Voici un exemple de scénario type imaginé par Pascal Kotte, un spécialiste suisse de ces questions : vous demandez à Google Duplex de vous réserver une table dans un restaurant qui fait des pizzas pour demain.  L’assistant vocal va alors vous demander avec qui et pour quelle heure. Vous lui répondrez : « avec Michel et François, je ne sais pas pour l’heure, valide avec les autres ». L’assistant vocal va alors connecter les deux comptes Google de vos deux amis et valider les disponibilités, localisations prévues, trajets retours évalués avec le trafic, et va décider d’une heure ad-hoc, et directement réserver cela dans les trois agendas.
Magique, ne trouvez-vous pas ?!
 
Ce que fait Google dans ce scénario est à portée très lucrative. En effet, c’est Google qui va décider d’un lieu approprié et sélectionner les restaurants qui font des pizzas selon un algorithme magique dont seule la firme a le secret. Pour que l’algorithme fonctionne bien, il faut que Google ait capturé le maximum d’informations sur les restaurants que vous fréquentez, sur vos goûts, ceux de vos amis, etc. Le choix du restaurant est fait par Google en combinant sa pertinence avec vos goûts d’une part, et l’intérêt commercial de la firme et les liens qu’elle entretient avec tel ou tel restaurant, d’autre part.
 
On parle ici de restaurant et d’un scénario qui verra le jour vraisemblablement dans les deux ans qui viennent. Mais Google ne compte bien sûr pas cantonner son service hautement sophistiqué au secteur des restaurants. Tous les secteurs d’activité vont y passer. Vous voulez un teeshirt, un livre, une voiture, un service comptable, un appartement, tout est possible. Google sait tout de vous et vous orientera vers une solution, sa solution.
Les accords commerciaux qu’aura pu établir Google avec ces restaurants, coiffeurs ou agents immobiliers, alléchés par l’idée de payer pour faire affluer les clients, entraîneront des gains qui se chiffreront en milliards de dollars. Nous l’aurons bien voulu en abandonnant notre liberté de choix à une IA certes sympathique, conviviale, qui parle si bien, mais qui cherche avant tout à satisfaire ses propres intérêts.
 
Google habitue le public à l’immixtion des IA dans la vie quotidienne. Des IA qui ne peuvent fonctionner sans une foule considérable de données personnelles, acquises toujours avec beaucoup de sourires et de services sympathiques. L’idée sous-jacente est d’occuper tous les espaces pour orienter nos choix, créer nos besoins, susciter nos désirs, nous simplifier la vie et nous rendre en fin de compte de plus en plus addictifs. Alors, avec Google, nous serons peut-être tous encore un peu plus gogols. Car après avoir soulagé les efforts physiques et les tâches pénibles, la révolution numérique entreprend de soulager nos efforts mentaux. Il est vrai, comme disait Jean-Paul Sartre, que « réfléchir, ça fait mal aux os du cerveau ». Surtout quand il s’agit d’appeler son coiffeur…

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