Il devait être le « Twitter Killer » par excellence, sobriquet donné par les médias américains. Pourtant l’application Threads de Meta ne parvient toujours pas à enterrer définitivement son adversaire. Lors de son lancement, le 5 juillet dernier, le réseau social démarre en fanfare : en seulement une journée la plateforme gagne 30 millions d’utilisateurs et 100 millions en cinq jours devenant alors l’application la plus rapidement téléchargée de l’histoire, loin devant ChatGPT qui avait atteint un million de téléchargements en cinq jours.

Un record qui a progressivement laissé place à une certaine indifférence de la part des utilisateurs, une fois passé les premières heures d’effervescence. Selon le cabinet Sensor Tower, le nombre d’usagers actifs de Threads aurait chuté de 82 % en moins d’un mois . Le taux d’engagement de l’application fait également état d’un sérieux revers : si aux Etats-Unis le temps d’utilisation de la plateforme avoisinait les 21 minutes selon l’outil d’analyse Similar Web, il n’était que de 6 minutes une semaine après.

Fonctionnalités manquantes
Malgré son potentiel, Threads souffre pour l’instant de sévères lacunes : impossibilité d’envoyer des messages privés à d’autres utilisateurs, de changer aisément de compte ou encore de trouver des messages par mots-clefs…

Petit à petit, et pour remédier à un lancement précipité, Mark Zuckerberg multiplie les effets d’annonces et dévoile sa stratégie concernant le futur de son dernier bébé. Ainsi, il a dernièrement déclaré l’arrivée prochaine d’une version web de l’application ainsi que la très attendue fonction de recherche des messages. Ces nouvelles initiatives, qui rejoignent le fil d’actualité des personnes suivies ou encore la possibilité d’ajouter une description alternative aux images, pourraient permettre d’inverser la tendance.
De son côté, Twitter, désormais baptisé X par Elon Musk , s’appauvrit de plus en plus des fonctions qui faisaient auparavant sa réussite. Après l’interface de programmation API et les tweets, c’est désormais l’outil de blocage qui est dans la ligne de mire du versatile patron. Utilisée pour limiter les incitations à la haine et notamment les cas de harcèlement en ligne, cette fonction est devenue essentielle à l’expérience de la communauté. Sa disparition pourrait néanmoins contrevenir les conditions d’utilisations de services comme Google Play ou encore l’Apple Store qui héberge actuellement le téléchargement de X. Pour les indécis, cela pourrait représenter le coup de grâce d’un réseau existant depuis 2006.

Gourmand en données sensibles, le dernier né de Meta a rapidement inquiété les personnes vigilantes sur l’utilisation de leurs datas, ce qui explique, dans une certaine mesure, la réticence d’une partie des usagers de Twitter à rejoindre cette nouvelle application. On remarque notamment lors du téléchargement que cette dernière collecterait des informations médicales, bancaires, ou encore l’historique de navigation et de recherche de ses utilisateurs.

Par ailleurs, la suppression d’un compte Threads est à ce jour impossible pour ceux ne désirant pas se débarrasser dans un même temps de leur compte Instagram. Seule l’est la désactivation du profil ou encore son passage d’un statut public à privé. Une sérieuse menace à la liberté et l’autonomie de la communauté.

Le talon d’Achille européen
Mais, plus que son interface sommaire et son avarice, Threads subit d’abord les conséquences de son déploiement partiel à l’international. Indisponible sur les catalogues d’applications d’Europe, le réseau n’est à ce jour pas conforme aux réglementations de l’Union Européenne en matière de sécurité numérique comme le Règlement général sur la protection des données.

Si certains usagers européens avaient tenté de contourner l’interdiction de Meta en ayant recours à des VPN, depuis le 14 juillet le groupe a fermement bloqué l’accès au réseau social à cette partie du monde. Un handicap pour Meta amputé ainsi d’une importante partie de son public. En effet, près de 294 millions de personnes disposeraient en Europe d’un compte Instagram en 2023, soit autant d’usagers qui pourraient venir renforcer les rangs de Threads grâce au jumelage des deux applications.

A l’heure où Elon Musk et Mark Zuckerberg cherchent à s’affronter dans un hypothétique combat de MMA , la véritable bataille se poursuit sur le terrain miné de l’internet où les deux réseaux sociaux multiplient les éclats. Rien ne permet de dire qui parviendra à prendre le dessus mais le chemin que les deux géants du web doivent emprunter est, quant à lui, évident : parvenir à séduire le monde entier. Difficile à faire quand l’un reste coupé d’une partie du monde et l’autre met sa communauté à l’épreuve.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr