Fermeture des magasins dits « non essentiels », interdiction de déplacement au-delà d’un kilomètre de son domicile : la France du Covid avait tout pour devenir le paradis des commerçants en ligne. La réalité a été plus complexe.

Dès les premiers jours de confinement en mars 2020, les commandes ont afflué vers les sites Internet de tout poil. L’afflux a été si soudain que les opérateurs n’ont pu répondre à la demande : les stocks manquaient, la chaîne logistique était sous tension. De plus, les e-commerçants se battaient pour trouver des livreurs.

Une exception parmi les « pure players »
Au départ, les spécialistes de la vente sur la Toile n’ont donc pas profité de la crise. Pas même Amazon, qui a vu ses entrepôts fermés à la demande des syndicats. La situation s’est améliorée au fil des semaines, mais bientôt ce sont les sites marchands des enseignes traditionnelles qui sont entrés en action. Les « pure players » n’ont pas pris la vague. Sauf Mano Mano.

Bricolage : ManoMano traverse la crise sans ciller

« La livraison en une demi-heure finira par concerner tous les secteurs », déclare le grand patron de Castorama

La place de marché sur Internet spécialisée dans le matériel de bricolage a quadruplé ses ventes pendant les deux premiers confinements. « Notre taux de croissance était inférieur à 50 % avant le confinement, il a grimpé en flèche et se stabilise aujourd’hui à plus de 50 % », expliquait, fin 2020, Philippe de Chanville, cofondateur avec Christian Raisson. « Beaucoup de consommateurs ont découvert que l’on pouvait acheter en ligne des produits comme de la peinture », détaillait le dirigeant. Le site a écoulé en mars et avril 2020 vingt fois plus de pots qu’à l’accoutumée.

Mano Mano a profité d’une triple conjonction favorable. Coincés chez eux, les Français ont fait massivement appel à la livraison à domicile. Redécouvrant leur intérieur (ou extérieur pour les chanceux), ils ont pris conscience de leurs défauts ou ont cherché à aménager le bureau de télétravail. « A ce moment, le bricolage était le seul loisir possible », a commenté quelques mois plus tard, Thierry Garnier, le directeur général de Kingfisher, la maison mère de Castorama et concurrent de Mano Mano.

Prudence ou calcul des concurrents

Le cybermarchand de la peinture et des pinceaux a aussi bénéficié du retard des grandes enseignes du « do-it-yourself ». Par prudence ou par calcul financier – mieux valait mettre les employés au chômage partiel que de les payer alors que les ventes s’annonçaient faibles – les grandes surfaces de bricolage ont tiré le rideau les premières semaines de mars, alors même qu’elles avaient le droit de rester ouvertes. Leur syndicat professionnel avait en effet oeuvré pour qu’elles figurent sur la liste des commerces « essentiels ».

Habilement, Mano Mano a multiplié les publicités TV pendant que les consommateurs étaient rivés sur leurs écrans. La jeune pousse – créée en 2012 – en avait les moyens pour avoir levé 125 millions d’euros juste avant les turbulences, en janvier 2020. Les résultats n’ont pas tardé. Alors que la société réalisait 600 millions de volume d’affaires en 2019, elle a dépassé le milliard dès 2020.

« La crise a souligné le retard du marché du bricolage dans l’e-commerce. Les ventes en ligne ne dépassaient pas les 6 % du total quand, dans des secteurs comme le meuble ou le textile, le taux s’échelonnait de 12 à 25 % », a noté Philippe de Chanville.

L’ambition a suivi le succès. « On ne veut plus être que le leader français, on veut être un leader européen », déclarait Christian Raisson, en février dernier. Il faut dire que les ventes ont finalement atteint 1,2 milliard en 2020, que le nombre de clients actifs mensuels a doublé, à 7 millions, et que celui des visiteurs uniques du site a dépassé les 50 millions par mois.

La place de marché, qui compte 3.600 marchands tiers, avait franchi le point d’équilibre financier en 2019. Son offre dédiée aux professionnels, qui a connu une croissance de 140 % en 2020, a aussi atteint l’équilibre. Une levée de fonds de 355 millions de dollars auprès, notamment, du fonds Dragoneer a accru sa valorisation à hauteur de 2,6 milliards, soit deux fois la valeur d’une « licorne ».

Des ex de la finance

Christian Raisson et son compère Philippe de Chanville ont gagné en grande partie leur pari. Les deux ex-pro de la finance diplômés de l’Edhec ont étendu leur présence dans cinq pays (Belgique, Espagne, Italie, Allemagne et Royaume-Uni) en plus de la France. Grâce à l’Allemagne et au Royaume-Uni, l’international pèse 40 % des ventes. Une « amazone », Céline Vuillequez, a été débauchée afin d’améliorer l’expérience client et investir dans la technologie.

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