, nommé Private Cloud Compute, fonctionnera sur de puissants processeurs Apple silicon. Dernier étage de l’édifice : l’entreprise délègue les tâches les plus lourdes à OpenAI. Apple a signé un accord pour intégrer ChatGPT aux iPhones. Les utilisateurs peuvent ainsi lancer des requêtes directement depuis leurs téléphones. PUBLICITÉ Apple a redoublé d’efforts dans l’IA. En février 2024, la firme avait ainsi annoncé fermer la division Apple Car, son projet de voiture électrique, afin de réassigner 2 000 employés sur le sujet. L’entreprise a également débauché une douzaine d’experts en intelligence artificielle de Google en avril pour renforcer ses équipes. Sa stratégie à trois couches montre cependant qu’elle n’a pas encore de LLM (grand modèle de langage) sophistiqué. "S’ils avaient un gros modèle capable de concurrencer ChatGPT ou Gemini, ils l’auraient mis sur leur cloud privé", observe Hanan Ouazan, associé chez Artefact en charge des offres IA. Le fait de se concentrer sur des "mini-IA" présente un risque : que l’écart se creuse avec les modèles plus sophistiqués et que les "petits modèles d’Apple deviennent ringards", pointe Pascal Malotti, responsable de la stratégie pour le cabinet Valtech. Mais cette approche prudente a ses mérites. Car avec de petits modèles d’intelligence artificielle, Apple peut déjà répondre à beaucoup de demandes du quotidien. Le partenariat OpenAI permet, quant à lui, d’offrir la meilleure intelligence artificielle du marché aux clients Apple, sans investissement exorbitant. L’entraînement d’IA, qui nécessite énormément de puissance de calcul, coûte en effet excessivement cher. Autour de 100 millions de dollars pour l’entraînement de GPT-4. Et la barre sera placée encore plus haut avec les nouvelles générations d’IA : des études la situent aux abords du milliard de dollars d’ici quelques années. "Les grands noms de l’IA ont beaucoup d’avance. Et dans ce domaine, la compétition va très vite", rappelle par ailleurs Hanan Ouazan. Même Google, qui est dans le secteur depuis de très nombreuses années, a du mal à rattraper l’écart qui s’est creusé avec OpenAI. Apple ne rivalise pas avec OpenAI Le risque de bulle financière plane, du reste, toujours au-dessus de l’industrie. "Apple ne veut pas prendre le risque d’investir dans des infrastructures onéreuses qui n’auront peut-être pas de retours sur investissements", souligne Pascal Malotti. S’appuyer sur les technologies d’autres acteurs existants reste la solution la plus économique. LIRE AUSSI : L'IA, un remède inattendu contre la pénurie de codeurs, par Robin Rivaton L’accès aux données d’entraînement serait enfin un dilemme pour Apple. Non pas que la firme manque de moyens théoriques d’en collecter : ses produits sont dans la poche de deux milliards de personnes. Mais la firme met depuis des années un point d’honneur à préserver la vie privée de ses utilisateurs au cœur de son discours. Or, "l’entraînement des LLM est un désastre pour la protection des données", analyse Pascal Malotti. Autant de raisons qui expliquent que la Pomme ne s’affole pas de la course à l’IA. "Apple privilégie avant tout l'expérience utilisateur. Pour eux, il est plus important d'offrir un maximum de fonctionnalités pertinentes plutôt que de simplement avoir le plus gros modèle", souligne Hanan Ouazan. L’entreprise pourrait bien continuer de déléguer certaines tâches à des IA partenaires en attendant l’éclatement de la bulle, et la consolidation du marché. "Les très gros LLM, c’est comme l’A380, pointe cet associé du cabinet Artefact. C’est impressionnant, mais toutes les compagnies aériennes n’en ont pas besoin. Les plus petits LLM, comme des A350, sont parfois plus adaptés"
Publicis réalise une acquisition à un demi milliard, sa plus grosse en cinq ans
C'est un été à plus d'un milliard de dollars pour Publicis. Après avoir acquis, fin juillet, Influential (une plateforme qui fait le lien entre les créateurs de contenus et les annonceurs) pour près de 500 millions de dollars (soit 450 millions d'euros), le champion français de la publicité vient de racheter la société américaine Mars United Commerce pour une somme supérieure, selon nos informations, à 500 millions de dollars. Ce montant fait de cette acquisition la plus importante pour Publicis depuis cinq ans et la méga-acquisition d'Epsilon (4,4 milliards). En 2014, le groupe avait aussi racheté Sapient pour 3,7 milliards. Avec cette nouvelle transaction, la firme dirigée par Arthur Sadoun met la main sur une agence marketing spécialisée dans la grande distribution physique ainsi que dans l'e-commerce, dont le « retail media » (ce qui a notamment trait à la monétisation des espaces publicitaires sur les sites marchands des grands commerçants). Une centaine de grandes marques clientes Employant plus de 1.000 salariés à travers le monde, Mars United Commerce travaille avec plus d'une centaine de grandes marques à qui le groupe fournit une kyrielle de prestations : achat d'espaces publicitaires et de mots-clés sur les sites d'e-commerce, organisation d'opérations spéciales dans les magasins physiques, analyse de données et suivi de la performance des campagnes, création de contenus publicitaires, etc. LIRE AUSSI : Publicis lance un grand plan dans l'intelligence artificielle Ces activités vont venir compléter l'arsenal du groupe français, qui s'est fortement renforcé sur le créneau du commerce, au sens large du terme, ces dernières années. En 2021, Publicis a ainsi musclé le volet technologique en faisant l'acquisition de CitrusAd, une adtech spécialisée sur le retail media, pour près de 100 millions d'euros. Puis en investissant plus du double l'année suivante pour racheter Profitero, une plateforme analysant les ventes et les performances marketing des entreprises sur plusieurs centaines de sites d'e-commerce. En 2023, l'union dans le retail media de Publicis et de Carrefour - qui ont fondu certains de leurs actifs dans une coentreprise - est entrée dans sa phase opérationnelle. Un cours de Bourse au sommet Publicis n'est pas le seul à s'être renforcé sur ce segment de marché en plein essor, que les industriels de la publicité investissent de plus en plus. En fin d'année dernière, son rival Omnicom a cassé sa tirelire pour s'offrir, moyennant 835 millions de dollars, Flywheel Digital, une agence marketing spécialisée dans l'e-commerce et le retail media. En grande forme, Publicis tutoie actuellement ses records historiques sur la place de Paris, avec une action à près de 100 euros et une capitalisation boursière dépassant les 25 milliards d'euros. Ce qui fait du groupe tricolore le leader mondial de sa catégorie devant ses concurrents directs Omnicom, IPG, WPP et Dentsu.
Pour écrire les meilleurs posts LinkedIn, faut-il céder à la tentation de l’intelligence artificielle?
« Macron en rêvait, je l'ai fait, et ce n'était pas si difficile. » La phrase bute sur un « voir plus », sur lequel vous vous empressez de cliquer. Le texte se déroule. L'auteur du post LinkedIn, un entrepreneur très suivi, nous explique comment il a surmonté la terrible crise de gouvernance qui a frappé de plein fouet sa start-up. Moins intéressant que prévu mais vous continuez à lire. Les phrases sont drôles et les anecdotes personnelles. On y apprend qu'une grève a ébranlé son entreprise à la suite du refus du startuppeur de nommer le nouveau directeur général voulu par les actionnaires. Puis il explique comment il a réussi à promouvoir la personne qu'il voulait. Ok, cette situation est inventée par l'auteur de ces lignes, mais tout aficionado de LinkedIn l'a déjà vécue des centaines de fois. On s'est tous laissé attraper par une formulation qui fait mouche, puis le récit d'une aventure personnelle plus ou moins mièvre pour finir par une conclusion à la gloire du rédacteur. La structure est éculée. Et pour cause, un certain nombre de ces posts ont été écrits par une intelligence artificielle (IA). D'après un sondage -non représentatif de la population française- posté sur la page LinkedIn des Echos START, 6 % des 373 répondants affirment déléguer entièrement à une IA la rédaction de leurs posts. C'est peu, mais 55 % disent y avoir recours pour les écrire à quatre mains (les siennes + celles de l'IA). Au total, 61 % des répondants l'utilisent. L'IA me fait passer d'une simple idée à un post en quelques secondes Vincent Coirier est directeur des ventes pour un logiciel. Il publie quatre posts par semaine pour inciter des prospects à prendre rendez-vous avec lui. « C'est très important d'automatiser cette tâche chronophage. Un post LinkedIn qui veut toucher un grand nombre de personnes peut prendre 1 à 2 heures. Mon outil IA divise par deux le temps de rédaction. » Lui a entraîné une IA basée sur ChatGPT, avec ses propres directives adaptées à son profil (ce qu'on appelle un prompt). « L'IA me fait passer d'une simple idée à un post en quelques secondes. Je n'ai plus qu'à affiner. » Pour Alexis Pineaud, créateur de contenus et responsable d'agence d'influence en charge de l'image de ses clients, l'IA divise même par quatre le temps de rédaction. Pour ce faire, il en a automatisé la production. Il utilise un tableau (sur le logiciel Notion) pour organiser ses posts sur plusieurs semaines. A chaque date correspond un sujet, un angle, le ton à adopter, la structure narrative à adopter et des URL d'articles à donner à l'IA pour s'inspirer. A la fin, une formule lui retourne un prompt agrégeant toutes ces informations pour chacun des sujets, qu'il injecte dans une IA et le tour est joué. Enfin presque. Il les relit rapidement pour personnaliser le contenu. Sans aller jusqu'à la procédure décrite dans cette vidéo, qui peut décourager les plus néophytes, des générateurs de posts LinkedIn se sont développés sur Internet qui rendent la chose des plus faciles. Il est aussi bien sûr possible d'utiliser les IA les plus connues comme ChatGPT qu'il faudra entraîner en fonction de votre profil et de vos attentes. Standardisation : la faute aux algos ? L'IA, c'est donc du temps économisé. En particulier pour les gros « posteurs ». C'est aussi un bon moyen de diversifier le contenu. Oui, car avec l'IA, il suffit de demander : un jour, un format narratif fondé sur une histoire personnelle, le lendemain un post chiffré cette fois basé sur une étude ; une fois utilisant un ton grinçant et une autre plus policé. Vos posts ne se ressemblent plus. C'est en tout cas la promesse de l'intelligence artificielle. Mais encore faut-il la paramétrer pour qu'elle produise un contenu personnalisé. « L'IA est générative, pas créative », commente Alexis Pineaud. Parmi les 61 % de nos répondants ayant recours à l'IA, combien savent développer des prompts pertinents qui produiront du contenu à valeur ajoutée, adapté à leur profil ? Le risque est bien entendu de voir des posts ressemblants se multiplier. D'ailleurs, n'est-ce pas déjà le cas ? Nous n'avons trouvé aucune étude mesurant ce ras-le-bol LinkedIn, mais une même impression semble circuler : les posts ne visent plus qu'à attirer notre attention pour ensuite vendre un parcours personnel des solutions business (pas tellement) hors du commun. L'IA a-t-elle sa part de responsabilité ? Loin d'être effrayé par l'impact de l'IA sur la qualité des publications, LinkedIn pousse cette solution auprès de ses abonnés. L'entreprise américaine a développé un outil de rédaction géré par l'IA, « qui s'appuiera sur vos idées sur un sujet et les transformera rapidement en une première ébauche », détaille le site internet du réseau social. « Plus vous fournissez de détails, plus votre brouillon sera de bonne qualité. » Pour l'instant, cette fonctionnalité n'est disponible que pour les abonnés disposant d'un compte premium, et utilisant l'anglais. De toute façon, pour Alexis Pineaud, ce n'est pas l'IA qu'il faut incriminer. « TikTok, Instagram, LinkedIn… chaque réseau a ses structures spécifiques qui surperforment. Sur YouTube par exemple, il faut une miniature forte, un titre incitatif puis une écriture dynamique qui pousse à retenir le plus longtemps possible l'audience. En réalité, ce sont les algorithmes des plateformes qui imposent des structures types, et les IA, qui comprennent ça, reproduisent les modèles les plus efficaces. » LIRE AUSSI : Sur LinkedIn, les abonnements payants commencent à rapporter gros LinkedIn soûle-t-il ses membres à cause du personal branding pas toujours interesting ? Et l'expert d'ajouter : « Le risque de standardisation est présent uniquement à partir du moment où l'IA fait tout toute seule et reproduit ces structures. Il faut lui inculquer notre propre façon de penser. » Une qualité pas forcément meilleure Reste à savoir si l'IA aboutit à un travail de meilleure qualité. Que ce soit pour les posts LinkedIn ou toute autre production, l'IA permet un saut qualitatif pour celles et ceux qui ont une faible maîtrise du sujet. « Pour quelqu'un qui sait par exemple comment bien construire un post LinkedIn, la qualité d'une production IA ne serait pas forcément meilleure. L'intérêt sera surtout le temps économisé », conclut Alexis Pineaud. Une conclusion qui pousse certains à s'en tenir à leur cerveau et rien que leur cerveau. Guihaine Dépit est coach en image et stratégie d'influence, et pour elle, l'IA n'est pas une solution. « Jamais de chez jamais d'IA pour écrire mes contenus que j'espère inimitables. Je hais l'écriture de contenu de l'IA. » Et d'ajouter : « Je suis une humaine avec un coeur sensible. »