A la diète, le secteur du Web3 attend la prochaine vague
C'est la gueule de bois dans les start-up du Web3. De façon encore plus marquée que dans la tech en général, et même la fintech, le secteur crypto, affronte un net reflux des investissements en capital-risque depuis six mois. La méfiance des fonds de capital-risque (VC) à l'égard de ce secteur incertain avait pris forme au lendemain du crash de la plateforme FTX fin 2022, elle n'a cessé de s'accentuer. Au premier semestre 2023, les jeunes pousses du Web3 (blockchain, cryptos, tokens, NFT…) ont levé 78 % de capitaux en moins auprès des VC que l'année d'avant à la même période, selon RootData. Soit 4,43 milliards de dollars de janvier à juin 2023, contre 20,19 milliards au premier semestre 2022 et 20,33 milliards au second semestre. Le nombre de tours a lui aussi décru : 611 mi-2023 contre plus de 1.000 six mois plus tôt. Indicateurs contrastés Quelques indicateurs laissaient penser que le soutien au secteur crypto pouvait se maintenir en 2023. D'abord, le bitcoin (qui donne le « la » dans l'industrie) a repris 85 % de sa valeur depuis janvier ; de plus, la reine des cryptos est tombée à son plus faible niveau de corrélation avec l'indice technologique boursier Nasdaq (3 %, contre 60 % en janvier, selon Kaiko). Ensuite, plusieurs places (Union européenne,Royaume-Uni , Hong Kong) ont clarifié leurs règles et cherchent à séduire les acteurs du Web3. Mais l'environnement macroéconomique, marqué par l'inflation et la hausse des taux , n'a, lui, pas changé et continue de refroidir les fonds de capital-risque. La chasse aux sorcières de la SEC (le gendarme américain de la Bourse) contre la crypto s'ajoute à l'incertitude. « Si elle décide que certaines cryptos doivent être des titres financiers, cela influencera le marché mondial, y compris l'Union européenne, malgré son règlement MiCA », souffle Zohair Dehnadi, associé fondateur du fonds allemand XVentures, rencontré au sommet Proof of Talk Paris. LIRE AUSSI : ANALYSE - Start-up : la fin d'un cycle ? DECRYPTAGE - La finance traditionnelle passe à l'offensive dans la crypto En France, où l'on se félicite d'avoir une visibilité réglementaire depuis la loi Pacte de 2019 (dont s'est inspirée MiCA), les fonds de capital-risque Web3 ont participé à deux fois moins de levées au premier semestre 2023 qu'à la même période en 2022, estime Ivan de Lastours, responsable blockchain et crypto chez Bpifrance, pour 130 millions d'euros injectés contre 250 millions. « Le Web3, c'est un peu comme le marketing, c'est le premier budget qu'on coupe », compare-t-il. Tokenisation XAnge, qui a annoncé un véhicule Web3 (Digital Ownership) de 80 millions d'euros en 2022, pense que c'est le moment de se positionner, y compris d'investir en token et pas seulement en equity. Il a obtenu en juin une extension d'agrément auprès de l'Autorité des marchés financiers pour consacrer 10 à 30 % des fonds en jetons dès septembre. Les secteurs porteurs : la blockchain et la finance décentralisée. Bref, des sujets toujours très techniques. « Ce qui manque, ce sont des protocoles Web3 qui ont une utilité, dans le stockage, par exemple, ou les télécoms », pointe Luc Jodet, associé chez XAnge. Trop jeunes, ils ne génèrent pas assez de volumes et de revenus. D'autres fonds chercheraient à se positionner sur les tokens, dont Cathay Innovation et Aglaé (family office de Bernard Arnault, propriétaire des « Echos »), qui ont tous deux déjà annoncé des enveloppes de 100 millions d'euros pour le Web3. Eurazeo et Alven se pencheraient eux aussi sur la question. La perspective est de surfer sur la tokenisation d'actifs réels (immobilier, art, vin, identité…), vue en coulisses comme la prochaine vague. Une évolution technique du bitcoin (« halving ») mi-2024 augmentera mécaniquement sa valeur. D'aucuns espèrent que l'histoire bégaie et qu'il entraîne les tokens vers les cieux.