2024, une année en or pour les pyramides de Ponzi
Quand les marchés financiers sont très bien orientés comme en 2024, la méfiance des investisseurs est moindre face aux escrocs, marchands de rêve des fortunes rapides. Les rendements anormaux, comme sur les cryptos depuis l'élection de Trump, deviennent normaux et donc peu inquiétants. Parmi les plus célèbres arnaques, la pyramide de Ponzi popularisée par Bernard Madoff en 2008, consiste à promettre des rendements réguliers, significatifs et garantis 100 % sans risque. Les investisseurs croient placer leur argent sur les actifs les plus divers (actions, cryptos, matières premières, animaux) alors qu'il ne fait que transiter de compte à compte et pour finir sa course dans les poches du ou des escrocs. Pour délivrer des rendements aux clients, ils piochent dans les comptes d'autres investisseurs pour donner l'illusion d'investissements réels. Un jeu de vases communicants qui a encore fait des victimes en 2024. Aux Etats-Unis, les pyramides de Ponzi ont ainsi bondi de 50 % par rapport à 2023 pour atteindre 3 milliards de dollars de pertes potentielles pour les particuliers, selon les données des deux régulateurs, la Securities and Exchange Commission (SEC) et la Commodity Futures Trading Commission (CFTC). Plus de la moitié de ce montant (1,7 milliard de dollars) est attribuable à une seule fraude sur les cryptos, réalisée par la société HyperFund. La très forte volatilité de cette classe d'actifs facilite les arnaques. Encouragés et manipulés par les influenceurs, les investisseurs des cryptos et du bitcoin ont davantage le goût du risque que les autres. Ils sont parfois récompensés ou sanctionnés au-delà de leurs attentes. Ainsi, Francier Obando Pinillo, pasteur de son état, promettait à ses « brebis égarées » un rendement mensuel garanti de 35 % sur les cryptos. Comme souvent dans les Ponzi, l'escroc ciblait des membres de sa communauté, les Hispaniques de sa paroisse en l'occurrence. Ils ne concevaient pas que cette figure respectée puisse être un nouveau Madoff qui les trahirait sans état d'âme. LIRE AUSSI : Une pyramide de Ponzi secoue la City Arnaque : un ancien de Harvard dépouille des camarades « Mère Teresa » sous les verrous Les dégâts globaux sont restés inférieurs aux grandes années des Ponzi (2008, 2022). Quand les marchés plongent, les investisseurs retirent leur argent des fonds. Ils ont parfois de très mauvaises surprises. Leurs économies se sont évaporées alors que leurs gérants ou conseillers financiers ont pris la fuite. Sous une nouvelle identité, certains changent simplement d'Etat pour continuer à perpétrer leurs fraudes. Johanna Michely Garcia, qui avait cru intelligent de se faire appeler « Mère Teresa », de par sa capacité selon elle à sortir ses investisseurs de la pauvreté, les a en réalité ruinés (191 millions de dollars évaporés). Comme dans tous les Ponzi, la justice américaine a appliqué la tolérance zéro en la condamnant en décembre à vingt ans de prison. Pour y échapper, Alan John Hanke a, lui, tenté de fuir des Etats-Unis depuis la Floride. Il a réservé une croisière, croyant à tort qu'il serait moins contrôlé qu'en prenant l'avion. Visé par un mandat d'arrêt, il a été arrêté avant d'avoir pu rejoindre des cieux plus cléments. Il risque une lourde peine avec neuf chefs d'accusation, dont fraude et blanchiment. Un président américain victime d'une pyramide de Ponzi Ulysses Grant, le 18e président des Etats-Unis, réfléchissait aux moyens de faire fructifier son épargne après son passage à la Maison-Blanche. A la fin du XIXe siècle, les anciens présidents ne bénéficiaient pas d'une retraite (elle fut instaurée en 1953). Sur les conseils de son fils, il plaça 50.000 dollars (1,5 million de dollars d'aujourd'hui) dans une société censée investir dans les actifs en vogue du moment (chemins de fer, mines…). Un rendement mensuel de 2 % à 3 % lui était assuré. Mais son gérant, Ferdinand Ward, était un escroc précurseur de Charles Ponzi. Il arnaqua aussi le magnat de l'immobilier Vanderbilt avant de prendre la fuite. Il ne resta à la famille Grant, que 210 dollars sur leurs 50.000 investis. Ferdinand Ward fut condamné à dix ans de prison. Comme Madoff plus d'un siècle plus tard, il n'afficha aucun regret authentique.