Le bitcoin a signé son grand retour en 2024 et c’est à Wall Street que ça s’est passé. Pas en Europe, et pas non plus en France. Si la reine des cryptos a dépassé son record historique, à plus de 73.835 dollars le 14 mars sur Coinbase, c’est en raison d’une collecte nette de près de 30 milliards de dollars en deux mois sur les « ETF bitcoin spot », ces fonds cotés (exchange-traded funds) investis en bitcoin autorisés par le gendarme américain de la Bourse, la Securities and Exchange Commission (SEC), le 11 janvier. A la manoeuvre, les géants de la gestion BlackRock et Fidelity ont respectivement amassé 13 et 7 milliards de dollars.

Autre signal fort : quand la cryptosceptique place de Londres a emboîté le pas en déclarant s’ouvrir aux ETN (exchange-traded notes, des titres de créances proches des ETF) sur le bitcoin et l’ether (à partir du 28 mai), le marché a salué une « très bonne nouvelle ». Ces titres seront pourtant réservés aux seuls professionnels, quand les véhicules américains ciblent aussi les particuliers. A la suite de ces deux mouvements majeurs, une question émerge : que fait la place de Paris ?

De nombreux produits à Paris
Au regard du nombre de produits liés aux cryptos listés sur Euronext Paris (68), elle n’est pas du tout en reste. Elle présente même une offre plus variée que Wall Street, avec une multitude de devises : bitcoin, ether, solana, tezos, aave… Il ne s’agit pas d’ETF, mais d’ETN, et d’ETC (exchange-traded commodities, utilisés pour les matières premières négociées en Bourse). Autre différence notable, tous ne sont pas garantis par la détention en portefeuille de l’actif sous-jacent.
Plus largement, l’Union européenne recenserait 168 « trackers » de ce type. Le plus ancien a été émis par XBT Provider en Suède en 2015. Trois acteurs se taillent la part du lion en Europe : CoinShares (le plus gros avec 6,8 milliards de dollars sous gestion), 21Shares (3,8 milliards) et ETC Group (1,8 milliard). L’encours des produits financiers liés aux cryptos atteint au total 14 milliards de dollars sur le continent, d’après ETFbook.com. C’est presque quatre fois moins que ce qui a été collecté en à peine deux mois par les ETF bitcoin américains (53 milliards de dollars). Ce qui amène une seconde interrogation : pourquoi un tel décalage ?

Une clientèle institutionnelle
Le problème n’est pas l’émission de ces produits mais leur distribution. En Suède, CoinShares dénombre certes 150.000 clients particuliers qui mettent de la crypto dans leur plan d’épargne retraite, et en Allemagne, certains clients en ajoutent à leur compte épargne. L’Autriche, les Pays-Bas et, hors UE, la Suisse sont aussi clients de ces produits cotés sur la crypto. Mais dans une proportion encore faible.

Et en France ? Les « ETP » ne sont distribués que par le néocourtier Degiro et Saxo Bank. Et encore. « Nous avons fait le choix de ne cibler qu’une clientèle avertie ayant une appétence au risque élevée car nous proposons des produits avec effet de levier », pointe Fabien Keryell, directeur général France de Saxo Bank. Pour le reste, ces produits sont strictement limités aux clients institutionnels, à 95 % chez CoinShares par exemple, de quoi couper le marché de la manne des particuliers. Saxo Bank observe pourtant un « effet ETF » en 2024, avec « autant de volumes enregistrés au premier trimestre que sur l’ensemble de l’année 2023 ».

Les particuliers s’en remettent à Binance
L’appétence des petits porteurs est confirmée par le dernier baromètre de KPMG sur le taux de pénétration des cryptoactifs dans l’Hexagone, avec 28 % de croissance en un an. 12 % des Français de plus de 18 ans déclarent détenir du bitcoin et autres cryptoactifs, dans leur « wallet » – comme en Allemagne. Pour acheter des « cryptos », un tiers des Français utilisent Binance, et un quart Crypto.com et Coinbase.
« Depuis 2019, 10 milliards de dollars sont partis de Boursorama sur ces plateformes », a calculé un gestionnaire d’actifs. Quant aux ETF américains, ils ne sont pas disponibles dans l’UE car ils ne sont pas conformes à la réglementation européenne, plus protectrice pour les particuliers. Un Français voulant s’exposer à de la crypto à travers un acteur régulé, et sans passer par une plateforme de trading complexe, sera donc très limité.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr