Dirigé depuis vingt ans par Peter Wennink, un ancien comptable venu de Deloitte, ASML fabrique des équipements de production de puces par lithographie pour les grands fondeurs comme Intel, Samsung ou le taïwanais TSMC. Ses machines utilisent des sources de lumière pour graver des circuits intégrés sur des plaquettes de silicium.

C’est grâce à elles que l’industrie des semi-conducteurs a réussi à respecter depuis près de cinquante ans la célèbre loi de Moore, en doublant tous les deux ans le nombre de transistors présents sur une puce. Le Néerlandais n’est pas le seul à fabriquer ces machines. Canon et Nikon en fournissent aussi. Mais ASML détient une part de marché de plus de 80 % sur les machines classiques.

Surtout, l’entreprise est le seul industriel de la planète à avoir construit des équipements utilisant la lumière de « l’extrême ultra-violet » (EUV) , permettant d’atteindre une finesse de gravure des puces allant aujourd’hui jusqu’à 5 ou 7 nanomètres.

On parle, grosso modo, de tirer une flèche de la terre à la lune en visant une pomme. Il a fallu vingt ans de R&D à ASML et environ 10 milliards d’euros d’investissements pour atteindre cet objectif. Un effort comparable à celui du projet spatial Apollo.

Le plus gros exportateur des Pays-Bas
Aujourd’hui, ASML est le plus gros exportateur des Pays-Bas. Mais la société, fondée en 1984 par Philips et un partenaire local, a plusieurs fois frôlé la faillite. En 1986, le marché d’ASML s’effondre de moitié et trois des dix acteurs mondiaux abandonnent la partie. La petite entreprise de 360 salariés n’est pas prise au sérieux par les grands acteurs américains de l’époque.

Elle a bien sûr placé des machines chez Philips mais doit mendier des subventions auprès de la Haye et Bruxelles pour survivre. C’est un contrat de 25 machines avec le fabricant de puces AMD qui la sauve de justesse en 1987. Mais en interne, des salariés font jouer la clause permettant de revenir chez Philips.

A cette époque, Canon et Nikon détiennent 70 % du marché des équipements de lithographie. Forts de leurs compétences dans les lentilles, ils ont fusillé les acteurs américains en place comme GCA. Les semi-conducteurs sont alors considérés comme un enjeu national au Japon et NEC n’a pas hésité à laisser Nikon démonter une machine de GCA pour en comprendre le fonctionnement.

La perte d’IBM
L’année 1989 marque néanmoins un tournant. ASML réussit à gagner de l’argent grâce à un incendie dans une fab taïwanaise de TSMC. 17 nouvelles machines sont commandées dans l’urgence. ASML détient alors 15 % du marché mondial.

Nouvelle crise en 1993. Le Néerlandais perd IBM, son seul gros client américain, à la suite de l’arrivée de Lou Gerstner aux manettes. Les autres grands de l’époque, Texas Instruments, Motorola, Intel ou Samsung, snobent ASML, qui ne vit que de commandes d’acteurs de second rang comme AMD, Micron ou TSMC. Mais les choses basculent à l’automne quand le géant coréen finit par s’intéresser à ASML après avoir observé ses machines chez Micron.

Des objets volaient dans la salle
Le choc culturel est violent. « Quand les Asiatiques n’obtenaient pas satisfaction, cela devenait parfois physique et des objets commençaient à voler dans la salle. On racontait aussi que si les ingénieurs néerlandais l’ouvraient trop, on leur prenait leurs passeports et ils avaient interdiction de quitter le complexe », écrit le journaliste René Raaijmakers, dans un ouvrage de référence sur l’entreprise*.

En 1995, fort de quelques trimestres de profits, ASML entre en Bourse. La société rembourse ses dettes et investit à tour de bras. Au début des années 2000, elle lance deux technologies clés, Twinscan et la lithographie par immersion (on met de l’eau entre la source de lumière et la plaquette de silicium), qui lui permettent d’améliorer nettement la productivité et la finesse de gravure de ses machines. Le rapport de force avec les Japonais se met à basculer.

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