En quoi consiste un impôt mondial minimum ?
Comme son nom l’indique, instaurer un impôt minimum sur les sociétés à l’échelle mondiale reviendrait à ce que tous les pays du monde – ou à défaut, l’immense majorité d’entre eux – se mettent d’accord sur un taux minimum d’imposition sur les entreprises. 

Avec ce nouveau système, « chaque pays garderait son droit souverain à fixer le taux de prélèvement qu’il souhaite, mais, si celui-ci est inférieur à l’impôt minimum mondial, d’autres se chargeront d’encaisser à sa place le manque à gagner fiscal  », résume Le Monde. Dit autrement : les États récupéreraient alors la différence entre l’impôt facturé à l’étranger par leurs entreprises nationales et celui qu’elles auraient dû acquitter sur leur sol. Un casse-tête de surveillance fiscale en perspective ? Sans doute, mais « au lieu de rivaliser à qui baissera le plus ses taux d’impôt, les pays en viendraient à se faire concurrence en augmentant les dépenses publiques d’infrastructures, en investissant dans l’accès à l’éducation et en finançant la recherche », veut croire Gabriel Zucman, professeur à l’université de Berkeley et co-auteur, avec Emmanuel Saez, du Triomphe de l’injustice (Seuil, 2019), dans lequel il appelait de ses vœux la mise en place de la mesure. 

Définir un taux d’imposition minimum commun à tous les pays permettrait également d’harmoniser des règles fiscales qui n’ont cessé d’être assouplies depuis des décennies. Selon le think tank américain Tax Foundation, le taux moyen d’imposition sur les sociétés (IS) est tombé sous la barre des 24 % en 2020, alors qu’il était de plus de 40 % en 1980.

À quel niveau le seuil sera-t-il situé ?
Reste évidemment à savoir à quel niveau situer le seuil de cet impôt minimum. Sur ce point, la question est loin d’être tranchée. Si le commissaire européen au marché intérieur Thierry Breton a salué la proposition américaine de fixer le plancher à 21 %, le chiffre ne fait pas consensus. La France, dont le taux d’imposition doit être abaissé à 25 % à l’horizon 2022, plaidait jusque-là pour un taux minimum global d’impôt sur les bénéfices de 12,5 %, qui correspond par exemple à celui en place en Irlande. Plus généralement, beaucoup de pays de l’Union européenne qui se présentent – plus ou moins ouvertement – comme des paradis fiscaux affichent des taux inférieurs à ces 21 % : Hongrie, Lituanie, Slovénie…

De leur côté, les économistes Emmanuel Saez et Gabriel Zucman suggéraient dans le Le Triomphe de l’injustice de fixer à ce seuil à 25 %. « Si les pays du G20 imposaient demain un taux plancher de 25 % à leurs multinationales, 90 % des bénéfices mondiaux seraient aussitôt effectivement taxés à 25 % ou plus  », expliquaient-ils alors. Et cela conduirait « à rendre caduque le modèle de développement des paradis fiscaux », assure aujourd’hui Gabriel Zucman.

Pourquoi l’administration Biden est-elle en faveur de cette mesure ?
Outre-Atlantique, on s’en doute, l’idée n’est pas tout à fait désintéressée puisque, comme le rappelle l’agence Reuters, ce projet de réforme est l’un des piliers du plan de rénovation des infrastructures américaine – fixé à 2 000 milliards de dollars. Pour pouvoir le financer, Joe Biden souhaite relever le taux de son propre impôt national sur les sociétés à 28 % (contre 21 % actuellement), tout en supprimant certaines déductions associées aux bénéfices réalisés à l’étranger. Craignant que ces mesures n’incitent les firmes américaines à délocaliser leurs profits pour éviter une taxation plus élevée, l’administration Biden propose donc une sorte de « compromis » aux autres pays.

« Le risque est que le taux minimum de 21 % proposé par les Etats-Unis soit finalement réduit à un taux beaucoup plus faible suite aux pressions des paradis fiscaux »
Arnaud Zacharie, secrétaire général du Centre national de coopération au développement (Belgique), sur son blog

Un compromis qui, de fait, est assez éloigné du positionnement de l’OCDE.  En octobre 2020, suite à des discussions menées avec pas moins de 135 pays, l’institution suggérait, de son côté, l’instauration d’un taux d’impôt minimum mondial de 12,5 % sur les profits de 2 300 « entreprises numériques et de grande consommation », GAFA en tête. Rien à voir, donc, avec la proposition américaine, qui concernerait quant à elle toutes les entreprises, quel que soit leur secteur d’activité. 

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