« La pandémie, la guerre climatique et l’évolution de l’intelligence artificielle sont en train de bouleverser nos modes de vie », a déclaré le sociologue Jean Viard lors de l’évènement Focus Tourisme organisé par l’agence régionale de tourisme Grand Est. Pour lui, ces trois domaines sont en train de transformer le tourisme.

La pandémie a généralisé le télétravail et a créé de nouveaux profils travailleurs/vacanciers. Seuls 25% des travailleurs français font du télétravail total ou partiel, mais désormais, ce sont les loisirs qui ont un impact sur le travail et non plus l’inverse. « Les touristes sont aussi les télétravailleurs et les retraités, parce que nous vivons bien plus longtemps », précise Jean Viard.
La pandémie et la prise de conscience écologique ont également créé un nouveau rapport à la nature et au vivant. « Nous sommes passés d’une société industrielle, masculine, à une société du vivant, davantage organisée par des femmes », explique-t-il. Dans ce paradigme, le tourisme est émetteur de sens et créateur de lien. C’est un lieu de rencontres, d’affection, de renforcement du lien familial. Le challenge est désormais de diminuer l’impact carbone des pratiques sociales.
Pour Jean Viard, ce besoin de proximité va de pair avec la transformation numérique de la société. L’intelligence artificielle s’inscrit dans la période de l’inattendu que nous vivons. Son rôle est en train d’être déterminé dans le secteur du tourisme. Elle supprimera des emplois et en créera d’autres, comme a pu le faire le Fordisme au début du 20e siècle. « Le surtourisme ne m’inquiète pas, car les flux peuvent être régulés par l’IA. Le rôle des territoires est de dire aux voyageurs quel est le moment idéal pour venir », déclare-t-il.

Un changement de culture et non pas de règlementation
Selon Jean Viard, ces trois domaines sont en train de changer notre culture, notre rapport au voyage. Et c’est selon lui ce qui permettra de changer nos habitudes de consommation, plus que la règlementation. Le sociologue n’est pas d’accord avec Jean-Marc Jancovici et son idée d’établir une limite de 4 vols par vie : « Les sociétés changent quand la culture change. Je ne crois pas à la règlementation et à une société trop structurée. Nous sommes des fous créatifs, utilisons cela pour gagner la guerre climatique », affirme-t-il.

Comment réinventer les imaginaires du tourisme ?
Comment faire évoluer les pratiques touristiques quand la population associe le voyage aux plages de sable fin, à l’avion, à l’exostisme ? « Même si le monde évolue, nos représentation restent figées », a expliqué l’anthropologue Marie Stutzmann sur la scène de Focus tourisme. Changer la typologie de ses vacances a un goût de renoncement.
Cela s’explique par le fait que l’Homme est un bipède qui a besoin de stabilité, d’homéostasie. Le physiologiste Walter Cannon décrit homéostasie comme « l’ensemble des processus organiques qui agissent pour maintenir l’état stationnaire de l’organisme, dans sa morphologie et dans ses conditions intérieures, en dépit de perturbations extérieures ». L’Homme est donc nativement rétif au changement alors même qu’il a eu besoin de s’adapter au fil de l’Histoire pour survivre. C’est le paradoxe de l’homo-sapiens, explique Marie Stutzmann.
Il est difficile de changer les imaginaires, car ils sont inconscients, ils nous dépassent, mais il est possible de créer les conditions de leur évolution. Selon l’anthropologue, le tourisme peut investir trois territoires de valeurs : se relier et être en lien (avec soi, les siens, le territoire, les autres), une baisse de la pression sociale (avec d’autres codes culturels et la création d’un espace de liberté) et une autre relation au monde (avec un changement de temporalité, de rythme et un temps dédié à la déconnexion).
« Le futur du tourisme est un futur de déconstruction et de construction. Il émergera d’une renaissance et non pas d’un crash », a-t-elle conclu.

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