Détecteur de faux profils, bloqueur d’images obscènes, générateur de phrases d’accroche… En quelques années seulement, l’intelligence artificielle est devenue une alliée de taille pour les célibataires adeptes des applications de rencontres. Et elle pourrait très bientôt passer à l’étape supérieure en prenant en charge tout le processus de drague afin de dénicher le match parfait. C’est du moins ce que préfigure la fondatrice de l’application Bumble, Whitney Wolfe Herd, qui s’est prise au jeu de la prospective lors de la conférence Bloomberg Tech à San Francisco, le 9 mai dernier.

Persuadée que l’IA a le pouvoir de favoriser «  des relations plus saines et plus équitables », l’entrepreneuse américaine pense que l’avenir des rencontres en ligne passera par des concierges artificiels, chargés de discuter entre eux pour trouver le partenaire idéal à leur utilisateur. « Il existe un monde où votre dating-concierge pourrait aller draguer pour vous avec d’autres dating-concierges  », projette-t-elle.

Scanner tous les célibataires de San Francisco
En clair, les utilisateurs d’applications de rencontres se verraient attribuer des concierges personnels, entraînés à l’aide de programmes d’intelligence artificielle, qui sortiraient ensuite avec les concierges de centaines d’autres utilisateurs pour déterminer leur compatibilité. L’IA passerait ainsi tous les premiers rendez-vous numériques pour faire gagner du temps aux célibataires en quête du grand amour. « Vous n’aurez pas besoin de parler à 600 personnes. [Le concierge] pourrait scanner tout San Francisco pour vous et vous dire : ‘‘Voici les trois personnes que vous devriez vraiment rencontrer’’ », exemplifie la fondatrice de Bumble.
Un scénario qui n’est pas sans rappeler l’épisode « Hang the DJ » de la série Black Mirror, où les relations amoureuses sont régies par une application capable de déterminer le taux de compatibilité et la durée de vie d’un couple. Loin d’y voir une dystopie, la fondatrice de Bumble dit au contraire vouloir tabler sur l’IA pour combattre la solitude. « Je pense qu’il y a quelque chose de très puissant dans la technologie que nous construisons pour nous connecter, […] en ligne [et] en dehors. Et cela sera absolument essentiel pour la prochaine génération, la génération actuelle, et pour nous rapprocher les uns des autres », avance Whitney Wolfe Herd.

Dating fatigue
De quoi donner, aussi, un nouveau souffle aux applis de rencontres à l’heure où leurs adeptes se disent de plus en plus lassés du swiping et des autres règles qui régissent ces plateformes. « Envoyer un message à 70 correspondants est épuisant, reconnaît la fondatrice de Bumble, application où ce sont les femmes qui font le premier pas. Les femmes ont déjà tellement de travail chaque jour. […] Elles nous ont dit que les rencontres étaient éreintantes ».
Pour contrer ce vent de dating fatigue, Bumble n’est pas la seule entreprise à miser sur l’IA. La plateforme YourMove.AI, avec ses quelque 250 000 utilisateurs, s’est spécialisée dans la rédaction de messages et l’évaluation de profils à l’aide de l’intelligence artificielle. Un autre outil, baptisé Amori, se sert de l’IA pour analyser l’historique complet des discussions d’utilisateurs sur WhatsApp ou iMessage afin de classer la relation qu’ils entretiennent avec un de leur correspondant et déterminer leur compatibilité. D’autres applications vont encore plus loin, comme DNA Romance, qui utilise l’intelligence artificielle pour supposément prédire l’alchimie entre deux personnes sur la base de leur génétique.

Les biais algorithmiques
Mais que reste-t-il de l’authenticité dans cette automatisation des relations ? Pour Kathryn Coduto, professeure adjointe en sciences des médias au département de communication de l’Université de Boston, « l’IA n’aide pas à avoir une conversation réelle ». « Si vous communiquez uniquement via l’IA ou si vous êtes réellement assisté par l’IA, je pense vraiment que cela pourrait être une forme de catfish [autrement dit d’usurpation d’identité numérique, ndlr] », juge-t-elle dans les colonnes du site d’information canadien CBC News. Car le dating-concierge n’est en réalité qu’un avatar incarnant une image parcellaire de l’utilisateur qu’il est censé représenter. Difficile de savoir si l’IA sera capable de saisir toutes les nuances de la personnalité de cet utilisateur.  
Difficile aussi d’imaginer fonder une relation sur des algorithmes que l’on sait biaisés. « Au fond, ce que [les applications de rencontres] nous vendent, c’est l’idée qu’avec les algorithmes c’est la science qui nous mène vers une rencontre, alors que les algorithmes sont construits sur des codes sociaux, sur des stéréotypes de genre dont certains ont été construits près de deux siècles auparavant », décrypte la docteure en histoire contemporaine Claire-Lise Gaillard dans un entretien accordé à Usbek & Rica en janvier dernier.

Reste désormais à voir si les utilisateurs d’applications de rencontres passeront le cap de l’automatisation de leur recherche de l’amour. En France, une personne sur trois utilisant une autre application, Happn, a déjà fait appel à une intelligence artificielle pour draguer en ligne, selon un sondage relayé par le journal Libération. Et pas moins de 64 % des personnes interrogées se disent prêtes à sauter le pas.

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