« Un manuel citoyen du XXIe siècle ». Voilà en quels termes le Financial Times présente Weapons of Math Destruction. How Big Data Increases Inequality and Threatens Democracy, le livre de Cathy O’Neil, sorti en 2016 aux États-Unis et fraîchement traduit en français. Un ouvrage également adoubé par l’historien Yuval Noah Harari, et dont la version française est préfacée par un autre mathématicien célèbre – et député, et candidat à la candidature à la mairie de Paris -, Cédric Villani. On se dit que l’engouement pour le propos de Cathy O’Neil devrait aller croissant, tant les thèses avancées dans son livre sont confirmées jour après jour. Ainsi, la postface du livre rappelle que ce qu’elle redoutait début 2016 s’est concrétisé avec l’élection présidentielle de Trump, à grands renforts d’algorithmes de Facebook déviants… Scandale déjà renvoyé au rang d’amateurisme par les magouilles sur Whatsapp effectuées pendant la campagne qui a mené à l’élection de Jair Bolsonaro à la présidence du Brésil.

Contre ces algorithmes malséants, Cathy O’Neil s’insurge et, contrairement à une partie de la culture hacker, elle le fait à visage découvert : « Je suis sur Google, je n’utilise pas Tor ou autres proxy. Je n’ai pas besoin de me cacher : les ravages des algorithmes ne frappent pas des gens comme moi. Au contraire, le système est fait pour favoriser les gens comme moi et fragilise encore les plus fragiles », a-t-elle déclaré mardi 6 novembre, lors d’une rencontre organisée à Paris par son éditeur (les Arènes).

Pour comprendre la thèse du livre, il faut en lire l’envoi : « À tous ceux que l’on donne perdants ». « On », ce sont les dominants qui, sous couvert de discours méritocratique et exaltant l’égalité des chances, déploient des algorithmes qui traquent les dominés dans un grand nombre de domaines et leur infligent de sévères dommages. Comme à la guerre.

L’allégorie guerrière parcourt d’ailleurs tout le livre. Pour nommer ces algorithmes malfaisants, elle parle d’« ADM » pour « Arme de destruction mathématique ». Ces armes sont conçues sans que les soldats ne s’en rendent compte, comme elle l’écrit dans des travaux de recherche en géométrie algébrique et mathématique au MIT. Désireuse de confronter ses recherches à la réalité des marchés, elle quitte l’université pour un Wall Street en surchauffe, en 2007.  Elle y reste quatre ans, stupéfaite par le déni de l’industrie de la finance par rapport aux risques pris. En 2011, elle ajoute deux mots à son CV – « data scientist » – et s’en va monnayer ses services chez Insent Media.

Sourced through Scoop.it from: usbeketrica.com