C’est un effet peu connu du réchauffement climatique. Cette catastrophe qui affecte la planète entière pourrait également avoir, dans les années qui viennent, un effet sur le tic-tac de nos horloges. Car la fonte des glaces, due à ce réchauffement climatique, modifie la vitesse de rotation de la Terre et influe donc sur le calcul du temps universel, affirme une étude parue mercredi dans la revue « Nature ».

Pour comprendre ce mécanisme, il faut revenir des années en arrière. Constatant des variations liées à la vitesse de rotation de la Terre, qui n’est pas constante, les autorités internationales ont décidé en 1967 d’adopter le temps universel coordonné (UTC). Celui-ci est calculé à partir des mesures d’horloges atomiques ultra-stables.
Depuis cette date, ce n’est donc plus la rotation de la Terre qui détermine la durée d’une seconde, mais ces horloges atomiques très précises. Ce sont elles qui donnent aujourd’hui l’heure dans le monde entier et permettent aux infrastructures numériques et de communication, comme la navigation par satellite, de fonctionner de manière extrêmement précise.

Saut dans l’inconnu
Les experts ont toutefois décidé de garder synchronisées les deux mesures du temps : le temps astronomique et le temps atomique. Pour cela, a été ajoutée au temps atomique une seconde intercalaire. Cet ajout intervient, de façon irrégulière, à chaque fois que le décalage entre les deux standards approche 0,9 seconde. Le dernier ajout remonte à 2016, explique Duncan Agnew, de l’Institut de géophysique de l’Université de Californie à San Diego et auteur de l’étude publiée dans « Nature ».
Mais l’accélération du mouvement de rotation de la Terre, qui entraîne un rétrécissement des jours, pourrait obliger à introduire une seconde… négative. Un saut dans l’inconnu redouté par les métrologistes et les scientifiques au vu des problèmes « sans précédent » que cela pourrait provoquer « dans un monde de plus en plus connecté », souligne Patrizia Tavella, du Bureau international des poids et mesures (BIPM), dans un commentaire joint à l’étude.
En effet, les programmes informatiques qui intègrent les secondes intercalaires « supposent qu’elles sont toutes positives », explique Duncan Agnew. D’après ce dernier, la nécessité d’ajouter cette seconde négative pourrait intervenir en 2026.

Fonte accélérée des glaciers
C’est là qu’interviennent les conséquences du réchauffement climatique. Ces dernières pourraient chambouler ce calendrier, explique Duncan Agnew dans son étude. En cause : l’accélération de la fonte des glaces au Groenland et en Antarctique , qui affecte la vitesse de rotation de la Terre.
La fonte des glaces ralentit la rotation du globe, tout comme le font les effets de marée de la Lune et du Soleil, contrebalançant l’accélération naturelle. « Lorsque la glace fond, l’eau se répand sur l’ensemble de l’océan. […] Ce qui modifie la répartition des fluides à la surface et à l’intérieur de la Terre », explique le scientifique. Le ralentissement de la rotation terrestre causé par l’accélération de la fonte des glaces est tel qu’il pourrait reporter à 2029 un éventuel passage à la seconde négative, selon les prévisions de Duncan Agnew.

Revoir les échéances
Conscients des problèmes que pourrait engendrer l’introduction d’une seconde négative, les métrologistes du monde entier s’étaient mis d’accord pour supprimer la seconde intercalaire d’ici à 2035 et laisser la différence entre l’heure atomique et la rotation de la Terre s’accroître jusqu’à une minute.
Mais la nécessité d’ajouter une seconde négative pouvant intervenir avant cette échéance, une nouvelle réflexion sur le sujet est nécessaire, prévient l’étude de « Nature ». Le délai de trois ans qu’offre la fonte des glaces est finalement bienvenu. Cela laissera aux métrologistes « plus de temps pour décider si 2035 est la meilleure date pour supprimer la seconde intercalaire, ou s’il faut l’abandonner avant », estime Patrizia Tavella.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr