Dans la sphère des cryptofans, Ledger est du genre prophète en son pays. Start-up française respectée au niveau mondial, elle sécurise 20 % des cryptos dans le monde avec ses portefeuilles numériques stockant les clés privées. Comme publicité, elle assure ne jamais avoir été piratée en dix ans de vie. Tout cela est bien, mais plus suffisant. Si l’adoption des cryptoactifs progresse en continu (de 10 à 12 % en France en 2023), elle n’offre pas une dynamique assez forte pour la licorne (valorisée 1,3 milliard d’euros lors de sa dernière levée de 100 millions en 2023) qui vise 1 milliard de chiffre d’affaires en 2025.

Elle doit donc dépasser son premier cercle de fidèles. Et pour cela, la start-up veut simplifier l’utilisation de ses clés (Nano S et X), qui demandent une certaine connaissance. C’est tout le sens de son dernier appareil, Stax, dessiné par le designer de l’iPod, Tony Fadell. Présenté fin 2022 il est enfin livré – après des retards de production – dès mardi 28 mai aux premiers clients qui l’ont précommandé. Avec son écran « e-ink », il mise sur une interface plus conviviale pour sécuriser ses cryptos. Mais la démocratisation de ces portefeuilles numériques a un prix… nettement supérieur aux 149 euros du Nano X (Ledger n’a pas souhaité le révéler).

Ne pas écouter la frange dure de sa clientèle
Ledger avait déjà fait un pas vers les utilisateurs profanes en dégainant son offre Recover en mai 2023. Cet abonnement à 10 euros par mois doit permettre aux cryptoépargnants de retrouver leur clé privée en cas de perte. Une bonne idée qui avait pourtant provoqué l’ire des clients « canal historique » qui y ont vu une atteinte à un des principes fondateurs de cet écosystème : « Not your key, not your coin. » Autrement dit, c’est à l’utilisateur de sécuriser sa clé privée et tant pis s’il la perd ! Ledger avait pris le soin de découper la clé, répartie en trois parts entre lui, Coincover et EscrowTech. C’est-à-dire que personne ne peut y avoir pleinement accès, sauf le client final.
Mais à écouter Pascal Gauthier, le dirigeant de la jeune pousse, l’avenir de Ledger dépassera les cryptos. « Avec le bitcoin, on revendique la propriété privée d’un actif numérique, eh bien je pense que ce type de technologie va s’appliquer à plein de choses, comme l’art, notre identité et même les pass keys [des codes d’identification plus sûrs que les mots de passe, NDLR], qui peuvent être stockés sur Stax. »

« Ledger est une réponse à l’IA »
Alors que les intelligences artificielles génératives commencent à faire douter de l’identité des auteurs de contenus en ligne, émerge le concept de « preuve d’humanité », soit une façon de prouver qui sont les vrais humains sur Internet. OpenAI (ChatGPT) veut y répondre avec sa société soeur Worldcoin , qui cherche à enregistrer l’iris de nos yeux. Ledger, lui, imagine se positionner sur ce créneau en sécurisant nos « signatures humaines » sur ses appareils. Pour le PDG, les cas d’usage sont multiples et « à la fin, Ledger servira à voter depuis son canapé ».

Mais alors que le smartphone a phagocyté tous les gadgets numériques, du lecteur MP3 jusqu’à l’appareil photo numérique, le grand public peut-il accepter un portefeuille numérique ? Dans le schéma inverse, Ledger n’exclut pas d’intégrer ses solutions à nos smartphones. Comme Intel dans les années 2000 pour la puissance de calcul des PC, Ledger « travaille sur l’éventualité » où il peut devenir le coeur de la sécurisation des actifs numériques des smartphones, façon « Ledger inside ». Une perspective attendue d’ici cinq ans. « On a vendu sept millions de Nano, si je peux avoir Ledger dans des milliards de smartphones, s’enthousiasme Pascal Gauthier, c’est mieux ! »

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