Après son redressement, Danone engage une mutation profonde
Danone passe un nouveau cap. Après deux ans de remise à plat, le groupe a présenté ce jeudi aux investisseurs, à Amsterdam, la seconde étape de son plan stratégique « Renew » pour la période 2025-2028. « Le Danone de demain sera différent de celui d'hier, a commenté Antoine de Saint-Affrique, son directeur général. Nous ne voulons pas seulement revenir dans le jeu, mais jouer un rôle majeur dans le futur ». C'est lui, avec une équipe aux commandes profondément renouvelée depuis son arrivée en septembre 2021 qui a mené la mutation du géant des produits laitiers. Sa mission était alors de relancer un groupe en panne de croissance, ce qui avait conduit à l'éviction de son prédécesseur, Emmanuel Faber. Un moment de bascule Nouvelle étape, nouvelles priorités. Les consommateurs restent la cible de Danone, et s'y ajoutent les patients médicaux. Leur point commun, la volonté du groupe de leur apporter « la santé par l'alimentation », sa mission depuis sa création. « L'industrie alimentaire est à un moment de bascule. Le lien avec la santé concerne les produits de tous les jours, un yaourt, une eau minérale, mais aussi des produits de nutrition médicale », poursuit le dirigeant. Ces aliments enrichis sont destinés aux personnes âgées et aux malades du cancer pour éviter la dénutrition. Sur ce marché depuis 2007, l'entreprise avait envisagé il y a dix ans de vendre cette activité. Elle est aujourd'hui au coeur de la relance. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - Pourquoi Danone mise sur la nutrition médicale Elle pèse près de 3 milliards de chiffre d'affaires sur un total de 27,6 milliards d'euros en 2023. Mais avec un fort potentiel au regard du vieillissement de la population. Pour faire le pont avec son activité grand public, Danone mise sur la science et ses laboratoires de R&D. « Cette relation est dans nos gènes, assure Antoine de Saint-Affrique. Quand Danone a lancé son premier yaourt en 1919, c'était pour régler un problème de santé. En 1964, Evian était vendu en pharmacie ». Microbiote et protéines Son idée : mettre en avant les connaissances de l'entreprise sur le microbiote et les protéines dans son offre en supermarché comme dans les pharmacies. A l'image de son yaourt hyperprotéiné Hipro, destiné aux sportifs. Lancé en 2019, avec une recette enrichie pour les JO, il utilise la même technologie que celle des produits de nutrition médicale. Cette déclinaison pourrait être élargie à d'autres produits de tous les jours, yaourts ou boissons. Niche de marché, les produits laitiers protéinés ont vu leurs ventes bondir de 400 millions depuis 2021, à près d'un milliard d'euros. Le fabricant devra toutefois veiller aux allégations. En 2010, il avait été rappelé à l'ordre par l'Autorité européenne de sécurité des aliments (EFSA) pour une « insuffisance de causalité des effets prônés » au travers des allégations santé. Des acquisitions en vue Autre piste : l'expansion géographique. Très présent en Chine, Danone veut se renforcer sur le marché américain et s'implanter en Inde. Pour accélérer ce déploiement, le géant de l'agroalimentaire prévoit de s'appuyer sur des marques mondiales. Hipro a ainsi été lancé au Japon, au Brésil ou en Australie, avec la même identité visuelle, alors que, jusqu'ici, une même offre pouvait être déclinée avec des marques différentes dans chaque pays. Avec les économies réalisées, le groupe va renforcer les investissements. « Ils vont continuer de progresser », a assuré Juergen Esser, le directeur financier, qui promet aussi un redémarrage des acquisitions, « même si l'optimisation du portefeuille va se poursuivre ». La rotation du portefeuille a atteint 9 %, avec la cession de Michel et Augustin en France ou des produits laitiers bio Horizon Organic Outre-Atlantique. Au terme de deux ans de transformation « radicale », Danone va mieux. Mais il a encore du travail, comme compléter son offre en matière végétale, et augmenter sa présence dans les pays émergents. « Nous avons affiché 9 trimestres de hausse continue du chiffre d'affaires, poursuit Juergen Esser. Une croissance compétitive : notre pôle laitier s'est redressé en Europe, après dix ans de recul. » LIRE AUSSI : EN CHIFFRES - Danone confirme le redressement de ses volumes 1919 : Danone offre la santé au bout de la cuillère Premier pilier du groupe, avec Actimel ou Activia, ce pôle pèse plus de la moitié du chiffre d'affaires. L'entreprise a été la première à renouer avec une hausse des volumes, fin 2023, dans un contexte d'inflation. Un redémarrage confirmé sur le premier trimestre 2024 , doublé d'une amélioration de sa rentabilité. Sur ces bases, l'industriel se dit prêt à « ouvrir un nouveau chapitre ». Il prévoit une hausse de son chiffre d'affaires de 3 % à 5 % entre 2025 et 2028, en comparable. Et une croissance de son résultat opérationnel courant sur la période, plus rapide. Son ambition est d'atteindre un flux de trésorerie disponible de trois milliards d'euros.
Les IA raisonnent-elles ou récitent-elles ?
Les IA conversationnelles, ou grands modèles de langages, sont parfois vues comme la porte à l'intelligence artificielle générale. ChatGPT sait par exemple répondre à des questions posées aux Olympiades internationales de mathématiques. Et pourtant, sur d'autres questions, en apparence beaucoup plus simples, ChatGPT fait de surprenantes fautes. Quels aspects de l'intelligence des IA conversationnelles expliquent leur capacité à résoudre certains problèmes et pas d'autres ? Thomas McCoy et ses co-auteurs conjecturent que c'est lié à leur modèle sous-jacent d'autorégression : techniquement, ces IA sont entraînées à compléter des textes trouvés sur Internet. Si une IA est très bonne pour calculer (9/5) x + 32, mais pas (7/5) x + 31, c'est parce que la première formule correspond à la conversion de degrés Celsius vers Fahrenheit, une conversion très fréquente sur Internet, tandis que la deuxième ne correspond pas à une formule particulière. Les IA conversationnelles seraient donc bonnes à reproduire ce qu'elles ont déjà vu. En effet, des nombreux travaux ont montré qu'elles avaient une certaine tendance à reproduire des bribes de textes connus. Donc, si l'IA sait résoudre des problèmes des Olympiades internationales de mathématiques, est-ce tout simplement parce qu'elle a mémorisé la réponse ? Faire du nouveau En termes d'intelligence, inventer une nouvelle démonstration mathématique demande de maîtriser des abstractions et de savoir enchaîner un raisonnement logique compliqué avec un départ et une arrivée imposés. Cela semble beaucoup plus difficile que de mémoriser une démonstration. C'est une des oppositions traditionnelles en apprentissage machine, la lignée de recherche qui a donné naissance aux IA actuelles : mémoriser est une chose, savoir généraliser en est une autre. Par exemple, si je mémorise toutes les additions entre deux nombres plus petits que dix, je ne sais extrapoler au-delà. Pour aller plus loin, il faut que je maîtrise la logique de l'addition… ou que je mémorise plus. LIRE AUSSI : CHRONIQUE - IA, sérendipité et « zemblanité » PANORAMA - Intelligence artificielle générative : la révolution ChatGPT en marche Et justement, les IA conversationnelles ont une énorme capacité de mémorisation, et ont été entraînées sur presque tout Internet. Etant donné une question, elles peuvent souvent piocher dans leur mémoire pour trouver des éléments de réponses. Sont-elles donc intelligentes ou ont-elles juste une grande mémoire ? Les scientifiques débattent encore de l'importance de la mémorisation pour leurs capacités. Certains avancent que leur capacité de stockage est finalement limitée par rapport à la taille d'Internet. D'autres se demandent à quel point les succès impressionnants mis en avant ne sont pas sur des tâches déjà résolues sur Internet, questionnant leur capacité à faire du nouveau. Mais la mémorisation serait-elle un aspect de l'intelligence ? En 1987, Lenat et Feigenbaum conjecturaient que pour un agent cognitif, accumuler du savoir permet de résoudre de nouvelles tâches en ayant moins à apprendre. Peut-être l'intelligence de l'IA conversationnelle est de savoir piocher les bonnes bribes d'information, et les combiner.
“Il faut rendre sexy le tourisme responsable” selon Antoine Richard
ur le tourisme et l’achat responsable, les études foisonnent. Selon un sondage publié par Booking.com, 77% des Français assurent vouloir voyager de manière plus durable au cours des 12 prochains mois. Mais, tous produits confondus, 77% des Français avaient déclaré en décembre 2023 privilégier le respect de leur budget aux achats responsables. Dans les critères de choix, le facteur prix peut renverser la table, notamment dans le voyage. Toutefois, les professionnels du voyage ne baissent pas pour autant les bras. Bien au contraire, quitte aussi à donner des arguments nouveaux ou inattendus. Proposer le train à destination Si le train a la réputation d’être cher en France et en Europe, il l’est parfois moins dans des pays lointains, indique ainsi Agnès Decramer, cofondatrice de la plateforme technologique d’activités touristiques Koob. « Aujourd’hui, presque tous les réceptifs avec lesquels je travaille proposent du train, souligne Agnès Decramer. Ce n’était pas le cas il y a 10 ans. » L’avion était presque exclusivement proposé à destination, pour les vols intérieurs. « Or le train est souvent moins cher ou à des prix équivalents dans ces destinations. » Une façon de rendre le voyage sexy, en termes de prix comme d’expérience « slow travel ». « C’est une alternative très concrète qui permet d’avoir un impact, poursuit la cofondatrice de Koob. La diversification des hébergements pour aller vers du séjour chez l’habitant a aussi un impact vertueux sur un séjour. » Antoine Richard, le président d’Agir pour un tourisme responsable (ATR), l’assure : « Il faut rendre sexy le tourisme responsable, et non moralisateur comme auparavant. Partir en voyage reste avant tout une belle expérience ». Finie la saison des pluies, vive la « saison verte » « Le tourisme responsable ne se limite pas au carbone, ajoute-t-il. Je suis très attaché au tourisme social avec Double Sens (dont il est cofondateur, Ndlr). Soyons fier en tant qu’opérateur de voyage de reprouver l’utilité de nos séjours, de prouver qu’on crée de la richesse et des emplois à destination. C’est pour cette raison que j’ai décidé d’accepter la présidence d’ATR. » Guillaume Linton, le PDG du voyagiste Asia, abonde : « Parlons en termes de bénéfices voyageurs ». Le voyagiste Asia parle désormais autrement de la saison des pluies. Une saison « verte », pendant laquelle les voyageurs ne souffriront pas du surtourisme. Une saison pendant laquelle « la nature est beaucoup plus luxuriante avec des pluies courtes en fin de journée par exemple ». Du rôle prescripteur des distributeurs Créé en 2004 sous l’impulsion de voyagistes du tourisme d’aventure, ATR fête ses 20 ans, et s’ouvre depuis quelques années à tous les professionnels du voyage : voyagistes traditionnels, réceptifs, distributeurs, offices de tourisme, plateformes… L’adhésion de Kappa/NG, Asia, Koob, Voyages d’Exception et Interface Tourism témoigne de cette diversification. « La responsabilité d’un distributeur, c’est aujourd’hui de proposer au grand public une alternative plus responsable au produit classique », estime aussi Antoine Richard. Les réseaux d’agences de voyages comptent parmi les prescripteurs naturels. Dans cet esprit, le Cediv et Leclerc Voyages ont récemment rejoint l’association qui compte 80 membres dont 15 marques labellisées. Un voyage lointain « exceptionnel » A l’horizon 2030, ATR compte fédérer 200 membres, indique son directeur Julien Buot. Pour lui, face au réchauffement climatique, le voyage de proximité ne peut constituer la seule réponse. A ceux qui critiquent l’avion et son empreinte carbone, Julien Buot répond : « Le voyage au bout du monde doit être redevenir exceptionnel – rare et qualitatif -, et organisé par entreprises engagées. » Pour embarquer la « famille » du voyage dans la dynamique, ATR donne rendez-vous à ses adhérents et partenaires à son séminaire à l’UCPA de Chamonix, du 23 au 25 septembre. L’occasion de revenir sur les chantiers des différentes commissions : carbone, destinations, préservation, inclusivité.
Le paiement sans contact désormais possible au-dessus de 50 euros
Insérer sa carte bancaire dans un terminal de paiement. Le geste, déjà en recul depuis l'essor du sans contact, devrait se faire encore moins fréquent grâce à l'arrivée progressive d'une nouvelle fonctionnalité, le « Sans Contact Plus ». Déployée en France depuis quelques jours, cette dernière permet de payer en apposant simplement une carte bancaire sur un terminal de paiement. Et cela même pour les montants supérieurs à 50 euros. Une étape reste néanmoins un passage obligé : la saisie du code confidentiel, vérifié par la banque du client. Adoption massive Le paiement par carte bancaire en sans contact était jusqu'ici limité aux achats de moins de 50 euros. Au-delà, l'insertion de la carte dans le terminal et la saisie du code PIN étaient obligatoires. Apparu en 2012, pour des montants inférieurs à 20 euros, le sans contact avait vu son plafond de paiement relevé une première fois à 30 euros en septembre 2017. LIRE AUSSI : Avec Tap to Cash, Apple se lance dans le paiement entre amis Espèces, carte bancaire, paiement mobile… qui pollue le plus ? L'arrivée de la pandémie de coronavirus et la mise en place des gestes barrières avaient accéléré, en mai 2020, un nouveau rehaussement du plafond à 50 euros, limite maximum fixée par la réglementation européenne. Ce nouveau plafond s'était accompagné d'une adoption massive du sans contact. « Désormais plus de six paiements par carte de proximité sur dix sont réalisés en mode sans contact, pour des montants moyens inférieurs à 20 euros », indiquait la Banque de France, dans un rapport publié fin 2023. Concurrence d'Apple Pay Le Groupement des Cartes Bancaires CB, responsable du réseau tricolore de paiement CB, souhaite désormais aller plus loin. « Le Sans Contact Plus permet de généraliser le paiement sans contact quel que soit le montant, et donc d'offrir un paiement rapide et sécurisé », salue-t-il. Mêmes avantages mis en avant par Société Générale qui salue un « processus de paiement plus fluide » et une « solution sécurisée ». Pour qu'elle soit déployée, les terminaux de paiement des commerçants devront toutefois être mis à jour. La levée du plafond de paiement devrait aussi permettre au GIE Cartes Bancaires CB de réorienter des flux de paiement vers CB. Car bien souvent, les transactions mobiles échappent au réseau français et transitent grâce à des acteurs privés, comme Apple Pay. Ce moyen de paiement, qui n'est pas plafonné, connaît actuellement une véritable explosion. L'enjeu est donc fort. En 2022, il a progressé de 137 %, après une hausse de 177 % en 2021, pour atteindre une part de près de 6 % dans les paiements par carte de proximité, selon la Banque de France.
Accor se dote d’un système de paiement centralisé pour vendre plus que des chambres d’hôtels
Fin 2023, Accor a initié le déploiement d’une nouvelle infrastructure de paiement avec l’entreprise américaine basée en Irlande Stripe. L’objectif du groupe est de proposer une plateforme de commerce en ligne qui offre la réservation au-delà des chambres d’hôtels, incluant des services de spa, des restaurants et des activités. Cette refonte concerne le prépaiement, soit les réservations effectuées avant le séjour, sur les canaux digitaux tels que l’application mobile ALL et les sites de marques comme Sofitel ou Ibis. 3 000 hôtels ont déjà été équipés de la nouvelle solution, principalement en Europe. Le déploiement continuera progressivement partout dans le monde. Une meilleure performance de paiement et plus d’agilité Pour Jean-Noël Lau Keng Lun, SVP Product Management rattaché à la Chief Digital Officer d’Accor, le groupe a opéré ce changement avec Stripe pour deux raisons. La première est d’améliorer la performance du paiement. Auparavant, sur 100 personnes qui essayaient de payer une chambre d’hôtel avant son séjour, 17 faisaient face à un échec de paiement pour diverses raisons. Désormais, ce taux d’échec est descendu à 6%. « Notre système de paiement est aussi performant que les sites de e-commerce mondiaux », se félicite Jean-Noël Lau Keng Lun. La deuxième raison est de gagner en agilité. Auparavant, pour proposer une nouveau moyen de paiement, il fallait se déplacer physiquement dans chacun des établissements. Désormais, tout se fait de manière centralisée et à distance. De plus, lorsqu’un client effectue une réservation pour un produit additionnel, comme une activité ou une visite au spa, les fonds sont directement reversés aux prestataires. Proposer une expérience au-delà de la chambre d’hôtel Ce nouveau système de paiement s’inscrit dans la stratégie d’Accor de proposer plus qu’une nuit dans un hôtel. Pas question de devenir une marketplace pour autant. « Nous vendons des hôtels Accor avec des expériences, l’un ne va pas sans l’autre », précise Jean-Noël Lau Keng Lun. Désormais, les clients pourront ainsi réserver une chambre d’hôtel et une place de concert pour Taylor Swift ou une entrée dans un musée. « Accor est le seul groupe hôtelier à proposer cela à cette échelle, cela nous donne un avantage compétitif certain. Nous avons l’assurance d’amener du chiffre d’affaires supplémentaire à nos établissements » continue-t-il. Accor travaille désormais à ce que la carte bancaire des clients reste enregistrée sur les canaux digitaux pour ceux qui le souhaitent, notamment dans l’application mobile du groupe. Cela permettrait de proposer plus de confort d’utilisation et donc de fidéliser les clients.
Montée de l’extrême droite en Europe : pourquoi ce pourrait être un mal pour un bien pour l’Afrique
Après l'annonce des résultats des élections européennes, les cartes politiques sont plus que jamais rebattues dans le Vieux Continent. C'est peu de le dire. Dans la plupart des 27 pays de l'Union européenne, le scrutin de début juin a consacré une large et historique victoire de l'extrême droite, ce que prédisaient d'ailleurs les sondages quelques semaines plus tôt. En France, par exemple, le Rassemblement national (RN), emmené par son président, Jordan Bardella, a raflé plus de 30 % des voix, loin devant Renaissance, le parti du président Emmanuel Macron, qui s'en est sorti avec à peine 15 % du suffrage. Même scénario en Allemagne, en Autriche, aux Pays-Bas… Selon les estimations, la droite nationaliste s'empare de près d'un quart des 720 sièges de l'hémicycle européen. « Un butin électoral assez grandiose », considère le quotidien marocain L'Opinion. LA NEWSLETTER AFRIQUE Tous les mardis à 16h45 Recevez le meilleur de l’actualité africaine. En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité. Jusque-là dominé par le Parti populaire européen (PPE), de droite, et les socio-démocrates, un basculement en faveur de l'extrême droite, pour ne pas dire une nouvelle ère, s'annonce pour le Parlement européen. Dans l'immédiat, les premiers résultats du vote ont eu l'effet de contraindre à des mesures d'urgence dans certains États membres. C'est le cas de la France où, dans la foulée, le président Emmanuel Macron a décidé la dissolution du Parlement et annoncé des législatives anticipées qui devraient se tenir le 30 juin pour le premier tour et le 7 juillet pour le second. À lire aussi Macron et le risque de la main tendue… dans le vide Des élections très scrutées au sud de la Méditerranée Il faut dire qu'une élection des eurodéputés, comme tout autre scrutin, comporte des enjeux de tous ordres. Là, ces enjeux commencent par le rôle même que devront jouer les élus. En effet, ces derniers auront, entre autres responsabilités, l'élection des présidents du Parlement européen et de la Commission européenne, la nomination des commissaires, le vote des lois européennes ainsi que le budget de l'UE. Autant dire que ces eurodéputés devront déterminer l'avenir de l'Europe, y compris sa politique extérieure, ses questions économiques, sociales, etc. Au regard des enjeux en place, les secousses de ce séisme politique que traverse l'Europe sont ressenties au-delà des frontières du continent. À l'est ou à l'ouest, au nord comme au sud européen, les résultats du vote et surtout la percée de l'extrême droite sont scrutés et commentés. Quelles répercussions politiques la composition du nouveau Parlement européen aura-t-elle sur la politique de l'UE vis-à-vis des gouvernements et des populations en Afrique ? Mais aussi de la diaspora africaine qui vit en Europe ? Assisterons-nous à une accélération des accords entre pays sur, par exemple, l'externalisation des frontières pour freiner les migrations avec l'accord de l'UE ? Les législatives anticipées en France auront-elles des conséquences directes pour les Africains et la diaspora qui vit en Europe ? Au Burkina Faso, le journal Le Pays se demande franchement ce que cette montée de l'extrême droite en Europe pourrait avoir comme impact sur l'Afrique. « Faut-il s'en réjouir ou s'en inquiéter ? » s'interroge en effet le canard. Alors que plusieurs pays du continent africain restent des points de départ de milliers de migrants illégaux vers l'Europe, la question migratoire n'est pas des moins sensibles lorsqu'il s'agit de commenter les européennes. Rien qu'en Tunisie, 462 corps de migrants irréguliers ont été repêchés sur les côtes depuis le début de l'année, selon un récent bilan dressé par les autorités de ce pays du Maghreb. À lire aussi « L'Afrique est le sujet n° 1 de l'Europe pour les 50 ans à venir » Un intérêt de l'Afrique pour la question migratoire Pour certains, cette question migratoire a même été déterminante dans les résultats du vote. « Il faut dire que le phénomène migratoire est passé par là, avec ces spectacles de cohortes de damnés de la terre qui prennent d'assaut les côtes européennes à la recherche d'un hypothétique Eldorado. Poussant ainsi chaque État du Vieux Continent à se barricader, à l'image de Frontex, ou même à mettre des programmes dans certains pays africains pour mieux contenir les candidats à l'immigration », commente le journal L'Observateur Paalga. Cette poussée de la droite radicale est symptomatique de la psychose migratoire qui s'est emparée de toute l'Europe et ne cesse, à chaque élection, de gonfler les voiles des partis d'extrême droite », poursuit ce quotidien privé burkinabé. Plus loin, L'Observateur Paalga analyse que « les partis nationalistes d'extrême droite ont désormais davantage d'action aux leviers de la législation communautaire [et] ne manqueront pas l'occasion d'imprimer un virage dans la politique migratoire, au grand bonheur d'une bonne partie de leurs populations et au grand dam de la bien-pensance africaine qui ne manquera pas de monter au créneau en criant à l'égoïsme national et au mépris de l'homme noir ». De son côté, Le Matin, quotidien marocain, estime que la traduction politique de cette avancée des partis d'extrême droite « ne sera pas si forte que ce qu'on laisse croire, en raison des dissensions au sein même de ce courant ». Le journal explique que le dernier mandat du Parlement européen (2019-2024) a révélé que « les membres de ce courant sont loin de former un bloc homogène, s'éparpillant au gré des votes. Les désaccords se manifestent, à la fois au sein même d'ECR ou d'ID, mais plus encore entre ces deux groupes, particulièrement sur les questions de politiques internationales ». À lire aussi « Pour une politique européenne ambitieuse et mutualisée avec l'Afrique » « Un mal pour un bien pour l'Afrique » « La montée de l'extrême droite en Europe pourrait être un mal pour un bien pour l'Afrique », analyse par contre Le Pays, qui note que cette poussée nationaliste intervient dans le contexte d'une Afrique en pleine mutation, où de plus en plus de pays africains invoquent la question de leur souveraineté dans le choix et la diversification de leurs partenaires. « Et si dans le cas d'espèce, on est loin du repli identitaire aux relents de xénophobie qui caractérise la plupart des mouvements d'extrême droite, il n'empêche que cette façon, pour ces pays africains, de se recentrer sur eux-mêmes, dénote d'une volonté de rupture avec un ordre ancien », argumente Le Pays. Toujours selon ce journal, « une telle situation mettrait les dirigeants africains face à leurs responsabilités en les obligeant à trouver des solutions innovantes à la crise migratoire pour fixer les Africains sur un continent qui a besoin de la force des bras et de l'intelligence de ses fils pour amorcer son vrai développement ». Au-delà des répercussions de façon globale sur le continent africain, le contrôle imminent du Parlement européen par la droite est pesé et soupesé sur la balance des intérêts bilatéraux. Dans certaines capitales, on évalue déjà les pertes et les profits liés aux enjeux géopolitiques et économiques. Au Maroc, on estime que « le renforcement du Parti populaire est jugé positif pour autant qu'il s'agit d'un allié historique [de Rabbat] au sein du Parlement européen », selon le Conseiller istiqlalien et président de la Commission mixte Maroc-UE, Lahcen Haddad, cité par le quotidien marocain L'Opinion. Ce journal, qui cite toujours Lahcen Haddad, ajoute que « l'unique parti d'extrême droite le moins amène à l'égard du Royaume est VOX, mais cela est dû à des raisons de politique intérieure en Espagne plutôt qu'à la question du Sahara ; […] les partis dits nationalistes sont favorables aux intérêts du Maroc et à son intégrité territoriale, contrairement à la gauche, que ce soit les socialistes, les Verts ou les radicaux ». À lire aussi Afrique-Méditerranée-Europe : « Il faut passer des discours aux actes » Un enjeu hautement géopolitique pour le Maroc Si, en France, « l'intérêt que porte la droite patriotique se manifeste dans le discours de la présidente du RN, Marine Le Pen, qui a déploré la crise franco-marocaine et dénoncé le tropisme algérien d'Emmanuel Macron », L'Opinion admet que « tout dépend des futures coalitions au sein du Parlement européen et de la composition des groupes thématiques pour avoir une idée plus claire sur les alliés potentiels du Royaume ».
Lacina Koné : « En Afrique, l’IA va aider à réduire le fossé numérique »
Formation, régulation et intelligence artificielle (IA) sont au cœur des missions de l'Alliance Smart Africa qui s'est donné pour objectif de faire avancer l'Afrique dans l'ère du digital. En marge du Gitex Africa, devenu en à peine deux éditions, le rendez-vous incontournable de la tech en Afrique, Lacina Koné, directeur général de Smart Africa, rappelle que si cet événement commercial reste orienté vers le secteur privé, l'écosystème étatique – avec les agences de régulation, de sécurité – se doit d'être présent. L'Alliance, créée il y a 11 ans au Rwanda, rassemble des chefs d'État africains, 41 pays à ce jour, mais également des organisations internationales et de grands acteurs du secteur du numérique. Il décrypte pour Le Point Afrique les enjeux du numérique et les défis actuels. LA NEWSLETTER AFRIQUE Tous les mardis à 16h45 Recevez le meilleur de l’actualité africaine. En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité. Le Point Afrique :Quelles sont les perspectives de l'IA pour l'Afrique ? Lacina Koné : Il faut d'abord se demander ce que l'IA a fait. C'est comparable à ce qui s'est passé avec l'impact de l'automatisation dans les usines, pour les ouvriers. C'est le même impact qu'aura l'IA sur les cadres. Aujourd'hui, je n'ai pas besoin d'une assistante, techniquement parlant. Pourtant, elle a été bien formée, elle a sa licence… Cependant, l'opportunité est énorme pour l'Afrique pour une raison : cela va aider à réduire le fossé numérique entre ceux qui parlent le français, l'anglais, le portugais, et qui utilisent la technologie et ceux qui ne parlent pas d'autres langues que leur langue native, comme le swahili par exemple. L'IA permet à une personne qui vit dans les zones rurales de communiquer avec la technologie pour exécuter la même chose. L'IA permet à chacun d'avoir un apprentissage personnalisé. Avec l'IA, que je parle en arable ou en swahili, mon téléphone va me répondre. L'IA permet de personnaliser l'apprentissage. Cela n'est pas possible aujourd'hui. La formation, même en ligne, même individuelle, n'est pas personnalisée : c'est le même module qui est dispensé. Cet outil va aussi nous faire gagner du temps et contribuer à renforcer l'aspect inclusif de la digitalisation du continent africain, car tout le monde pourra se l'approprier dans sa propre langue. Cet exemple, c'est juste un cas d'usage. Des milliers d'usages sont possibles : dans la santé, l'agriculture, les transports. L'IA repose sur l'usage des big data, des données. Sans données, pas d'IA et plus on fournit des données à l'IA, plus les résultats sont précis. La digitalisation est primordiale pour l'IA. La digitalisation permet de créer des données et d'aller vers l'économie des savoirs. À l'échelle des gouvernements, l'IA sera utilisée. C'est une disruption. C'est l'efficacité au sein des gouvernements, au sein du secteur privé.
Mise au net
Bien des secousses liées à des conflits, attentats, scandales économiques, belliqueux, sociétaux, environnementaux ont nourri l’actualité l’année dernière. Mais c’est un phénomène qui progresse à bas bruit, aussi doux et enveloppant qu’une séance d’ASMR que l’on préfère souligner pour commencer. En 2023, le care a gagné quelques batailles. Se faire du bien, s’entraider, protéger la planète : en 2023, on veut plus de douceur, de soin, de joie. Pour tout dire, la beauté et le bien-être ont bénéficié de l’actu chaude par le truchement de cette requête du soin agissant sur l’état émotionnel. Le tapping, ou tapotements thérapeutiques (EFT, emotional free- dom technique), propose de se libérer des émotions négatives et de soulager le corps. Cette promesse en a fait une top requête sur YouTube. De leur côté, à travers des mouvements lents et conscients, les somatic workouts (+500 % de requêtes entre 2022 et 2023) proposent de renforcer la connexion corps-esprit afin de libérer en premier des émotions non acceptées. Le kobido (massage japonais du visage) a inspiré deux fois plus d’intérêt, et le sound bath (expérience méditative de guérison par le son), +20 %. Éloge de la paresse Ainsi le sujet de la santé mentale a-t-il fait irruption dans la sphère publique. Les recherches liées ont augmenté d’environ 150 % en cinq ans, d’après Google, encouragées à la fois par des personnalités et des campagnes gouvernementales, dont « Parler, c’est guérir » en 2023. Ce volet de sensibilisation s’est accompagné du déploiement de nouveaux contenus dits « lazy…» ou « lofi…» (lazy workout, lazy skincare routines, lazy jobs, etc.). Fini la compétition et les contraintes. Les gens renoncent à devenir la meilleure version d’eux-mêmes, ils veulent juste être eux-mêmes et surtout en paix avec eux-mêmes. On n’hésite plus à partager ses vulnérabilités sur YouTube (comme ses living alone diaries), à montrer sa vraie vie vs sa meilleure vie (BeReal), et les contenus thérapeutiques se sont multipliés. Même Nike a modéré son injonction historique Just Do It en invitant parallèlement le public à s’assumer avec Be True, ou s’amuser avec Play New. Conséquemment, 2023 nous a rappelé les vertus du collectif : face à la dureté de la vie (y compris numérique), la résistance s’organise, souvent nourrie par des femmes. Le programme « Elles Font YouTube » les encourage d’ailleurs à s’exprimer tout en favorisant une meilleure inclusivité. Pendant ce temps, les hommes s’illustrent en mode entertainment et trustent intégralement le top 10 des vidéos les plus vues sur YouTube : Squeezie, Inoxtag, Michou, Greg Guillotin et autre Maxou assurent le show et affichent les meilleures progressions en termes de nombre de followers en 2023. Seule Cossi s’inscrit dans ce top 10. La route est longue… L’intelligence artificielle s’invite dans le réel Sans surprise, ChatGPT arrive number one des requêtes Google liées à l’actualité en 2023. Aux avant-postes de la révolution provoquée par l’intelligence artificielle, OpenAI défriche un univers aussi fascinant qu’inquiétant qui suscite nombre de questions, allant de « Va-t-elle me prendre mon taf ? » à « Peut-elle déclencher une guerre nucléaire ? » Google utilise déjà des algorithmes d’apprentissage automatique pour améliorer les résultats de recherche : la traduction automatique, la reconnaissance vocale, la recommandation de contenus spécialisés et la reconnaissance d’image. Au deuxième semestre 2023, YouTube a dévoilé une liste d’outils basés sur l’IA et désormais intégrés à la plateforme (ou en test). Ils permettent la création de décors (ou arrière-plans) guidée par des mots clés (Dream Screen pour les Shorts) et facilitent la production et le partage de vidéos (You- Tube Create). Ils s’ajoutent à l’outil de doublage automatique Aloud et complètent Creator Music, qui assiste désormais les utilisateurs dans leur recherche de bande-son. De leur côté, les marques se passionnent déjà pour l’IA puisqu’elles leur facilitent la tâche dans leurs relations clients (quasi automatisées) ou la création de contenus dans le cadre de leur propre communication… Fini la compétition et les contraintes. Les gens renoncent à devenir la meilleure version d’eux-mêmes, ils veulent juste être en paix. Sauver la planète Si on sait la terreur qu’inspire le phénomène, force est de constater que la lutte contre le réchauffement climatique et ses conséquences est moins présente que les punaises de lit, sujet très largement amplifié médiatiquement par des comptes liés au Kremlin comme l’a prouvé VIGINUM1, parmi les dix sujets les plus abordés dans les requêtes Google. Au menu de cette année 2023, en marge des rassemblements destinés à mobiliser les pouvoirs publics sur le sujet, sobriété et débrouille se sont pourtant imposées dans les modes de vie des Français et les contenus des réseaux. La lutte contre l’obsolescence programmée a conduit le public à s’orienter vers des solutions d’achat mieux maîtrisées. Cette tendance dite Long Life Tech se traduit par des initiatives intéressantes comme l’indice de réparabilité institué en France ou le Digital Fair Repair Act, qui favorise la réparation plutôt que le remplacement des équipements électroniques dans l’État de New York. D’ailleurs, l’intérêt de recherche pour la réparation a augmenté de 30 % ces cinq dernières années. De même, pour consommer autrement, des tendances comme le No Buy Day créé à l’image du Dry January ont invité à reconsidérer la nécessité de nos achats. Logiquement, le luxe n’échappe pas au phénomène, avec le déploiement des « dupes », cette démarche qui consiste à dupliquer les codes du luxe sans avoir à en payer le prix, (parfois) rédhibitoire. Les dupes (à ne pas confondre avec les contrefaçons) de produits de luxe ont provoqué deux fois plus de recherches en l’espace d’un an. Pour finir et pour l’anecdote, nous proposons une bonne et une mauvaise nouvelle tirées des classements par sujet de Google. Un français se distingue dans le top 10 (exclusivement farci de blockbusters américains) des recherches effectuées sur les longs-métrages diffusés au cinéma : Astérix et Obélix de Guillaume Canet, juste derrière Oppenheimer, Barbie et Avatar 2, rien que ça. En revanche, une seule femme, nommons-la : Karolina Muchova, figure dans le top 10 des athlètes recherchés en 2023. Doit mieux faire. 1- VIGINUM est le service technique et opérationnel de l’État chargé de la vigilance et de la protection contre les ingérences numériques Sources : Étude Year in search 2023, Google. Étude Consommation et usages : les tendances 2024 par Google et VML. Elles Font You- Tube, Made on YouTube, YouTube Impact Report, Palmarès 2023. Épique époque Pour le SIG, les référenciels pluriels, le retour à l’essentiel, la défense du commun et l’attention au monde redéfinissent l’époque. En février 2023, le Service d’Information du Gouvernement lançait une vaste étude prospective1 pour qualifier l’époque dans laquelle nous vivons. Il en est ressorti quatre macro-tendances sociétales structurelles qui résonnent parfaitement avec les observations faites sur Google. Se concentrer sur l’essentiel : les Français se concentrent sur ce qui est à leur portée, proche d’eux et accorde le plus de valeur à ce qui est tangible. Ils se recentrent sur l’essentiel, dans une recherche d’ancrage et de simplicité. Rester agile : la mobilité, plutôt que la stabilité, est la norme. Les référentiels se recomposent pour devenir davantage pluriels, tenant compte des particularismes. L’agilité, devant la profusion des voies ouvertes, s’exprime dans une quête de l’équilibre et de l’alignement, avec un souci de conciliation. Être et faire ensemble : la société prône l’acceptation de chacun dans sa singularité. Dans une société plus diverse, il s’agit aussi de défendre un lien qui semble menacé face à la montée des disparités sociales, culturelles, territoriales et générationnelles, de créer de l’unité pour dépasser les divisions, de résorber les distances en refaisant commun, par l’échange et l’engagement. Prendre soin : une nouvelle éthique de l’attention invite à valoriser toute chose ou être vivant, sous le prisme des vulnérabilités, dans une nouvelle relation sensible, considérant les chaînes d’interdépendance. Elle pose en corollaire la question de la durabilité et de la transmission. SIG 1- Étude réalisée sur la base d’un corpus documentaire composé d’ouvrages de penseurs et chercheurs en sciences sociales et économiques, de rapports et d’études (qualitatives, quantitatives, social listening). Les travaux menés ont reposé sur une approche systémique, par thématiques en lien avec le quotidien des Français (famille, éducation, santé, alimenta- tion, mobilité, spiritualité, habitat et cadre de vie, etc).
Concurrence dans les TGV : le big bang européen est en route
La France est partie avec un temps de retard par rapport à l'Italie ou à l'Espagne sur l'ouverture des grandes lignes ferroviaires à la concurrence, mais le signal du départ est bel et bien donné. Après l'arrivée des opérateurs historiques, l'italien Trenitalia en 2021 et l'espagnol Renfe en 2023, sur quelques axes rentables, de nouveaux venus domestiques se préparent activement à concurrencer les TGV de la SNCF. Proxima, Le Train ou Kevin Speed (sous la marque « Ilisto ») veulent se lancer avec des arrivées programmées entre 2026 et 2028. « Si l'ensemble des différents projets annoncés parviennent à se lancer, le marché français deviendra le plus concurrentiel d'Europe sur la grande vitesse », selon une étude du cabinet E-Cube Strategy Consultants. A condition que le prochain gouvernement joue le jeu, n'entrave pas le mouvement dicté par des textes européens. Et trouve les improbables ressources budgétaires pour concrétiser le plan de 100 milliards pour moderniser le système ferroviaire, annoncé en son temps par l'ex-Première ministre Elisabeth Borne. Billets moins chers pour les clients Au vu des cas de l'Italie et de l'Espagne, « le retour d'expérience est positif pour les passagers », selon Etienne Jan, associate partner du cabinet. Par un choc d'offre, « l'ouverture à la concurrence a généré une augmentation de la fréquence de 30 à 60 % et du trafic de 50 à 75 % en Espagne et en Italie sur les lignes ouvertes ». Quant au prix des billets, les clients sont largement gagnants, l'arrivée de nouveaux entrants ayant généré, après une première vague de promotions destinées à acheter des parts de marché, « une réduction des prix moyens de 10 à 20 % pour l'usager », selon l'étude. LIRE AUSSI : TGV : le premier concurrent français de la SNCF a trouvé un milliard d'euros et 12 trains La SNCF relance ses TGV à l'assaut de l'Italie Ainsi en Espagne, la double arrivée de la SNCF, avec Ouigo Espana, et de Trenitalia avec Iryo a contraint la Renfe à lancer à son tour ses trains low cost Avlo. Aussitôt, le trafic a augmenté de 50 % sur les liaisons principales entre 2019 et 2023, avec des clients auparavant habitués à prendre leur voiture. Et le choc d'offre a entraîné « une baisse des prix de plus de 20 % sur les lignes Madrid-Barcelone et Madrid-Valence ». Même constat avec le précédent italien. Un marché domestique transalpin que la SNCF s'apprête à conquérir à son tour, à partir de 2026, avec un produit low cost dérivé du produit Ouigo et ses 15 nouveaux TGV à deux étages et densifiés, selon le projet « Allegro » déjà dévoilé en interne. Une concurrence « par le bas » à l'égard des deux opérateurs actuels, Trenitalia et Italo (NTV), qui exploitent respectivement 59 % et 41 % des fréquences vendues sur la voie royale Rome-Milan. Péages plus élevés en France Le marché français fera-t-il autant la part belle aux nouveaux entrants que ses deux voisins d'Europe du Sud ? De nombreuses barrières à l'entrée subsistent dans l'Hexagone, observe Etienne Jan. « Des barrières industrielles pour avoir accès aux trains, les accès aux sillons sur les voies si beaucoup d'acteurs en demandent, des difficultés à trouver de la place dans les gares, et les tarifs des péages ferroviaires », énumère-t-il. Comme l'infrastructure est moins subventionnée qu'ailleurs en Europe, « le péage moyen sur le réseau français à grande vitesse était en 2019 de 16 euros par train-km, contre 5 euros en Italie ou 7 euros en Espagne », rappelle le consultant. Un frein matériel à la baisse des tarifs. Réduire le prix des péages - une réflexion lancée de longue date en France mais sans résultat concret -, pourrait, si le futur gouvernement issu des urnes s'y résout, améliorer la compétitivité du train, le bilan carbone global des transports, et créer une demande induite de trains. Donc à terme, plus de passagers annuels, et plus de recettes pour le gestionnaire d'infrastructures, SNCF Réseau. Fréquentation de la ligne Madrid-Barcelone, entre 2019 et 2023« Les Echos » LIRE AUSSI : TGV : le marché français résiste plus que prévu à Trenitalia Ferroviaire : le gendarme de la concurrence juge insuffisante l'ouverture du marché national Favorable aux clients du rail, l'arrivée de la concurrence l'est-elle également pour les opérateurs historiques ? Visiblement pas à court terme. Ces derniers doivent avoir les reins solides avant d'entrevoir la rentabilité. Avec l'arrivée de Trenitalia, la SNCF a perdu son monopole historique sur Paris-Lyon, la liaison la plus fréquentée d'Europe (44 millions de passagers, soit un tiers du trafic longue distance en France), rappelle le cabinet E-Cube. Gonflant pour le groupe français le poids relatif de ses lignes domestiques déficitaires, par exemple vers Arras, Chambéry ou Nancy, qui ne seront jamais convoitées par ses rivaux. Grosses pertes de Trenitalia en France Or même sur cette voie royale, prolongée vers Turin et Milan, Trenitalia France a perdu 34,5 millions d'euros en 2022, pour un chiffre d'affaires quasi équivalent de 39,5 millions, selon nos informations. Pas mieux pour la SNCF qui a connu un lancement similaire avec Ouigo Espagne , qui a généré des pertes de 36 millions en 2022, souligne E-Cube. Le premier équilibre est toutefois prévu pour cette année, ajoute l'état-major de SNCF Voyageurs. Une chose est sûre : le terrain de jeu des opérateurs de TGV n'est plus domestique mais européen, comme le démontre déjà le match à trois entre SNCF, Trenitalia et Renfe. En débarquant en Italie en 2026 sur les lignes Turin-Rome-Naples et Turin-Venise, l'opérateur français espère bien rogner la marge de Trenitalia sur son marché domestique, pour freiner ses capacités d'investissements à l'international, selon les plans déjà présentés au comité d'entreprise européen.