Les propriétaires de La Vache qui rit s’entendent sur l’avenir du groupe
Noël peut être propice aux réconciliations familiales. Les trois branches actionnaires du groupe Bel, connu pour La Vache qui rit, Babybel ou Boursin, ont mis fin à leurs dissensions. Désormais réunies, elles vont déposer une offre publique d'achat commune simplifiée sur le holding Unibel, qui contrôle l'industriel alimentaire. Proposée à 980 euros par action et soumise à l'examen de l'Autorité des marchés financiers, cette dernière ouvre ainsi la voie à un retrait de la cote qui « devrait intervenir au cours du premier semestre 2025 », a indiqué le 24 décembre l'AMF. Préserver le caractère familial du groupe Le pacte d'actionnaires réunissant les familles Fiévet, Sauvin et Dufort a été signé le 16 décembre. A elles trois, elles détiennent 98,52 % du capital et 93,54 % des droits de vote, ce qui devrait faciliter son retrait de la cote. Unibel a indiqué que la signature du pacte tirait un trait sur « l'ensemble des différends existants » avec pour objectif « de préserver le caractère familial du groupe, d'assurer la stabilité de son contrôle et de favoriser la transmission aux générations futures ». Les dissensions, auxquelles il vient d'être mis un terme, opposaient la famille Dufort aux familles Fiévet et Sauvin, unies par un pacte d'actionnaires depuis 2013. Elles s'étaient notamment manifestées en 2022 au moment du recours en justice de la société BBDE, présidée par Bertrand Dufort, alors qu'une opération publique de retrait était menée. La Cour d'appel de Paris avait rejeté ce recours, une décision confirmée par la Cour de cassation. LIRE AUSSI : Pourquoi La vache qui rit prend ses quartiers en Inde Le retrait de la cote, susceptible d'intervenir au premier semestre de 2025, marquerait le point d'orgue de la stratégie mise en place par la famille pour reprendre le contrôle total de l'entreprise. En 2021, le groupe avait fait sortir de son capital son grand concurrent Lactalis en échange de la cession de la marque néerlandaise Leerdammer. Lactalis avait en effet payé son acquisition en rendant la quasi-totalité (23,16 %) de la participation qu'il avait au capital de Bel. Entreprise à mission Le groupe Bel, qui a réalisé un chiffre d'affaires de 3,6 milliards d'euros en 2023 et est devenu une entreprise à mission en mai dernier, a les mains libres pour poursuivre sa diversification. Propriétaire de Materne et de sa marque Pom'Potes depuis 2016, ses dernières acquisitions ont porté sur le végétal, avec la reprise en 2020 de All In Foods, spécialisée dans les alternatives végétales, qui possède la marque Nature & Moi. Et des partenariats sur les protéines alternatives sont menés avec des start-up. LIRE AUSSI : Milk-shake au pop-corn, repas en solo et offensive veggie : à quoi ressembleront les restaurants en 2025 Le pacte familial noué devrait aussi permettre à l'industriel d'aborder sereinement la suite, l'idée de « favoriser la transmission aux générations futures » figurant parmi les objectifs assignés. Une première étape avait été franchie avec le choix d'une gouvernance dissociée, à savoir la nomination en 2022 d'une directrice générale du groupe Bel, Cécile Béliot, tandis qu'Antoine Fiévet était renouvelé dans ses fonctions de président du Conseil d'administration.
Fraude : comment les réseaux sociaux sont devenus la bête noire des assureurs
Des kits d'arnaque à l'assurance à partir d'une dizaine d'euros : cela ne se passe pas sur le dark web, mais sur Snapchat, Telegram ou WhatsApp. Ces dernières années, les réseaux sociaux sont devenus le terrain de chasse favori des escrocs. On s'y procure des tutoriels pour monter de toutes pièces une fraude à la réparation de pare-brise, ou de fausses factures de soins dentaires et auditifs en vue d'obtenir des remboursements indus. En 2023, les montants fraudés identifiés par l'Agence de lutte contre la fraude à l'assurance (ALFA) ont augmenté de 18,4 %, pour atteindre 695 millions d'euros. S'il est difficile de déterminer quelle part est liée à ces activités en ligne, l'ALFA constatait dans son rapport annuel une « nette tendance » à l'utilisation des réseaux sociaux pour l'échange de documents frauduleux sur le segment Incendies, accidents et risques divers (IARD). Le phénomène implique des particuliers comme des professionnels. « Ça a explosé avec le Covid. Lorsque tout le monde s'est retrouvé chez soi, les fraudeurs se sont adaptés. On ne peut pas cerner précisément l'ampleur, car les escrocs changent de plateformes : ils peuvent appâter sur Facebook marketplace, puis passer sur Snapchat, c'est ainsi plus compliqué à tracer », explique Maxence Bizien, directeur général de l'ALFA. Réseaux organisés L'association, qui compte plus de 340 adhérents, a mis à leur disposition des modèles de courriers types pour les aider à réclamer la fermeture des comptes d'escrocs sévissant sur ces sites. Mais la coopération avec les géants du web est loin d'être évidente. « Ces plateformes sont souvent à l'étranger. Quand on voit que Telegram ne répond pas aux demandes d'information des autorités françaises, vous vous doutez qu'ils ne coopèrent pas plus avec le secteur privé », poursuit Maxence Bizien. Ces espaces virtuels ne favorisent pas uniquement la mise en circulation de documents frauduleux : ils facilitent aussi la coordination des faussaires, qui tendent à se professionnaliser et à agir sous forme de réseaux finement organisés. Ils peuvent, du reste, encourager le passage à l'acte chez des personnes qui n'auraient pas eu spontanément l'idée de frauder. Maxence Bizien évoque notamment le cas de jeunes internautes approchés par des professionnels de l'arnaque pleins de promesses d'argent facile, qui réclament dans la majorité des cas leur part du gâteau. « Toute la journée les utilisateurs peuvent y être confrontés. Il faut faire de la prévention sur TikTok, Snapchat, Telegram, là où ça se passe, là où sont les fraudeurs », plaide-t-il. LIRE AUSSI : Fraude : le gouvernement prêt à renforcer la coopération entre l'Assurance Maladie et les mutuelles Opinion | Les défis des assureurs pour 2025 « L'usage des réseaux sociaux est présent dans moins de 10 % des fraudes avérées que nous détectons, mais il est en forte croissance. Il y a encore quelques années, ces pratiques n'existaient pas », note Marc de Beaucorps, PDG de Finovox, éditeur de solutions de lutte contre la fraude documentaire. Alors que le numérique s'impose comme un vecteur de fraude, il la rend aussi plus difficile à déceler. Les escrocs intègrent progressivement l'intelligence artificielle (IA) générative à leur arsenal, qui leur permet notamment de générer des documents très crédibles. « Les méthodes sont tellement variées, les fraudeurs évoluent constamment, donc on est forcément en retard par définition. C'est la lance et le bouclier », formule Marc de Beaucorps. Combattre à armes égales Les assureurs sont dès lors incités à se doter de techniques de détection toujours plus sophistiquées s'ils veulent combattre à armes égales. « Nous intégrons l'IA à travers des algorithmes qui permettent de détecter des schémas anormaux. Ce sont des outils extrêmement puissants », soulignait Nicolas Gomart, directeur général de la Matmut, lors d'une conférence récemment organisée par la fédération France Assureurs. Aucun dispositif n'est toutefois infaillible lorsqu'il s'agit de détecter une fraude documentaire, rappelle Maxence Bizien. « Sur un document 100 % digital, c'est assez facile de savoir s'il y a eu modification. Mais si vous le modifiez puis vous le scannez, cela devient indétectable ». Face à ce constat, la profession prône la numérisation d'un certain nombre de documents, comme les ordonnances ou les arrêts de travail, afin de les rendre entièrement traçables et infalsifiables. Les faux vendus par des escrocs sur Snapchat, Telegram et consorts seraient ainsi rendus obsolètes. « Cela va monter massivement en charge chez les médecins », prédit Thomas Fatôme, directeur général de la Caisse nationale de l'Assurance maladie, qui supporte une partie du coût de la fraude en santé. « On investit à la source, pour fermer des points de fuite. »
Comment Elon Musk constitue son commando anti-bureaucratie
Le « Département de l'efficacité gouvernementale » (Doge) est encore un mystère. Cet ovni en marge du futur gouvernement américain n'a pas encore de forme juridique, pas de budget, et pas de mandat jusqu'à l'intronisation du nouveau président, le 20 janvier. Mais l'initiateur et le patron du Doge, Elon Musk, a déjà commencé les grandes manoeuvres pour réduire les dépenses et la bureaucratie fédérale à partir de l'année prochaine, comme l'illustre son activisme sur le vote budgétaire de fin d'année. L'homme le plus riche du monde codirigera la nouvelle entité avec l'entrepreneur des biotechs Vivek Ramaswamy. Son objectif : couper 2.000 milliards de dollars de dépenses fédérales. Il n'a pas précisé s'il visait un montant annuel en 2035 (les programmes budgétaires sont souvent annoncés sur dix ans aux Etats-Unis), à l'été 2026 (date de dissolution programmée du Doge), ou un cumul d'économies sur quatre ans de mandat Trump. Dans une tribune au « Wall Street Journal » , les deux hommes ont expliqué qu'ils voulaient avant tout réduire la taille de l'administration fédérale, car ils jugent « antidémocratique » que des fonctionnaires non-élus fixent les règles. LIRE AUSSI : Réduire le déficit américain, la mission impossible d'Elon Musk De Tesla à la Maison-Blanche : la méthode infernale de Musk pour chasser les coûts En tout cas, le Doge a commencé à monter son équipe de fantassins « révolutionnaires », à fort QI et « prêts à travailler plus de 80 heures par semaine », selon le voeu d'Elon Musk. L'entrepreneur en série a demandé à Steve Davis, un lieutenant de son groupe tunnelier The Boring Company, de mener les recrutements, avec Michael Kratsios, l'ex-directeur technologique de la première administration Trump. Ils auraient déjà recruté dix personnes et ils cherchent des ingénieurs logiciels avec une expérience dans l'intelligence artificielle, selon Bloomberg . Elon Musk ouvre son carnet d'adresses Ingénieur en aéronautique, Steve Davis a débuté dans une autre entreprise d'Elon Musk, SpaceX, en 2003. Il a officié à Washington, avec la réputation de travailler seize heures par jour. En 2016, il a été nommé patron de la start-up Boring Co. En parallèle, en 2022, le milliardaire l'a appelé à la rescousse pour faire le ménage chez Twitter, devenu X. Steve Davis y a pris ses quartiers. La prise de contrôle s'est soldée par le licenciement de 80 % des effectifs. L'employé dévoué a ensuite participé à la campagne électorale de Donald Trump au sein du comité d'action politique (super PAC) d'Elon Musk. Par ailleurs, Elon Musk a ouvert son carnet d'adresses dans le monde de la tech pour monter le Doge. Le fameux capital-risqueur Marc Andreessen a accepté d'aider à identifier les candidats et à faire passer les entretiens d'embauche. Le cofondateur de Palantir Joe Lonsdale, le gérant de hedge fund Bill Ackman, l'ex-patron d'Uber Travis Kalanick, l'ex-dirigeant de Tesla Antonio Gracias ont été consultés, a révélé le « Washington Post » . Pour l'instant, l'embryon de Doge est hébergé dans les locaux de SpaceX à Washington. Elon Musk et Vivek Ramaswamy réfléchissent à un statut juridique et aux sources de financement appropriées, sachant que l'argent n'est vraiment pas un problème pour celui qui a dépensé 240 millions de dollars dans le super PAC. Si le Doge est une association caritative, il faudra recueillir des donations diversifiées et rendre des comptes. Avec un comité consultatif fédéral, le financement par l'impôt oblige à respecter des règles de transparence. Licenciements massifs d'employés fédéraux En tout cas, l'opération « réduire la taille du gouvernement fédéral » a déjà commencé. Elon Musk ne s'est pas contenté de saborder le budget initial présenté par le speaker républicain Mike Johnson. Il a fait chanter les élus réfractaires en les menaçant de leur faire perdre leur prochaine élection et plaidé pour un « shutdown » plutôt que de voter les dépenses voulues par les démocrates. Son comparse et lui ont monté une boucle de discussion sur leur smartphone avec Mike Johnson. LIRE AUSSI : Etats-Unis : la Chambre républicaine rejette le projet de budget béni par Trump IA, espace, voiture autonome : comment Trump veut libérer l'innovation en dérégulant l'économie Avant cet épisode, le duo Musk-Ramaswamy a fait une entrée triomphale au Capitole le 5 décembre, pour rencontrer les élus républicains du nouveau « caucus Doge ». Un démocrate, Jared Moskowitz, a adhéré au caucus. D'autres progressistes ont exprimé leur intérêt, voire fait des propositions : déménager toutes les agences fédérales hors de Washington DC pour susciter des démissions ; préremplir les déclarations d'impôts ; supprimer les subventions aux énergies fossiles ; moderniser les systèmes d'information de l'administration… De leur côté, les patrons du Doge veulent capitaliser sur une décision importante de la Cour suprême, cet été, pour licencier de nombreux employés fédéraux. En effet, « Loper Bright vs Raimondo » ouvre la voie à la contestation des réglementations édictées par les agences fédérales. Le président Trump suspendra l'exécution de ces réglementations par décret, sans passer par la case Congrès, prévoient-ils dans le « Wall Street Journal », concluant qu'« une réduction drastique des réglementations fédérales fournit une justification industrielle saine à des réductions massives de personnel dans la bureaucratie fédérale ».
IA : Broadcom est-il le nouveau Nvidia ?
Dans la galaxie des semi-conducteurs, Broadcom fait partie des meubles. L'entreprise née en 1961 appartient à la vieille garde des géants américains de la tech, partenaire de tous les grands du numérique, et fournisseur de puces en tout genre - smartphone, automobile, réseau - depuis plus d'un demi-siècle. Mais ces derniers temps, la société menée par Hock Tan semble vivre une nouvelle jeunesse. L'ère de l'intelligence artificielle (IA) générative lui sied à merveille : elle vient de dépasser les 1.000 milliards de dollars de capitalisation boursière, et serait en train de vivre son « moment Nvidia ». Les investisseurs ont ainsi propulsé par leur enthousiasme le titre de Broadcom vers des sommets vendredi 13 décembre (+24 % en une séance) suite aux prévisions mirifiques du patron pour le premier trimestre de son exercice fiscal 2025. Hock Tan, aux manettes depuis 2005, a annoncé s'attendre à des ventes en hausse de 65 % sur les produits d'intelligence artificielle, puces et logiciels confondus. Bien plus que la croissance moyenne du secteur des semi-conducteurs, quant à elle autour de 10 %. Selon le dirigeant sino-américain, le marché des équipements pour les data centers, l'une des spécialités de l'entreprise, devrait atteindre 90 milliards de dollars d'ici à 2027. Croissance insolente Depuis le début de l'année, l'entreprise enchante les marchés, avec une hausse de plus de 100 % de sa valeur en Bourse. Une performance qui ne peut échapper à la comparaison avec celle de Nvidia, le leader mondial des puces graphiques (GPU, devenues indispensables pour entraîner et utiliser les modèles d'IA), qui a atteint une valorisation de plus de 3.000 milliards de dollars au début de l'été. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - Jusqu'où la fièvre de l'intelligence artificielle peut-elle propulser Nvidia ? DECRYPTAGE - OpenAI, Microsoft, Nvidia : le vertige des dépenses dans l'IA Broadcom, comme Nvidia, s'est clairement positionné dans la course à l'IA. La société avait parié sur 10 milliards de chiffre d'affaires lié à l'engouement pour cette technologie en 2024. Elle a finalement enregistré 12,2 milliards de revenus sur ce front. Des résultats qui expliquent l'appétit des marchés dans un moment où encore peu d'acteurs peuvent se targuer de récolter les fruits comptables de leurs investissements dans l'IA. Si l'événement fait en effet penser à l'irrésistible ascension de Nvidia, qui a multiplié par trois sa capitalisation entre mai 2023 et juin 2024, les modèles des deux entreprises sont tout à fait différents. Broadcom est le fruit du rachat en 2015 de l'entreprise éponyme, spécialisée dans les équipements de data centers, par Avago, producteur de puces pour les télécommunications (qui permettent par exemple de capter la 4G ou la 5G). Cette transaction à quelque 37 milliards de dollars, l'une des plus importantes unions de l'histoire de la tech, a donné naissance à ce géant des semi-conducteurs. Le groupe s'est peu à peu orienté vers le domaine du logiciel grâce à de multiples rachats. L'un des derniers en date, celui de VMware bouclé l'année dernière, avait fait couler beaucoup d'encre, les prix ayant explosé pour les clients de l'opérateur de logiciels. Soif infinie Si Broadcom est aujourd'hui un mastodonte sur le front des puces, il aurait pu être encore plus imposant si l'administration Trump n'avait pas bloqué en 2018 son union avec un autre géant du secteur, Qualcomm. A l'époque, les autorités avaient avancé un argument de sécurité nationale pour bloquer l'opération, malgré le fait que les deux acteurs soient désormais considérés comme américains après le transfert du siège de Broadcom de Singapour aux Etats-Unis. « Hock Tan a eu une stratégie très agressive d'acquisitions pour construire son empire, pour lequel il s'est endetté à coups de milliards. Le modèle est très différent de celui de Nvidia, une entreprise plus récente, qui s'est faite toute seule, sans acquisition majeure », explique Jacques-Aurélien Marcireau, coresponsable de la gestion actions chez Edmond de Rothschild AM. LIRE AUSSI : DECRYPTAGE - « S'il vous plaît, prenez notre argent » : face à Nvidia, les géants de la tech à la conquête des puces d'IA Les géants des puces rôdent autour d'Intel Broadcom ne semble pas aspirer à concurrencer Nvidia au sujet des GPU, le monopole étant déjà trop installé et la technologie trop perfectionnée. En revanche, l'empire de Hock Tan a une carte à jouer dans le développement des puces pour d'autres usages complémentaires aux côtés des géants de la tech. Cela fait plusieurs années que la société travaille avec Google et Apple pour concevoir leurs propres puces, et elle serait en train de travailler avec OpenAI. Ce sont notamment ces grands partenariats qui galvanisent les investisseurs. Néanmoins, « Broadcom n'est pas irremplaçable, contrairement à Nvidia. Il veut s'imposer comme une alternative dans un secteur où il n'est pas facile d'exister », ajoute le spécialiste des semi-conducteurs. Toutefois, avec ces résultats, Broadcom prend l'avantage sur les autres grands du secteur. AMD a cédé près de 15 % à Wall Street cette année, tandis que le vétéran Intel traverse la plus grande crise de son histoire, dont il pourrait ne jamais se relever. Avec tant de milliards en poche, Hock Tan pourrait même tenter d'avaler ses rivaux à la peine.
Pourquoi la République démocratique du Congo poursuit Apple
a République démocratique du Congo (RDC) intensifie son offensive contre l'exploitation des « minerais de sang ». Le 16 décembre, Kinshasa a franchi un cap historique en déposant une plainte en France et en Belgique contre Apple. Le géant de la tech, ainsi que d'autres multinationales, est accusé de profiter des minerais extraits dans l'Est congolais, une région où des groupes armés, dont la rébellion du M23 soutenue par le Rwanda selon l'ONU, profitent de cette exploitation pour financer leurs activités. Au cœur de ce bras de fer judiciaire et géopolitique, il est question de ressources stratégiques, vitales pour la fabrication de smartphones, les ordinateurs et appareils électroniques. La RDC dénonce une chaîne d'approvisionnement opaque et complice, où l'or, le tantale et l'étain extraient leur valeur au prix du sang, du travail forcé et des violations massives des droits humains. Le gouvernement congolais affirme que ces minerais sont « blanchis » en passant par le Rwanda avant d'intégrer les chaînes d'approvisionnement mondiales. LA NEWSLETTER AFRIQUE Tous les mardis à 16h45 Recevez le meilleur de l’actualité africaine. En vous inscrivant, vous acceptez les conditions générales d’utilisations et notre politique de confidentialité. À lire aussi Crise entre la RDC et le Rwanda : comment éviter une guerre régionale ? Des ressources stratégiques au cœur des conflits armés Si Kinshasa avait jusqu'à présent hésité à engager des poursuites judiciaires, la plainte déposée marque une escalade dans son conflit avec le Rwanda et dans sa volonté de responsabiliser les multinationales. Le collectif d'avocats engagé par la RDC, dirigé par Robert Amsterdam et épaulé par des figures comme William Bourdon et Christophe Marchand dénonce un manque de transparence de la part d'Apple qui, malgré des engagements sur des pratiques responsables, n'aurait pas suffisamment sécurisé ses approvisionnements. Au-delà de l'aspect judiciaire, cette affaire souligne la complexité de la gestion des ressources naturelles en RDC. Le pays, riche en minerais, voit ces richesses alimenter des conflits qui durent depuis les années 1990, déplaçant des millions de personnes. Par cette plainte, Kinshasa espère non seulement alerter l'opinion publique, mais aussi forcer les entreprises internationales à revoir leurs pratiques. À lire aussi M23 : l'accord de cessez-le-feu signé entre la RDC et le Rwanda tiendra-t-il ? Traçabilité controversée Le tantale, extrait principalement du coltan (colombo-tantalite), est utilisé pour ses propriétés de conduction électrique dans les condensateurs des appareils électroniques. L'étain, quant à lui, est un composant clé des soudures, et l'or sert autant dans l'électronique que dans la bijouterie. Ces minerais transitent souvent par des chaînes d'approvisionnement complexes, où leur traçabilité est difficile à garantir. En tout cas, la plainte met en lumière les failles des systèmes de certification tels que l'Initiative de la chaîne d'approvisionnement de l'étain (Itsci), largement utilisée par des entreprises comme Apple. Ce système, censé garantir une traçabilité des minerais, a perdu en crédibilité : il a été retiré de la liste des systèmes approuvés par la Responsible Minerals Initiative en 2023. Ces dysfonctionnements permettent, selon la plainte, aux minerais issus de conflits en RDC d'être blanchis via le Rwanda avant d'être intégrés dans des produits électroniques. À lire aussi Guerre à l'est, crise avec le Rwanda, plainte contre Apple : en visite à Paris, Félix Tshisekedi sur tous les fronts La réaction du géant au logo de pomme ne s'est pas fait attendre. Dans un communiqué la firme a réaffirmé son engagement pour un approvisionnement responsable et rejette les accusations portées par la RDC. Apple a toutefois déclaré avoir demandé à ses fournisseurs, dès l'intensification des conflits cette année, de suspendre tout approvisionnement en minerais provenant de la région. L'entreprise révèle également s'appuyer sur des audits indépendants pour garantir la transparence et respecter des normes environnementales et éthiques strictes. « Nous reconnaissons que la situation dans la région est très difficile et nous avons accru notre soutien aux organisations qui font un travail vital en aidant les communautés. » Apple, soucieuse de préserver son image, met en avant l'utilisation croissante de matériaux recyclés dans ses produits. Elle souligne que près de 99 % du tungstène utilisé provient désormais de sources recyclées. À découvrir Le Kangourou du jour Répondre Les avocats de la RDC saluent la prise de position, mais appellent à des preuves tangibles sur le terrain. Par ailleurs, des experts craignent qu'un éventuel embargo sur les minerais congolais n'aggrave la précarité économique des populations locales, dépendantes de cette exploitation artisanale. Alors que l'enquête se poursuit en Europe, cette affaire relance le débat sur la responsabilité sociale des grandes entreprises et la nécessité de solutions globales pour réguler l'extraction de minerais dans les zones de conflit. Une décision judiciaire pourrait influencer non seulement Apple, mais aussi d'autres acteurs du secteur technologique.
GPT-5 ou les galères d’OpenAI
A quelques jours de la Saint-Sylvestre, un des produits parmi les plus attendus de 2024 manque à l'appel. GPT-5, le dernier grand modèle (LLM) d'OpenAI, ne devrait finalement arriver que l'année prochaine. Cela fait pourtant des mois que les ingénieurs d'OpenAI travaillent d'arrache-pied pour sortir cette nouvelle version d'IA générative suffisamment innovante pour emballer une nouvelle fois la planète tech, après le succès des versions précédentes et deux ans après la sortie fracassante de ChatGPT . Il semblerait que le projet - codé sous le nom d'Orion - soit plus complexe et beaucoup plus cher que prévu, comme l'explique le « Wall Street Journal », alors qu'OpenAI tente à tout prix de conserver son rôle de leader dans la course à l'IA générative, après avoir séduit les investisseurs cette année en atteignant 157 milliards de dollars de valorisation en octobre. Matière première épuisée Les cerveaux de la pépite de Palo Alto rencontrent en réalité un problème de taille : le manque de données. Pour améliorer les performances de ses grands modèles (LLM), OpenAI a, jusqu'à maintenant, pris le parti d'élargir le nombre de paramètres d'entraînement : 117 millions pour GPT-1, 1,5 milliard pour GPT-2, 175 milliards pour GPT-3 et 1.700 milliards pour GPT-4. Les derniers grands modèles ont été entraînés sur l'immense source de données qu'est Internet afin de sortir des réponses les plus exactes possibles, malgré un taux d'erreur encore élevé. Parmi ces données, les sources primaires - ouvrages, travaux de recherche, presse, encyclopédies - ont déjà été avalées par les versions précédentes, et sont désormais taries. LIRE AUSSI : ENQUÊTE - La folle épopée d'OpenAI DECRYPTAGE - IA : Pourquoi Microsoft veut s'émanciper de la pépite OpenAI Pousser plus loin la technologie nécessite désormais d'inclure les vidéos, les images, les sons dans les données d'entraînement, mais aussi créer de nouvelles sources primaires de qualité. Un travail de longue haleine : il a fallu des dizaines d'années pour parvenir à la richesse d'informations d'Internet. OpenAI planche actuellement sur la fabrication de données synthétiques, un lot de data créée par l'IA elle-même pour entraîner l'IA. Des sources cependant susceptibles de favoriser les erreurs, d'après de multiples travaux de recherche, puisqu'elles fonctionnent par probabilité, et qui demandent la mobilisation de fonds humains et techniques (puissance de calcul) de plus en plus importants. La start-up Writer , qui rêve de concurrencer OpenAI, s'est spécialisée sur cette verticale pour développer ses propres modèles. En 2024, le recours aux données synthétiques a dépassé l'usage des données de recherches scientifiques et des livres pour entraîner l'intelligence artificielle, d'après une étude menée par le consortium Data Provenance Initiative. Des « idées géniales » mais pas de GPT-5 Pour espérer déboucher sur le prochain modèle frontière, il faut aussi avoir les poches profondes. Et l'argent, OpenAI n'en manque pas : soutenue par le géant Microsoft, multipliant les levées de fonds, la pépite semble avoir les cartes en main. Mais selon le « Wall Street Journal », les dernières phases d'entraînement de GPT-5 ont coûté incroyablement cher (puissance de calcul, puces GPU de Nvidia ) pour un résultat encore décevant. Il avait fallu une centaine de millions de dollars pour entraîner GPT-4. Le développement de GPT-5 pourrait atteindre jusqu'au milliard de dollars. De quoi s'interroger sur les capacités d'OpenAI de rentabiliser, un jour, de tels investissements, alors que la start-up devrait déjà encaisser des pertes abyssales cette année . LIRE AUSSI : EN CHIFFRES - Les chiffres affolants d'OpenAI, la star de l'IA générative IA : deux ans après ChatGPT, les limites du « toujours plus » Cette année, OpenAI a sorti o1, une version de son dernier modèle capable de « raisonner » , mais aussi Sora, son modèle de génération de vidéo. Malgré la sortie de GPT-o3 il y a quelques jours, une version encore plus poussée du modèle de raisonnement, la frontière technologique n'a pas encore été dépassée. « Tous ces modèles sont devenus très complexes et nous ne pouvons pas livrer autant de choses en parallèle que nous le souhaiterions. Nous sommes également confrontés à de nombreuses limitations et à des décisions difficiles concernant l'allocation de nos ressources informatiques à de nombreuses idées géniales », avait écrit Sam Altman, le patron d'OpenAI, lors d'une session de questions-réponses sur Reddit en octobre.
Snoop Dogg est-il le plus grand influenceur vivant ?
Cette semaine, dans « Sous INfluence », on s'attaque à l'un des rebranding les plus étonnants opéré par une personnalité publique ces dernières années : celui du légendaire Snoop Dogg, également figure de proue des JO de Paris cet été, au cas – peu probable – où cela vous aurait échappé. L'occasion de rencontrer Christophe Caurret, directeur général en charge du son chez Prodigious, qui nous livre quelques clés de compréhension pour expliquer cette mue sans précédent
Côte d’Ivoire : à qui profite vraiment le boom de l’or ?
REPORTAGE 2/2. Entre dynamisme économique et ravages sociaux, l’orpaillage en Côte d’Ivoire redessine les paysages et exacerbe les tensions.
Climat : remontée surprise des émissions de CO2 en France
Est-ce en raison du changement de gouvernement ou parce que les chiffres ne sont pas reluisants ce trimestre ? La ministre de la Transition écologique, Agnès Pannier-Runacher, ne s'est en tout cas pas accordée, cette fois-ci, la primeur de l'annonce de l'évolution des émissions de gaz à effet de serre en France. Selon les chiffres publiés par le Citepa ce vendredi, ces émissions affichent une (légère) augmentation trimestrielle, pour la première fois depuis 2021 (une année atypique, qui avait souffert d'un effet de base défavorable lié au Covid) : elles ont progressé de +0,5 % entre juillet et septembre 2024, par rapport à la même période de 2023. Inversion de tendance Sur les neuf premiers mois de l'année, qui augurent de la tendance annuelle, elles s'affichent certes toujours en baisse, à -2,4 %. Cette inversion de tendance trimestrielle n'en est pas moins hautement symbolique, au moment même où la lutte contre le réchauffement climatique semble être au dernier rang des priorités du nouveau Premier ministre, François Bayrou . Pour que la France tienne les objectifs affichés dans sa nouvelle stratégie annuelle bas carbone (la SNBC 3 publiée début novembre), ses émissions de gaz à effet de serre doivent baisser de 4,7 % par an entre 2022 et 2030, rappelle le Citepa. LIRE AUSSI : EN CHIFFRES - Climat : les secteurs économiques en première ligne de la décarbonation EN CHIFFRES - Climat : les émissions de CO2 reculent toujours en France, mais moins vite Si en 2023, la tendance semblait plutôt encourageante (-5,8 %, après -2,7 % en 2022), le ralentissement observé cette année est moins réjouissant. D'autant que les chiffres publiés ne tiennent compte ni des émissions liées aux produits importés, ni de la chute des puits de carbone (la forêt et les sols) censée compenser une partie de ces émissions. De la même façon que les politiques publiques n'étaient que très partiellement responsables des bons résultats précédents, ce n'est pas non plus leur relâchement cette année qui explique la hausse du troisième trimestre. Une large part des évolutions des émissions reste conjoncturelle, liée à la météo ou à l'activité économique. Vague de fraîcheur C'est ainsi notamment dans le secteur du bâtiment que le retournement se fait sentir, avec une hausse de 11,8 % des émissions au troisième trimestre. Celle-ci est essentiellement due au chauffage dans les logements et les bureaux en septembre, fait valoir le Citepa. Un mois frappé par une vague de fraîcheur automnale inhabituelle. LIRE AUSSI : 2024, une des dix années les plus pluvieuses en France depuis 1959 Le transport routier a lui aussi vu ses émissions augmenter (+1,1 %), mais elles « se stabilisent à un niveau faible en comparaison des troisièmes trimestres de 2019 à 2022 », relève également l'organisme indépendant. Parallèlement, les émissions liées à la production d'électricité ont continué à baisser (-12,9 %), car le retour de la disponibilité des centrales nucléaires a permis un moindre recours aux énergies fossiles (6 % du mix au troisième trimestre contre 14 % l'an dernier). Et celles de l'industrie manufacturière ont aussi poursuivi leur baisse, mais celle-ci s'est ralentie (-1,3 %). Ce mauvais chiffre trimestriel provoquera-t-il un sursaut au sein de l'Etat, pour donner une nouvelle impulsion à la lutte contre le réchauffement climatique ? « Grâce aux efforts accomplis ces deux dernières années, nous n'avons pas pris de retard. Mais il ne faut pas baisser la garde, a commenté Agnès Pannier-Runacher après la publication des chiffres, vendredi matin sur RTL. Le dérèglement climatique est là, il menace nos emplois et nos maisons et il faut agir ! Tous ceux qui disent qu'il faut ralentir mettent en danger les Françaises et les Français. » Même si le nouveau ministre de l'Economie, Eric Lombard, a insisté sur « l'urgence écologique » lors de sa passation de pouvoirs, lundi soir, il n'est pas certain que le contexte politique et l'urgence budgétaire soient propices à un virage ambitieux dans ce domaine.