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Le plan en trois temps d’Intermarché pour rivaliser avec Leclerc et Carrefour

« Pour rester dans la course, un groupe de distribution doit au moins réaliser 200 milliards de francs de chiffre d'affaires » affirmait Georges Plassat en 1997, quand l'euro n'avait pas encore remplacé le franc. Celui qui était à l'époque patron opérationnel de Casino affrontait le nouvel actionnaire de référence du distributeur stéphanois : Jean-Charles Naouri. Le financier venait à la rescousse de la famille fondatrice Guichard attaquée par Promodès. Georges Plassat perdra la partie. Et Casino finira par être démantelé. Aujourd'hui, la barre de la taille critique est fixée à 20 % de parts de marché. Et c'est pour l'atteindre qu'Intermarché, un quart de siècle plus tard, a racheté l'essentiel des supermarchés et hypermarchés Casino. Avec 294 nouveaux magasins, Les Mousquetaires de la distribution aiguillonnée par le d'Artagnan Thierry Cotillard ont dépassé les 18 %. La relance des points de vente - déjà 10 % de hausse des ventes un an après le changement d'enseigne, 40 % visés à terme - hissera le réseau d'indépendant au niveau de Leclerc et de Carrefour, le premier approchant les 25 % et le second montant à plus de 21 % après le rachat de Cora. Pour réussir son pari à deux milliards d'euros d'investissement, le président du Groupement Les Mousquetaires a procédé en trois temps. Saturer le pôle industriel D'abord, dès le lendemain de son élection, début 2023, Thierry Cotillard a lancé une série d'économies de coûts. Les filiales étrangères (Pologne Portugal, Belgique) ont été priées d'autofinancer leur développement. Un gros chantier informatique a été raboté. Le pôle industriel Agromousquetaires a poursuivi sa restructuration. Deux usines ont été vendues. Deux autres vont l'être. Le sort de l'armement de pêche, très déficitaire, a été mis en suspens. En gonflant la rentabilité des structures centrales du réseau d'indépendants, Thierry Cotillard a pu financer l'opération Casino par la dette. LIRE AUSSI : INTERVIEW - « Les magasins Casino, c'est quinze ans de développement en une seule année pour Intermarché » Thierry Cotillard, le patron très atypique d'Intermarché Dans un deuxième temps, il a enclenché une dynamique de croissance pour tenir l'équilibre. Fort de leur relance commerciale à base de baisse des prix (18 % en moyenne), les 294 ex-Casino ont pour objectif de passer leur chiffre d'affaires global de 3 milliards à 4,5 milliards. Ils s'approvisionneront en produits à marques propres auprès d'Agromousquetaires. Parallèlement, Intermarché a décidé de passer ses « MDD » de 35 % à 40 % des ventes, soit un total de 2 milliards d'euros de chiffre d'affaires qui ira alimenter les usines maison, lesquelles espèrent aussi récupérer les commandes d'Auchan. De quoi saturer les lignes de production et abaisser leur coût. Meilleures conditions d'achat L'acquisition des Casino ayant été réalisée en commun avec Auchan, Intermarché a noué un partenariat étroit avec le distributeur de la famille Mulliez. Ensemble ils ont constitué Aura, une centrale d'achat sur laquelle Monoprix et Franprix se sont greffés, qui pèsera plus de 30 % du marché français et pourra prétendre à des conditions d'achat équivalentes à celles de Leclerc et Carrefour. Cela permettra de baisser les prix, de conquérir de nouveaux clients et d'accroître encore la part de marché. LIRE AUSSI : Alimentation : Intermarché tourne ses 56 usines vers le frais et le végétal Intermarché a dessiné un cercle vertueux. Son succès dépendra de la réussite des anciens Casino. La hausse des ventes doit se poursuivre. Un grand concurrent affirme que ses magasins situés face aux ex-Casino ne voient pas leur activité baisser. Le gonflement des ventes sera nécessaire pour permettre aux adhérents, dans la logique des indépendants, de racheter les fonds de commerce aux structures centrales. Seule la bascule vers les adhérents parachèvera l'opération. Pour faciliter cette passation de pouvoir financière, Thierry Cotillard a changé les règles et permis la copropriété entre deux ou trois adhérents. Une façon de mettre toutes les chances de son côté. C'est le troisième temps du pari Casino.

By |2024-12-02T13:15:35+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Cinq établissements de La Réunion classés parmi les 1 000 meilleurs restaurants du monde

Qui sont les 5 restaurants péï ? Cinq tables réunionnaises sont présentes dans le palmarès 2025 et figurent donc dans le top 1 000 des meilleurs restaurants au monde : Le Blue Margouillat (Saint-Leu) L’Ambéric (Le Tampon) L’Atelier de Ben (Saint-Denis) La case Pitey (Saint-Louis) La Villa Fleurié (Saint-Denis) Les cinq restaurants ont une moyenne de 75.5/100 et sont classés dans les 900e. En 2023, six établissements étaient dans La Liste. En plus des cinq que l'on retrouve cette année, figurait le Diana Déa Lodge, qui lui, est donc sorti du classement.

By |2024-12-02T13:14:31+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Ces Français qui comptent chez OpenAI

Les Français ont depuis longtemps intégré les Gafa et à des postes parfois prestigieux, comme celui de Yann LeCun, vice-président et « monsieur » intelligence artificielle de Meta. On retrouve aussi ce phénomène dans de « grosses » start-up dont OpenAI, qui vient de boucler une levée de fonds record de 6,6 milliards de dollars . Portrait de trois personnalités qui comptent chez la star de l'IA générative. · Olivier Godement, le touche-à-tout Lors de sa conférence consacrée aux développeurs, il y a quelques jours, OpenAI a multiplié les annonces et fait, comme d'habitude, quelques démonstrations. Parmi les intervenants, on trouvait Olivier Godement, responsable produit API (interface de programmation d'application). Cette technologie, qui est centrale dans le secteur, permet aux développeurs de créer des applications à partir des grands modèles de langage. Olivier Godement connaît bien ce monde puisqu'il était auparavant chez Stripe, la fintech américaine valorisée 70 milliards de dollars, connue pour son API qui permet d'ajouter, entre autres, des modules de paiement sur des sites. LIRE AUSSI : Les chiffres affolants d'OpenAI, la star de l'IA générative OpenAI, ByteDance, SpaceX : ces start-up aux valorisations XXL Il avait été recruté en 2014 à Paris par Guillaume Princen, alors chargé de lancer Stripe en Europe. « Il avait un boulot très hybride. Il parlait aux juristes, il structurait le support, il faisait des partenariats avec des incubateurs et des banques… c'était un peu l'homme à tout faire », se souvient un employé de Stripe. « Il a fait du business, du produit et de l'opération, c'est rare », souligne un autre. Il faut dire qu'il a dû mettre les mains dans le cambouis quand il a créé sa start-up en 2012. Son nom ? Sparkup, une plateforme de crowdfunding en actions. · Romain Huet, le « showman » Romain Huet était sur la même scène qu'Olivier Godement, il y a quelques jours. Cet ingénieur a montré comment un nouvel outil d'OpenAI pouvait parler au téléphone avec un humain pour lui demander de commander de la nourriture pour un événement. Prendre la parole devant des centaines de personnes est une formalité pour Romain Huet, aujourd'hui responsable de l'expérience des développeurs chez OpenAI. Il faisait cet exercice quand il était chez Stripe (lui aussi !). « Il est devenu notre showman. Il animait nos conférences externes et internes », rapporte un salarié de Stripe. Romain Huet est aujourd'hui responsable de l'expérience des développeurs chez OpenAI.Samuli Pentti Romain Huet a commencé sa carrière chez Netvibes (big data) avant de cofonder en 2008 avec Tariq Krim, Jolicloud, un des pionniers français du cloud. Cinq ans plus tard, il est recruté par Twitter à Londres pour s'occuper des relations avec les développeurs. « A l'époque, Twitter ne savait pas comment faire pour encourager les développeurs à créer des applications à partir de ses données », se souvient un ancien salarié. Romain Huet s'est alors engouffré dans le sujet des API, ce qui lui a permis de croiser la route des fondateurs de Stripe. · Julie Lavet, la spécialiste de la politique « L'IA est un enjeu de compétitivité, pour la France et pour l'Europe ! » Cette citation ne vient pas d'une start-up française d'IA, mais d'OpenAI, et plus précisément de Julie Lavet, sa responsable des affaires publiques pour l'Europe. Dans un portrait que « Les Echos Start » lui ont consacré au moment de sa nomination en mai dernier, la jeune femme explique qu'elle agit pour l'intérêt général. Julie Lavet, responsable des affaires publiques pour l'Europe.DR Rien de très surprenant pour celle qui a travaillé plusieurs années en politique (toujours sous des responsables socialistes), que ce soit au niveau local (ville d'Argenteuil) puis au niveau national, au ministère du Logement, à l'Assemblée nationale - où elle était assistante - puis à Matignon, comme conseillère parlementaire de Manuel Valls. Après la politique, elle travaille deux ans en tant que directrice des affaires publiques pour le Comité national olympique et sportif français (CNOSF) avant de rejoindre Apple pour exercer les mêmes fonctions pour la France et le Benelux. Avec OpenAI, Julie Lavet va relever de nouveaux gros défis, notamment la mise en oeuvre de l'AI Act en Europe .

By |2024-12-02T13:12:49+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

OpenAI dégaine ChatGPT Search et lance la grande offensive contre Google

« Allez directement à la source. » OpenAI, la maison mère du célèbre chatbot ChatGPT, a dégainé son propre moteur de recherche. Baptisé ChatGPT Search, il se positionne à la croisée des chemins, entre son chatbot dopé à l'intelligence artificielle générative, et un moteur de recherche classique. Google pour ne pas le nommer. Alors que le marché attendait un nouveau produit, baptisé SearchGPT - l'entreprise a déjà reconnu que trouver des noms n'était pas son fort… -, elle a finalement décidé de l'intégrer à sa plateforme vedette. Il faut dire que celle-ci rassemble déjà pas moins de 200 millions d'utilisateurs actifs mensuels à travers le monde. La start-up ne dit pas si son moteur de recherche consacré doit toujours voir le jour. Le meilleur des deux mondes ? ChatGPT Search est réservé aux abonnés payants (Plus et Team), et aux personnes inscrites sur la liste d'attente à SearchGPT. Il se pose en alternatives aux requêtes classiques dans le célèbre chat. « ChatGPT choisira de rechercher sur le Web en fonction de ce que vous demandez, ou vous pouvez choisir manuellement de rechercher en cliquant sur l'icône de recherche Web », explique l'entreprise dans un communiqué. LIRE AUSSI : EN CHIFFRES - Les chiffres affolants d'OpenAI, la star de l'IA générative OpenAI courtise les entreprises Concurrent frontal de Perplexity AI et de Google AI Overviews (non disponible en Union européenne, mais déjà déployé dans une centaine de pays), ChatGPT Search met en scène l'information de façon plus riche et intelligente qu'un moteur de recherche qui ne liste que des liens. Contrairement à ChatGPT - dont l'IA répond « à sa sauce », sans forcément bien citer ses sources et avec un grand risque d'erreur, lié à son modèle probabiliste -, ce moteur de recherche doit s'appuyer sur des sources fiables. Il doit ainsi répondre à la principale critique faite aux chatbots propulsés à l'IA, qui invitent constamment à « vérifier les informations importantes ». De premiers tests montrent cependant que ce moteur n'est pas forcément pertinent. Concurrent frontal de Perplexity AI Cette nouvelle approche vise aussi à mieux mettre en valeur les éditeurs de contenus, comme les médias. Ils se sentent parfois spoliés par les robots des start-up de l'IA qui peuvent entraîner leurs modèles sur leurs articles sans autorisation. NewsCorp est en procès contre Perplexity AI et le « New York Times » contre OpenAI et Microsoft. LIRE AUSSI : Perplexity AI, cette ambitieuse start-up qui veut remplacer Google DECRYPTAGE - Google : la recherche en ligne est-elle vraiment menacée par l'IA ? Dans son interface, ChatGPT Search propose ainsi un volet dans lequel son IA met en scène l'information, en s'appuyant à la fois sur son algorithme et sur des sources partenaires. Comme sur Perplexity AI , il peut enrichir l'information de photos, de cartes ou de graphiques. Pour mieux mettre en valeur ses sources, le moteur liste également les liens dans un second volet à droite, façon Google. Soigner ses relations avec les médias « Nous sommes convaincus que la recherche par IA sera, dans un avenir proche et pour les prochaines générations, un moyen privilégié d'accès à l'information, et notre partenariat avec OpenAI place 'Le Monde ' à l'avant-garde de cette évolution. Il nous permet de tester les innovations à un stade précoce tout en préservant les valeurs fondamentales et l'intégrité du journalisme », assure Louis Dreyfus, PDG et éditeur du « Monde », dans un communiqué. LIRE AUSSI : Ce qu'implique l'accord entre OpenAI et « Le Monde » DECRYPTAGE - OpenAI : pas d'accord global en vue avec les médias français Le quotidien vespéral est partenaire de la start-up américaine depuis mars 2024 , au sein d'une liste de groupes médias désormais assez longue, comprenant Associated Press, Axel Springer, Condé Nast, le « Financial Times », Hearst, Prisa, Reuters ou encore Vox Media. Cette nouvelle concurrence pour le roi Google, et ses 90 % de parts de marché mondiale dans la recherche en ligne, n'inquiète pas les experts . Pour eux, la firme de Mountain Vieux a non seulement les bonnes armes dans ce domaine. Surtout, elle contrôle les principaux points d'accès au Web, avec le navigateur Chrome et les mobiles Android - un bel avantage compétitif. De son côté, OpenAI propose maintenant une extension Chrome pour faire de ChatGPT Search... son moteur de recherche par défaut.

By |2024-12-02T13:10:59+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

IA : la troisième étape de la révolution numérique

Jamais produit ne s'était répandu aussi vite. Deux mois après le lancement de ChatGPT, 200 millions de femmes et d'hommes l'avaient testé. Maintenant, deux ans plus tard, un demi-milliard de femmes et d'hommes ont manié ChatGPT ou un autre outil d'intelligence artificielle générative. Cette incroyable accélération n'aurait pas dû nous surprendre. Car c'est la troisième fois qu'elle se produit dans la révolution numérique. A un moment bien précis : celui où une technologie majeure cantonnée à un petit cercle devient grand public. Pression souterraine La première fois, c'était avec l'ordinateur. Apparu dans les années 1940, il a longtemps été utilisé uniquement par des informaticiens dans des laboratoires ou des grandes entreprises. Avec le lancement commercial des micro-ordinateurs en 1977, la machine est passée du bureau à la maison. Avec l'iPhone en 2007, elle a glissé de la maison à la poche. Le parc ne se compte plus en millions mais en milliards. LIRE AUSSI : ANALYSE - ChatGPT, un succès hallucinant ! ChatGPT pousse l'industrie à plonger dans l'intelligence artificielle La deuxième fois, c'était avec Internet. Apparu dans un programme militaire au cours des années 1960, le réseau a d'abord servi seulement à échanger des travaux entre chercheurs. Avec les protocoles du World Wide Web au début des années 1990, il a brutalement basculé dans le grand public, et gonflé au passage une bulle boursière. L'intelligence artificielle, elle, a été lancée comme un slogan publicitaire pour attirer des scientifiques dans un séminaire universitaire sur la cybernétique, en 1956. Elle a progressé souterrainement et par à-coups jusque dans les années 2010, où elle a commencé à se diffuser en entreprise sous la houlette de spécialistes. Le lancement de ChatGPT l'a soudain rendue accessible à tout le monde ou presque. Fuite d'informations précieuses Sauf que ChatGPT et ses cousins sont allés beaucoup plus vite que l'ordinateur et Internet. Car ils ont profité de leurs capacités de calcul colossales et de la transmission instantanée et quasi gratuite de flux d'informations qui a permis d'alimenter d'immenses lacs de données. Les entreprises sont souvent désarçonnées par cette nouvelle intelligence. Les salariés se sont joyeusement emparés de ces outils, au risque parfois de laisser fuiter des informations précieuses pour leur firme. Les dirigeants redoutent des coûts supérieurs aux gains. Ils devront, eux aussi, accélérer. Comme leurs prédécesseurs qui ne voyaient pas à quoi pourrait servir un ordinateur ou Internet dans leur entreprise ; une entreprise où il est aujourd'hui impossible de travailler sans l'un et l'autre. Il ne faut pas s'y tromper : le défi est existentiel.

By |2024-12-02T13:10:09+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

IA : deux ans après ChatGPT, les limites du « toujours plus »

Plus de données. Plus de paramètres. Plus de puissance de calcul. Appliquée à l'intelligence artificielle, l'approche « toujours plus » a donné ces dernières années des résultats spectaculaires. Elle est à l'origine des grands modèles de langage (LLM, « large language models ») dits « modèles de fondation », comme GPT d'OpenAI, Gemini de Google ou Claude d'Anthropic, qui représentent aujourd'hui le nec plus ultra de l'IA. Mais, deux ans après le lancement de ChatGPT, la course à la taille pourrait marquer le pas. La dernière version majeure du modèle d'OpenAI, GPT-4, remonte à mars 2023. Depuis, son successeur GPT-5 ne cesse d'être retardé, et Sam Altman a reconnu fin octobre, lors d'une session de questions-réponses sur Reddit, qu'il n'arriverait pas cette année. Le patron d'OpenAI explique ce délai par la priorité donnée à des variations du modèle actuel, avec des versions spécialisées dans le raisonnement ou la résolution de problèmes, comme GPT o1, lancé en septembre dernier. « Tous ces modèles sont devenus très complexes, et nous ne pouvons pas lancer autant de choses en même temps que nous le souhaiterions », a-t-il justifié sur Reddit. Des délais qui s'allongent Mais ce n'est probablement pas la seule raison. Selon une enquête du site américain The Information, le délai serait dû avant tout à des performances insuffisantes, notamment pour la génération de code informatique, et à une amélioration globale jugée bien plus faible que le saut qualitatif observé entre GPT-3 (175 milliards de paramètres) et GPT-4 (plus de 1.000 milliards), pour des coûts d'entraînement bien supérieurs. Après plusieurs années de progrès constants, certains experts estiment que les grands modèles arrivent aujourd'hui à un plateau. LIRE AUSSI : ANALYSE - ChatGPT, un succès hallucinant ! RECIT - ChatGPT, deux ans déjà : le roman mouvementé du prophète de l'IA OpenAI n'est pas le seul acteur de l'IA générative confronté à ce phénomène. Dario Amodei, CEO d'Anthropic, a récemment reconnu que la prochaine version majeure de son LLM Claude était repoussée à une date inconnue. Selon Bloomberg, Google ferait face lui aussi à des performances décevantes avec le successeur de Gemini 1.5. Ces retards viennent remettre en question une théorie jusqu'ici très répandue chez les pionniers de l'IA générative, connue sous le nom de « scaling laws » (« lois de passage à l'échelle ») : l'augmentation exponentielle de la puissance de calcul, du nombre de paramètres du modèle, de la durée d'entraînement et de la quantité de données fournies au modèle doit se traduire par une augmentation équivalente des performances. « Les gens parlent de lois, mais ce terme est trompeur, car il s'agit plutôt d'une observation empirique », expliquait mi-octobre Dario Amodei. Des « lois » remises en cause Outre qu'elle entraîne une explosion des besoins de processeurs spécialisés (pour le plus grand bonheur de Nvidia), et donc d'énergie et de capital, la mise en oeuvre des « scaling laws » se heurte à un autre obstacle : le manque de données de qualité pour entraîner les modèles de fondation. La génération précédente de LLM s'était appuyée sur de gigantesques jeux de données publiques et sur la richesse des contenus accessibles sur le Web (textes, mais aussi photos, vidéos, etc.), quitte à les aspirer sans respecter les ayants droit. Or, pour alimenter la prochaine génération, les données produites par des humains ne seraient plus disponibles en quantité suffisante. LIRE AUSSI : ENQUETE - Comment l'IA cherche à éviter le cauchemar énergétique DECRYPTAGE - L'IA est-elle une bulle spéculative ? Certains acteurs, dont OpenAI, tentent d'y répondre en nouant des accords avec des éditeurs pour accéder à des contenus de qualité sans risquer de procès - mais cela nécessite plus de temps et d'argent que de simplement récolter les données sur le Web. En parallèle, il est aussi possible de répondre à la pénurie en entraînant les nouveaux modèles sur des données dites « de synthèse », produites grâce à l'IA générative, mais cela peut se traduire par une dégradation des performances ou une augmentation du temps de vérification. Pour OpenAI et ses concurrents, la course à l'innovation ne se fait donc plus seulement sur la taille du modèle, mais sur ses capacités dans des domaines précis, comme le raisonnement ou la planification de tâches. Le développement des agents d'intelligence artificielle, capables de coordonner et d'automatiser différentes actions, par exemple pour rédiger un rapport ou planifier des voyages, fait partie de cette stratégie. Des modèles plus petits Beaucoup de start-up et d'acteurs de l'open source misent aussi sur des modèles de taille réduite (SLM, « small language models ») et très spécialisés, donc nécessitant moins de ressources, qui peuvent se montrer tout aussi performants que les grands modèles pour des utilisations basiques, comme les résumés de documents, l'analyse d'images ou la reconnaissance vocale. Comme l'expliquait l'an dernier aux « Echos » Clément Delangue, cofondateur de la plateforme de modèles open source Hugging Face : « Des modèles plus petits, donc moins coûteux et plus rapides, peuvent convenir à la plupart des cas d'usage. Si l'on veut développer un chatbot de relation client pour une banque, ce n'est pas nécessaire qu'il sache parler de Shakespeare ou du sens de la vie ! »

By |2024-12-02T13:09:33+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Luis Maroto, CEO d’Amadeus : « Google ou Uber pourraient nous racheter »

Pourquoi avoir choisi Microsoft pour vos projets liés à l’intelligence artificielle plutôt qu’une entreprise européenne, surtout avec les enjeux de souveraineté des données en Europe ? Luis Maroto, CEO d’Amadeus L’accord avec Microsoft n’est pas lié à l’IA, mais au cloud. Lorsque nous avons décidé de migrer vers le cloud, nous avons discuté avec plusieurs acteurs, notamment Google, Amazon et Microsoft. Nous avons finalement opté pour Microsoft pour notre migration principale. Cela ne signifie pas que nous ne collaborons pas avec Amazon et Google. Nous tirons parti de ce partenariat avec Microsoft pour mieux comprendre ses avancées en IA, mais ce n’est pas exclusif. Nous restons ouverts à travailler avec d’autres entreprises capables de répondre à nos besoins. Microsoft est un leader en IA, notamment grâce à son investissement dans OpenAI. Est-ce une raison pour privilégier ce partenariat ? Effectivement, Microsoft est très avancé en IA et nous sommes heureux de bénéficier de leurs innovations. Cependant, si d’autres entreprises européennes, comme Mistral par exemple, parviennent à apporter des innovations, nous serons ravis de collaborer avec elles. L’IA et le cloud offrent des opportunités considérables et auront un impact majeur dans de nombreuses industries, y compris la nôtre. Ces dernières années, certaines OTA ont largement investi dans la technologie pour devenir des entreprises technologiques à part entière. Qui sont vos principaux concurrents dans le secteur désormais ? C’est difficile à dire, car nous couvrons l’ensemble de la chaîne de valeur du voyage. Nous avons des concurrents dans différents segments, mais aucun ne rivalise sur toute la chaîne comme nous le faisons. Les géants comme Google ou Uber pourraient-ils devenir des concurrents sérieux ? C’est possible. Google a les capacités et les ressources financières pour le faire. Cependant, nous sommes très spécialisés et nous opérons en B2B, tandis que Google est davantage orienté B2C. S’ils décidaient d’entrer dans notre secteur, cela nécessiterait du temps, des investissements conséquents et une compréhension approfondie de l’industrie. Et si ces entreprises cherchaient à vous racheter ? C’est une possibilité. Les grandes entreprises technologiques ont les moyens d’acquérir des acteurs comme nous, mais cela dépend de leur stratégie. Pour notre part, nous sommes heureux de notre croissance et de notre position actuelle.

By |2024-12-02T13:08:28+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Comment le cerveau traite-t-il le passage du temps ?

Qu'ils soient astronomes, physiciens ou neurobiologistes, tous les scientifiques s'accordent sur un point : le cerveau - a fortiori le cerveau humain, le plus performant du monde animal - constitue l'objet le plus complexe connu de tout l'univers. Ce « petit tas de porridge tiède », comme l'appelait Alan Turing, qui chez Homo sapiens pèse en moyenne 1.350 grammes, a, entre autres innombrables fonctions, celle de nous fournir en continu et en temps réel (ou quasi réel) une représentation interne du monde extérieur. C'est-à-dire de l'espace tridimensionnel dans lequel nous nous mouvons, mais aussi du temps dans lequel nous nous inscrivons - une quatrième dimension à laquelle le cerveau lui-même n'échappe évidemment pas, ne serait-ce que parce que les signaux électrochimiques permettant à ses 86 milliards de neurones de fonctionner ensemble mettent un certain laps de temps à se propager : le cerveau, « machine à fabriquer du temps », est lui-même assujetti au temps. S'agissant de l'espace, quelques belles percées ont été réalisées depuis la fin des années 1950, date de la « révolution cognitive » qui a accouché des sciences du même nom. Dès 1948, le psychologue américain Edward Tolman émettait l'hypothèse qu'un réseau de neurones situé dans l'hippocampe - une structure du système limbique jouant un rôle central dans la mémoire et la navigation spatiale - abrite ce qu'il a appelé une « carte cognitive » : un modèle interne miniature de l'espace extérieur, ou pour le dire autrement une représentation mentale de l'organisation de l'espace environnant. LIRE AUSSI : ENQUETE - Ces start-up qui révolutionnent la science du cerveau DECRYPTAGE - Le cerveau, ce laboratoire chimique en perpétuel mouvement De fait, au début des années 1970, le neuroscientifique britannique John O'Keefe, qui travaillait sur des rongeurs, a identifié dans ce même hippocampe des neurones un peu particuliers, qui ont reçu le nom de « cellules de lieu ». Ces cellules de lieu, d'abord découvertes chez le rat, ont ensuite été retrouvées chez d'autres espèces animales, y compris l'homme. Leur particularité est de ne s'activer (de n'émettre leurs trains de potentiels d'action) que lorsque l'animal passe en un endroit précis de son environnement, correspondant à une section donnée de sa carte cognitive. Associées à d'autres types de neurones à la fonction proche, comme les cellules de grille, les cellules de lieu sous-tendent la capacité, universellement répandue dans le règne animal, de se situer et de s'orienter dans l'espace, et d'y inférer des chemins possibles sans en avoir fait l'expérience préalable. Ce sont ces travaux pionniers qui ont valu à John O'Keefe, de concert avec un couple de neuroscientifiques norvégiens (May-Britt et Edvard Moser), de se voir attribuer le prix Nobel de médecine 2014. Approche computationnelle Le mystère, en voie d'être résolu dans le cas de l'espace, demeure cependant entier ou presque concernant le temps. Certes, nombre de pages admirables ont été écrites qui traitent de la perception du temps, que ce soit en philosophie ou en littérature (songeons à la célèbre madeleine de Proust, pour ne citer qu'elle). Si fines et si justes soient-elles, toutes ces analyses relèvent de l'approche phénoménologique ; elles ne disent donc rien des complexes processus calculatoires par lesquels notre cerveau nous permet de nous situer et de nous orienter dans le temps : cela, seule l'approche computationnelle, déjà appliquée avec succès à la navigation spatiale, nous permettrait de le découvrir. C'est tout le sens du projet Chronology, que porte un quatuor de chercheurs composé de Virginie van Wassenhove (directrice de recherche au CEA, spécialiste de la cognition temporelle), Brice Bathellier (CNRS), Srdjan Ostojic (ENS) et Mehrdad Jazayeri (MIT). Le projet, qui démarrera l'an prochain et ne produira pas de résultats avant cinq ou six ans, vient d'obtenir un financement de 10 millions d'euros du très prisé Conseil européen de la recherche (ERC). Avec cet argent, les quatre chercheurs tâcheront de cartographier la représentation du temps dans le cerveau, et ce aussi bien sur des rongeurs que sur des grands singes ou des humains. Leur but ultime ? « Découvrir si, pour représenter cette insaisissable quatrième dimension, le cerveau utilise une carte cognitive analogue à celle dont il se sert pour la navigation spatiale. C'est l'hypothèse que nous cherchons à tester », explique Virginie van Wassenhove. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - Il existe pour notre cerveau cinq façons de vieillir DECRYPTAGE - Les mystérieux soubresauts d'un cerveau qui meurt La question est fascinante, comme tout ce qui touche au temps. Première énigme : les expériences de psychologie cognitive ont confirmé l'évidence, à savoir que la carte cognitive utilisée pour la navigation spatiale est construite grâce à la perception visuelle ; tout commence, donc, en ce cas, avec les cellules rétiniennes effectuant la transduction des photons en signaux électriques. Mais quel est l'équivalent de cette porte d'entrée sensorielle pour notre perception du temps ? Ce n'est pas le seul motif d'interrogation ou d'étonnement. Un autre tient au fait que tous les êtres conscients sont, par la nature même de la conscience, enchaînés au « hic et nunc » : l'instant perçu - ou plutôt l'instant dont la perception est reconstruite dans et par le cerveau - est toujours l'instant présent. Mais les humains - et en cela ils se démarquent du reste du monde animal - n'en ont pas moins la capacité merveilleuse de voyager dans le temps, de se projeter (et de planifier) à dix ou vingt ans de distance, de surfer sur la vague des siècles et des millénaires. Ils sont même capables de se projeter sur plusieurs axes temporels à la fois, les uns réels, les autres purement fictifs : « Que l'on songe à ce lecteur ou cette lectrice qui, le soir venu, rouvrant le roman qu'il ou elle avait posé la veille sur sa table de chevet, se replonge dans le temps imaginaire du récit », note Virginie van Wassenhove. Le coin du voile commence à peine à se soulever. En 2021, une équipe franco-néerlandaise publiait dans la revue « Journal of Neuroscience » qu'elle avait mis en évidence la présence chez l'humain (et toujours dans l'hippocampe) de « cellules de temps », ainsi appelées par analogie avec les cellules de lieu de John O'Keefe. S'activant successivement, ces neurones codent l'ordre dans lequel les événements se produisent. La même expérience a d'ailleurs montré que ces cellules de temps sont, par leur activation successive, capables de représenter le passage du temps même en l'absence d'éléments ou de stimuli extérieurs sur lesquels s'appuyer, simplement à partir du vécu intérieur du sujet. Décidément, la poétesse américaine Emily Dickinson avait bien raison d'écrire que le cerveau « est plus vaste que le ciel » : si petit soit-il, nous sommes encore loin d'en avoir fait le tour ! Le mystère des ondes alpha De toutes les ondes cérébrales, les ondes alpha - les premières à avoir été découvertes - sont celles qui retiennent le plus l'attention des chercheurs s'intéressant à la représentation du temps. Correspondant à une gamme de fréquence de 7 à 12 hertz, elles prédominent lorsque la personne enregistrée, éveillée, ferme les yeux et se détend, mais tout état de conscience en produit plus ou moins. Avec leurs crêtes et leurs creux, ces ondes constitueraient-elles le tic-tac de l'horloge interne du cerveau, à supposer qu'une telle horloge existe ? Une étude due à l'équipe de Virginie van Wassenhove et publiée en octobre 2023 dans « The Journal of Neuroscience » a exploré cette question. Elle a démontré que, lorsque l'on demandait rétrospectivement à des personnes (qui avaient reçu pour consigne de rester au repos éveillé pendant un certain laps de temps) combien de temps s'était ainsi écoulé selon elles, leurs estimations, en moyenne légèrement inférieures à la durée réelle, étaient corrélées à la durée des bouffées d'ondes alpha que leur cerveau avait produites dans l'intervalle : plus ces bouffées d'ondes alpha étaient longues, plus l'estimation du temps écoulé était grande. Intrigant, non ? 3 chiffres 20 % - Tout en ne représentant que 2 % de la masse corporelle de l'homme, le cerveau consomme à lui seul 20 % de son énergie totale. 10.000 milliards - C'est le nombre de synapses contenues dans chaque centimètre cube de cerveau humain. 120 mètres/seconde (soit 430 km/h) - C'est la vitesse maximale à laquelle circule l'information dans les connexions nerveuses.

By |2024-12-02T09:46:28+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Devialet : la levée de fonds qui doit sauver la pépite de la French Tech

« Si, dans six mois, on n'a pas trouvé de solution, on fera faillite », avait lancé en 2018 le patron de Tesla à ses équipes. Depuis, non seulement Tesla n'a pas fait faillite, mais l'entreprise a fait une percée fulgurante dans le secteur automobile, et son cours de Bourse a été multiplié par dix. Parmi les responsables qui se trouvaient devant Elon Musk, un certain Jacques Demont, alors directeur général de Tesla pour la France. Six ans plus tard, il se souvient de ce coup de semonce et veut s'inspirer de son ancien patron pour relancer un Devialet claudiquant. Cette fois, c'est lui qui est aux manettes. Certes, l'entreprise n'est pas au bord du gouffre, mais elle a vu ses succès de la décennie précédente s'essouffler. Le chiffre d'affaires décroît et l'entreprise n'est plus rentable. On ne sait pas de combien sont les pertes, mais assez pour sonner le tocsin. Le 25 juin dernier, Jacques Demont engage l'entreprise dans une procédure de conciliation pour rééchelonner la dette, en grande partie issue d'un prêt garanti par l'Etat. Aujourd'hui, c'est avec une nouvelle levée de fonds que l'ancien de Nespresso et Tissot espère faire redécoller la marque, même si le montant des fonds levés - 30 millions d'euros - interroge. Pourtant Devialet, c'était la fine fleur de la French Tech des années 2010. « La marque a servi d'aiguillon au marché français de la hi-fi premium », estime même Stéphane Gissy, chef de produit hi-fi chez Fnac Darty. Elle montre qu'il est possible de vendre des enceintes connectées à un prix élevé, en allant plus loin que ce que d'autres marques comme Sonos ou Bose ont commencé à faire. Un engouement impressionnant Devialet, créé en 2007, déboule sur le secteur avec un ampli aux performances enviées. Mais c'est surtout sept ans plus tard qu'elle affole ses concurrents avec la Phantom, vendue 1.690 euros (plus tard, sa version Gold à 2.590 euros). L'enceinte projette un son qui ne laisse personne indifférent. Son design se voit partout, grâce, notamment, à une débauche de communication. On voulait lancer la plus belle boîte d'audio jamais inventée Quentin Sannié, cofondateur de Devialet L'entreprise est toujours restée discrète sur les ventes. En 2018, elle se contente de mentionner quelques dizaines de milliers par an. Mais l'engouement pour la marque est bel et bien impressionnant, se rappelle Stéphane Gissy. « On voulait lancer la plus belle boîte d'audio jamais inventée », lâche sans détour Quentin Sannié, cofondateur de Devialet. Des investisseurs (dont Bernard Arnault, actionnaire majoritaire de LVMH, propriétaire des « Echos ») y croient : 100 millions d'euros sont levés en 2016, 16 millions en 2019, et 50 millions en 2022. Quentin Sannié, qui a vendu depuis ses participations, raconte que le succès de la Phantom est tel que la Fnac appelle tous les jours pour que l'enceinte soit commercialisée chez eux. « On refusait, puis à la dixième demande, on a demandé à voir Alexandre Bompard [alors patron de la Fnac] pour lui exposer notre condition : introduire en magasin des cabines pour permettre aux clients de tester le produit. » Devialet n'y croyait pas, mais c'est accepté. L'entreprise sait que, pour vendre à ce prix, le client doit vivre l'expérience. Un coup de fouet pour tout le secteur Des marques historiques sont déjà présentes sur le marché du son haut de gamme, comme Cabasse, Focal ou Bowers et Wilkins. Mais, sur le marché premium de l'enceinte connectée, Devialet est quasiment seul jusqu'en 2020, affirme Stéphane Gissy de la Fnac. Le Frenchie tire l'industrie vers le haut. « Il dépoussière même le secteur », confie le patron d'une marque emblématique de ce segment. LIRE AUSSI : FNAC Darty officialise le rachat de l'italien Unieuro CES 2024 : les 6 tendances de l'année dans la tech A la Fnac, on observe ces acteurs historiques s'inspirer de Devialet, et sortir leurs premières enceintes dites « actives », directement connectées à Internet. L'enjeu pour ces acteurs du haut de gamme : contourner le smartphone et sa connexion Bluetooth qui dégradent le signal. « Résultat, fin des années 2010, le secteur hi-fi se relance », témoigne Stéphane Gissy, et Devialet n'y est pas pour rien. Par ailleurs, la pandémie fait s'envoler le secteur. L'argent des voyages bascule dans l'équipement électronique. Le marché de l'enceinte active connectée double en valeur entre 2018 et 2023, raconte le responsable de la Fnac. Mais après le succès de la Phantom et de son amplificateur, Devialet voit les ventes stagner, voire décroître. L'entreprise souffre de la crise des gilets jaunes en France ou des manifestations à Hong Kong. Elle constate aussi qu'une fois l'euphorie passée, il est difficile de faire revenir un client, même satisfait, pour racheter une deuxième enceinte. Et le succès s'essouffla Devialet finit par élargir sa gamme et met un pied sur un marché de moins en moins premium, avec une barre de son ou des écouteurs sans fil, vendus quelques centaines d'euros. Le succès n'est plus le même. En cause, une descente en gamme qui aurait abîmé la marque, selon des experts interrogés. Une erreur stratégique, selon un ancien cadre dirigeant de l'entreprise. « On ne vend pas du Chanel sur les rayons Carrefour ! A ce prix, et pour faire vivre cette expérience unique, il faut une distribution à part. » Au board, c'était à celui qui avait la meilleure idée Un ancien dirigeant « L'autre problème, c'est que sur ce marché plus grand public, il faut se battre à coups de dizaines de millions d'euros pour acheter des linéaires », commente Alain Molinié, PDG de Cabasse, marque créée en 1950, qui n'a jamais voulu aller sur ce segment. Ici, Devialet se frotte à des acteurs comme Sonos ou Bose, qui affichent respectivement 1,6 et 3 milliards de dollars de chiffre d'affaires en 2023, quand le français générerait environ 100 millions d'euros par an. Comment expliquer cette stratégie ? Faire du volume à tout prix ? Une autre explication mènerait vers le conseil d'administration de l'époque, réunissant des stars de la tech française, Marc Simoncini, Jacques-Antoine Granjon ou Xavier Niel. D'après un ancien dirigeant, les idées fusent de tous les côtés, jusqu'à l'excès. « C'était un concours d'ego permanent », se souvient-il. Ce qui devait être une force se serait transformé en faiblesse. « C'était ingouvernable. » 30 millions d'euros pour retrouver la croissance La recette Devialet ne fonctionne plus comme avant, même si le résultat est jusqu'alors positif. En octobre 2023, Franck Lebouchard, directeur général depuis cinq ans, est écarté. Un mois plus tard, Pierre-Emmanuel Calmel, l'un des fondateurs, quitte la présidence du conseil. C'est en janvier 2024 que Jacques Demont reprend les commandes. Jacques Demont est à la tête de Devialet depuis janvier 2024.Devialet « A mon arrivée, la situation était compliquée », confie-t-il aujourd'hui pudiquement. Il pointe un chiffre d'affaires en décroissance (un - 20 % est évoqué dans la presse, mais il dément), des dépenses trop importantes et des comptes qui basculent dans le rouge en 2024. « Devialet aurait pu redevenir rentable, avec de simples coupes dans le P & L [compte de résultat, NDLR], mais ce n'était pas mon objectif ». En juin, la décision est prise, ça sera la procédure de conciliation. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - SpaceX, Tesla, X : quand Donald Trump met l'empire Musk sur orbite DECRYPTAGE - Avec l'IA, l'avenir des enceintes intelligentes en question Nous voilà cinq mois après avec la fin de la procédure. La dette est rééchelonnée, sans effacement, et 30 millions d'euros sont levés. Un total de 66 % des actionnaires historiques ont remis au pot, mais aucun nouvel investisseur ne s'est ajouté. « Nous n'en avons pas cherché », assure le patron, qui dit être proche de la rentabilité. Une levée de fonds et des questions Une situation qui néanmoins interroge. « Le fait que cette levée soit inférieure à la précédente, et qu'il y ait uniquement les anciens actionnaires, témoigne probablement que Devialet, dans le contexte actuel, n'a pas réussi à trouver un nouvel investisseur », analyse Julien Petit, expert du marché VC. « Les actionnaires historiques veulent sûrement continuer à soutenir l'entreprise, en soulageant la tension sur la trésorerie. » Après la conciliation, Jacques Demont a demandé ce 25 novembre l'ouverture d'une procédure de sauvegarde accélérée, « pour simplement exécuter le plan issu de la conciliation ». L'objectif principal de ce plan est de retrouver de la croissance et faire basculer la boîte dans le vert. Cela passera d'abord par « un service client exceptionnel », assure le patron, qui veut améliorer le CRM pour réussir à faire revenir le client. Devialet met le cap sur la Chine et les Etats-Unis, où il vise, dans chacun des pays, 25 points de vente (magasins ou corners) d'ici à trois ans (ici la boutique parisienne de Beaugrenelle). Stephane Lagoutte/Challenges-rea Surtout, Devialet veut accélérer sur l'international, où il réalise déjà plus de 50 % de son chiffre d'affaires. Le cap est mis sur la Chine et les Etats-Unis, où il vise, dans chacun des pays, 25 points de vente (magasins ou corners) d'ici à trois ans. Sans oublier les Emirats, où une dizaine de points de vente sont aussi prévus. « Devialet a un énorme potentiel de croissance, en particulier en Asie, qui n'a pas encore été exploité », ajoute Fleur Pellerin à la tête du fonds Korelya Capital, le plus gros actionnaire de l'entreprise qui mène ce nouveau tour de table. Chercher à tout prix la visibilité D'une quarantaine de points de vente aujourd'hui, le patron veut doubler leur nombre d'ici trois ans. On en saura en revanche assez peu sur le nombre de recrutements à venir. Silence également sur les nouveaux objectifs de croissance. Jacques Demont est plus loquace sur la stratégie : il va faire monter en gamme Devialet, avec davantage de produits commercialisés. Le premier de l'ère Demont est sorti le 24 octobre. Astra, c'est son nom, est un amplificateur à la résolution haute fréquence qui promet zéro distorsion, zéro saturation. Prix : 16.000 euros. Devialet compte aussi sur les hôtels pour gagner en visibilité, une dizaine de contrats ont été signés, dont des hôtels du groupe Accor . L'automobile est également un des axes de croissance. L'entreprise a déjà annoncé équiper l'Alpine A290. D'autres partenariats avec des constructeurs seraient à venir. Le luxe continuera par ailleurs à être investi, à l'image de l'enceinte Mania, sortie sous la griffe Fendi. Et pour gagner davantage en notoriété, Devialet cherche des ambassadeurs de marque. Jacques Demont se rappelle de l'effet George Clooney sur le Nespresso des années 2000. Il a déjà tapé à la porte de Roc Nation, le label de Jay-Z (actionnaire de Devialet), qui abrite entre autres Rihanna, Alicia Keys ou Lil Uzi Vert. Il verrait bien un artiste international monter le volume d'une Devialet.

By |2024-12-02T09:45:23+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments

Carlos Tavares : quatre faux pas d’un patron hors normes

Deux redressements industriels spectaculaires, PSA et Opel, ainsi qu'une fusion débouchant sur des résultats financiers stratosphériques, avec Stellantis. En une décennie, Carlos Tavares s'est forgé une légende dans l'industrie automobile. Il est rare toutefois qu'un pilote de course, pour reprendre une métaphore qu'affectionne le dirigeant amateur de rallyes, ne fasse jamais de sortie de route. « Durant une course, il arrive qu'on perde le contrôle du véhicule, a glissé Carlos Tavares devant des journalistes à la mi-juin. Et quand ça arrive, ne dites pas que c'est à cause de la mécanique. » Tour d'horizon. Un Jeep Grand Cherokee dans une concession à Washington aux Etats-Unis.Bloomberg · Des stocks excessifs aux Etats-Unis C'est le marché le plus profitable de Stellantis, la source principale des résultats financiers exceptionnels du groupe ces dernières années, avec une confortable marge opérationnelle de 15,4 % en 2023. Mais c'est aussi là que Carlos Tavares a fait son dernier faux pas. Entre la fin 2023 et le début 2024, Stellantis a laissé les stocks s'amonceler. C'est aujourd'hui son plus gros problème. Pour écouler les modèles accumulés ces derniers mois, il doit sacrifier ses prix. Donc sa marge, qui a fondu à 11,4 % au premier semestre. Celle-ci devrait franchir à la baisse, pour la première depuis la fusion entre Fiat Chrysler et PSA, la barre des 10 %. « Nous avons été trop arrogants, et quand je dis nous, je parle en réalité de moi-même, a reconnu Carlos Tavares lors d'une journée investisseurs à Détroit, mi-juin. Je ne suis qu'un être humain, n'est-ce pas ? Certes, j'aurais dû voir le problème plus tôt et réagir plus rapidement. Il m'a manqué des signaux d'alerte. » Sa réticence bien connue à baisser les prix de ses modèles a joué contre lui. Quand ses concurrents Ford et GM accordaient de plus en plus de ristournes, lui a voulu sanctuariser ses marges. Résultats, ses marques américaines, Jeep en particulier, ont perdu des parts de marché. Une concession automobile Peugeot. Eric Tschaen / REA · Des économies jusqu'à l'os En interne, c'est une complainte permanente. Derrière les marges à deux chiffres du groupe, il y a une pression et une vigilance constante sur les coûts. Une qualité dans l'industrie qui, poussée trop loin, peut se transformer en péché d'avarice, et affaiblir un groupe. Face à l'irruption des marques chinoises, l'industrie automobile occidentale joue sa survie, répète souvent Carlos Tavares. Et pour ne pas y laisser sa peau, il faut combler la différence de coût de 30 % avec les nouveaux venus. La réduction des coûts est donc son obsession. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - Stellantis : la méthode Tavares de nouveau sous la pression des investisseurs Plusieurs signaux indiquent toutefois que le dirigeant a poussé le bouchon un peu trop loin. Un exemple parmi d'autres : en 2023, les concessionnaires français tirent la sonnette d'alarme dans une lettre acide. Stellantis ne met plus de moyens commerciaux pour vendre ses modèles, il faut absolument baisser les prix pour ne pas décrocher face aux concurrents. Il faudra attendre que la crise devienne publique pour que Carlos Tavares prenne le sujet à bras-le-corps. Il accepte finalement de revenir sur certaines mesures qui menaçaient la position des marques du groupe sur le marché hexagonal. « Avec cet accent mis sur la réduction des coûts, Carlos Tavares a fait de Stellantis un constructeur plus efficient que compétitif, écrit dans une note Philippe Houchois, analyste chevronné chez Jefferies. Les décisions portant sur les produits semblent dériver d'une culture d'ingénieur qui place les questions de coûts et de synergies bien au-dessus des préoccupations marketing. » Comprendre : il faut aussi donner envie aux clients d'acheter les voitures. De surcroît au moment où Stellantis s'apprête à lancer tous azimuts pas moins d'une vingtaine de nouveaux modèles ces prochains mois. Le Siège social de Stellantis France.Laurent Grandguillot / REA ·Un « turn-over » à donner le tournis La valse des dirigeants à la tête de Stellantis peut donner le tournis. Carlos Tavares met ses cadres dirigeants sous pression, et lorsque les objectifs ne sont pas atteints, les changements de poste, voire les départs, ne tardent pas. En juin 2023, le patron de Dodge, Timothy Kuniskis, a récupéré la marque Ram dans son périmètre… avant que l'entreprise n'annonce son départ à la retraite moins d'un an plus tard. Sur le seul périmètre de la « Top executive team », forte de 32 membres (patrons de régions, de marque et/ou de fonctions), Stellantis a annoncé depuis le début de l'année six changements de poste et/ou de périmètre, accompagnés de trois départs. En 2023, l'équipe de direction a enregistré pas moins de 15 mouvements, suivis de quatre départs. LIRE AUSSI : RECIT - Stellantis : comment Carlos Tavares a calmé la fronde de ses concessionnaires Cette facilité à appuyer sur le bouton « eject » entraîne une peur délétère chez ses équipes, qu'un ancien cadre du groupe a pu observer de près : « Les problèmes ne remontent plus toujours jusqu'à lui. » Comme aux Etats-Unis, récemment. Et comme en France, l'année dernière, se sont étonnés certains concessionnaires hexagonaux. Une Citroën C4 Aircross au salon de l'automobile de Pékin en 2018.AFP · En Chine, la descente aux enfers Lorsque Carlos Tavares prend les rênes de PSA en 2014, la Chine est l'un des rares points forts du groupe. Allié au constructeur local Dongfeng, le constructeur français écoule cette année-là 740.000 Peugeot et Citroën dans ce qui est alors son premier marché. Mais passé ce point d'orgue, la situation ne cesse d'empirer. La gamme ne colle plus aux attentes des clients, qui veulent des SUV et des voitures de plus en plus connectées. Le lancement de la marque DS, avec Sophie Marceau comme égérie, est un cuisant échec. Les ventes du groupe dégringolent jusqu'à tomber à 46.000 exemplaires en 2020, et les dissensions entre Dongfeng, qui veut pousser les volumes, et PSA, qui veut au contraire préserver les marges, n'arrangent rien. LIRE AUSSI : Stellantis : Tavares est-il sur un siège éjectable ? La fusion avec Fiat-Chrysler pour créer Stellantis, en 2021, ne se traduit pas par le sursaut espéré. La relance prévue pour Jeep fait un flop dès le départ, Stellantis se fâchant avec son partenaire GAC. Le groupe vend ses usines et se replie sur des voitures importées, ce qui revient à se contenter de miettes sur le plus gros marché au monde. « Le seul truc qu'il a raté, et il n'aime pas qu'on le lui dise, c'est la Chine. S'il avait su garder et étayer la base de PSA là-bas, Stellantis aurait aujourd'hui les volumes de Volkswagen, ou presque », estime un fin connaisseur du secteur. Carlos Tavares n'a toutefois pas dit son dernier mot. En octobre dernier, il a investi 1,5 milliard d'euros pour acquérir 21 % de Leapmotor, l'une des jeunes pousses chinoises les plus prometteuses du secteur. De quoi garder un pied sur place, et surtout, se fournir très vite en voitures électriques abordables. Celles-ci seront importées par une coentreprise contrôlée par Stellantis, et arriveront dès cet automne dans les concessions en Europe. Un joli coup stratégique, et une nouvelle preuve du pragmatisme de celui qui déplorait qu'on « déroule le tapis rouge aux Chinois. »

By |2024-12-02T08:27:49+00:00December 2nd, 2024|Scoop.it|0 Comments