Faux ongles, pâtes, cryptomonnaies, influenceurs… Afin de renflouer les caisses de l’État, le gouvernement kényan multiplie les nouvelles taxes, qui suscitent inquiétude et ressentiment dans ce pays en proie aux difficultés économiques, après le double choc de la pandémie de coronavirus et des conséquences de la guerre en Ukraine. Locomotive économique de la région d’Afrique de l’Est d’environ 53 millions d’habitants, le Kenya fait face également à une forte inflation (+ 8 % sur un an en mai) et à une sécheresse historique. La croissance a plafonné à 4,8 % en 2022, bien loin des 7,6 % atteints en 2021. La hausse des taux américains a, entre-temps, durci les conditions du crédit pour ce pays et d’autres en développement et fait chuter la monnaie locale. 20 % de la dette kenyane étant libellée en dollars, les coûts de remboursement se sont envolés.
Le président William Ruto cherche à générer plus de 2,1 milliards de dollars afin de renflouer les caisses de l’État, lourdement endetté notamment par les grands projets d’infrastructure de son prédécesseur Uhuru Kenyatta, dont il fut le vice-président. Mais la mise en œuvre de la nouvelle loi de finances présentée au début de juillet ne passe pas. La justice a refusé, le 10 juillet, de lever la mesure qui interdit au Trésor de mettre en œuvre les nouvelles taxes – impopulaires – prévues par cette loi. L’affaire a été renvoyée devant la Cour suprême qui devra trancher.
Un prêt qui intervient dans une conjoncture économique difficile
C’est dans ce contexte que le Fonds monétaire international (FMI) a annoncé lundi 17 juillet avoir validé une nouvelle tranche d’aide de 415 millions de dollars à destination du Kenya et être parvenu à un accord pour une aide de 551 millions de dollars supplémentaires. Ce versement intervient dans le cadre de la cinquième revue des engagements pris par le Kenya dans le cadre de son programme d’aide et porte à environ deux milliards de dollars le montant total déjà débloqué, soit la quasi-totalité des fonds prévus.
Le conseil d’administration du Fonds a par ailleurs accepté de prolonger de 10 mois la période d’application du programme « afin de laisser suffisamment de temps aux autorités de mettre en place leur programme de réformes ».
Des financements supplémentaires pour financer la transition climatique
Dans le même temps, il a également validé l’accès du pays à 551 millions de dollars supplémentaires dans le cadre de son Fonds pour la soutenabilité et la résilience (RSF), sur une période de 20 mois. Le RSF est un fonds qui doit financer la transition climatique et la mise en place de mesures visant à permettre l’adaptation des sociétés aux changements provoqués par le réchauffement climatique dans les pays pauvres et émergents. Si le RSF peut prévoir une période de grâce, permettant aux États d’entamer le remboursement plusieurs années plus tard, ce ne sera pas le cas pour le Kenya, la durée d’accès aux fonds se calquant sur le temps restant du programme actuel en cours, soit encore vingt mois.
Les réformes prévues dans le cadre du RSF doivent permettre de « renforcer les efforts pour intégrer les risques climatiques à la politique fiscale et au cadre d’investissement du pays, réduire les émissions avec la création d’un marché du carbone et renforcer la gestion des risques liés aux désastres naturels », a expliqué la directrice générale adjointe du FMI, Antoinette Sayeh, citée dans le communiqué.
De nouvelles manifestations malgré les dernières violences meurtrières
Le pays est confronté à l’une des pires sécheresses de ces dernières décennies ainsi qu’à des troubles internes, alors que des manifestations antigouvernementales régulières, parfois violentes, secouent le pays. L’opposition kényane reproche au président William Ruto d’avoir « volé » l’élection présidentielle d’août dernier, qu’il a remportée avec 50,49 % des suffrages exprimés, contre 48,85 % pour son challenger Raila Odinga. Ces derniers jours, les tensions sont montées d’un cran, entre les deux camps. Odinga a lancé un mouvement de contestation et appelé à des manifestations les 19, 20 et 21 juillet pour demander l’abrogation de la nouvelle loi de finances, qu’il considère comme punitive. Au moins neuf personnes ont été tuées la semaine dernière, et six autres la semaine précédente.
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