Utiliser une marque chinoise pour faire face aux nouveaux concurrents de l’Empire du milieu. Stellantis a présenté mardi à Hangzhou la stratégie à l’internationale de la coentreprise qu’il vient de former avec Leapmotor. Dès septembre, une petite citadine chinoise, la T03, sera vendue dans neuf pays européens, dont la France.

Son prix n’est pas encore connu, mais elle pourrait rapidement devenir la voiture électrique la moins chère du marché. « La T03 est plus petite que la Citroën ë-C3 que nous vendrons à partir de 19.900 euros l’année prochaine. C’est une citadine de segment A, ce qui peut vous donner la direction que prendront ses tarifs », a esquissé le directeur général de Stellantis Carlos Tavares.
Aux côtés de cette auto dotée d’une bouille comme née d’un croisement entre la Fiat 500 et la Mini, Leapmotor international vendra en Europe un grand SUV familial de segment D, le C10. Ces voitures seront proposées dans pas moins de 200 points de vente d’ici la fin de l’année, dont, à hauteur d’un tiers, les concessions du groupe Stellantis & You.

Ceci n’est pas un cheval de Troie
Carlos Tavares brandit depuis longtemps la menace des constructeurs chinois pour justifier ses efforts de réduction des coûts. Avec Leapmotor, il en fait entrer un dans la bergerie. Mais sa coentreprise n’est ni un renard dans un poulailler, ni un cheval de Troie, assure-t-il.
« Que vous le vouliez ou non », a-t-il insisté, « les constructeurs chinois auront grignoté 10 % de parts de marché en Europe d’ici la fin de l’année, avec ou sans moi ».
Lui ne fait donc qu’ « être opportuniste et de tenter de prendre cette vague ». Plutôt que d’être submergée par elle. Et d’ajouter qu’il n’a « pas l’intention d’abandonner la fourchette de prix des 20.000 euros à [ses] concurrents chinois ».
Stellantis a déboursé en octobre dernier 1,5 milliard d’euros pour acquérir 21 % du capital de son nouveau partenaire chinois. Il détient en revanche 51 % de Leapmotor international, coentreprise chargée d’exporter les voitures du jeune constructeur spécialisé dans la voiture électrique.

A la conquête des marchés émergents
Stellantis met au service de son partenaire son réseau de distribution et de réparation, voire ses usines. « Leapmotor pourra bénéficier du jour au lendemain des réseaux de concessionnaires et de services automobiles de Stellantis, ce qui leur donnera un accès immédiat au deuxième plus grand marché mondial de voitures électriques après la Chine », observe l’analyste indépendant Matthias Schmidt.
« Chaque voiture vendue par la coentreprise viendra abonder notre compte de résultat », a souligné Carlos Tavares. Leapmotor a écoulé 144.000 unités en Chine l’année dernière, croît rapidement et ne perd pas d’argent, a vanté Carlos Tavares. Il bénéficie d’une capacité de production de 800.000 voitures, soit davantage que ce que produit Stellantis en France.
Les deux partenaires ne veulent pas se cantonner à l’Europe. Ils ont annoncé mardi vouloir commercialiser « à partir du quatrième trimestre 2024 » des modèles sur d’autres terrains de jeu que Stellantis connaît très bien, comme l’Amérique du sud, le Moyen-Orient, l’Asie et l’Afrique du nord. Autant de marchés attaqués également par des chinois comme BYD.

Les Etats-Unis, terrain miné
Le lancement de cette grande offensive intervient alors que des murs défensifs sont en train d’être dressés tout autour des grands marchés occidentaux visés par les Chinois. Les Etats-Unis, en particulier, font figure d’abonné absent dans les plans de conquête de Leapmotor et Stellantis.
Les deux alliés jouent de prudence sur ce terrain miné. La Maison Blanche a fait savoir qu’elle voulait multiplier par quatre les droits de douane sur les voitures chinoises. « Nous observons et étudions ce que le gouvernement américain est prêt à accepter ou non [en matière de voitures chinoises], et ce n’est pas encore tout à fait clair », a sobrement commenté Carlos Tavares.

Faire éclater les bulles
L’Europe réfléchit pour sa part, à la suite d’une enquête contre l’industrie auto chinoise pour aide d’Etat, à augmenter les taxes à l’importation sur les voitures importées de l’Empire du Milieu.
Pour le patron de Stellantis, le marché mondial est en train de se scinder en une série de marchés sous haute protection de barrières douanières, comme autant de « bulles », selon son expression.

« La bonne nouvelle, c’est que nous avons des usines dans chacune de ces bulles », se félicite Carlos Tavares. Afin de faire entrer les voitures de son partenaire dans ces marchés sous haute protection, Stellantis pourrait assembler des T03 ou des C10 dans une de ses usines, notamment européennes.

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