On ne parle pas la même langue des deux côtés de l’Atlantique quand il s’agit de transition énergétique. Les Etats-Unis traduisent essentiellement leur ambition dans ce domaine par les technologies de captage de carbone. Là où les pétroliers et les gaziers européens se sont diversifiés, investissant largement dans les énergies renouvelables, leurs homologues américains placent leurs dollars dans la capture et le stockage de CO2.
Historiquement, ces technologies se sont développées outre-Atlantique car les pétroliers ont utilisé le CO2 pour augmenter la quantité de pétrole extraite d’un gisement, ce qui fait dire à ses détracteurs qu’elle est surtout utilisée pour justifier le prolongement de l’extraction fossile. Des pipelines de CO2 y ont aussi été construits et des programmes de soutien publics y ont été développés. Résultat : près de la moitié des investissements mondiaux sont concentrés aux Etats-Unis (2,9 milliards de dollars en 2022, selon Bloomberg).
Capter et enfouir (ou dans certains cas réutiliser) le CO2 est vu comme un moyen rapide de faire diminuer les émissions du secteur. C’est aussi pour cela qu’il connaît un nouvel engouement parmi les majors pétrolières. « Nous avons trois contrats de captage de carbone aujourd’hui. Rien qu’avec ces trois contrats, nous pouvons éviter autant de tonnes de CO2 qu’avec le total des ventes de véhicules électriques aux Etats-Unis », a vanté, lundi, le patron d’ExxonMobil, Darren Woods, lors de son intervention sur la scène de la CERAWeek.
Le géant a mis la main, l’an dernier, sur Denbury , pour 5 milliards de dollars. Ce pétrolier a largement reconverti ses installations vers le CO2 et possède aujourd’hui le plus grand réseau de tuyaux dédiés à ce gaz aux Etats-Unis (plus de 2.000 kilomètres). ExxonMobil se positionne ainsi sur toute la chaîne de valeur.
Des technologies coûteuses
Les Européens présents aux Etats-Unis se mêlent, eux aussi, à la bataille du stockage. TotalEnergies a annoncé, lundi, l’acquisition d’une société américaine, Talos, spécialisée dans le captage et le stockage de carbone. Avec cette acquisition, le français se retrouve à la tête d’une participation de 25 % dans Bayou Bend, un grand projet de stockage sur la côte du golfe du Mexique, aux côtés de l’américain Chevron (50 %) et du norvégien Equinor (25 %).
Le CO2 capté dans la région dans les procédés d’industriels ou leurs émissions de combustion sera enfoui à plus de 1,5 kilomètre de profondeur, sous terre et sous l’eau, sur une superficie de plus de 160 kilomètres carrés en mer et 400 kilomètres carrés dans les terres, au Texas. TotalEnergies y voir surtout l’occasion de décarboner une partie de ses activités dans la région.
Reste que la technologie comporte encore un grand nombre d’interrogations. A commencer par le prix. « Nous devons trouver le moyen de faire baisser les coûts », a reconnu, lundi, Darren Woods, qui vise une division par deux du prix du captage dans les prochaines années. « Nous commençons par capter ce qu’il y a de plus simple et de moins cher, les fortes concentrations en CO2. »
Des ratés techniques
Occidental Petroleum (Oxy), qui avait investi 800 millions de dollars dans la construction de sa plus grande usine de captage, Century, l’a revendue… quatre fois moins. Après d’innombrables problèmes techniques et faute d’avoir trouvé un modèle économique viable.
Même histoire chaotique pour Petra Nova, un projet construit sur une centrale à charbon du japonais JX Nippon, à 60 kilomètres au sud de Houston. Il n’avait pas atteint ses objectifs de captage puis avait dû être arrêter à la suite de la chute de la demande pétrolière durant la crise du Covid (le CO2 capté était expédié et utilisé sur des champs de pétrole). Son propriétaire vient néanmoins de lui accorder une deuxième chance et de le remettre en service.
La technologie de captage du CO2 directement dans l’air, qui provoquait de grands espoirs il y a quelques années, s’avère aussi plus compliquée que prévu. Avec des coûts encore plus élevés : environ 400 dollars la tonne annoncés sur Stratos, le projet d’Oxy qui doit sortir de terre en 2025, contre 60 pour de la capture à la source.
ExxonMobil a indiqué en ce début de semaine avoir démarré un pilote, basé sur une nouvelle technologie, qui permettrait de capter des émissions nettement moins concentrées. Et plusieurs start-up présentes à la CERAWeek annoncent des technologies plus efficaces à un prix raisonnable. Mais le chemin est encore long.
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