Quoi de mieux pour repartir du bon pied, après un sévère revers électoral, que de pouvoir annoncer la création de 4500 emplois dans l’industrie automobile d’ici 2030 ? Emmanuel Macron était ce lundi matin dans l’usine Renault de Douai (Nord) en compagnie de Luca de Meo, le patron du constructeur au losange, et de Lei Zhang, le PDG du groupe Envision, géant chinois des énergies renouvelables, pour annoncer un accord d’envergure entre les deux firmes. L’entreprise sino-japonaise AESC, ex-filiale de Nissan rachetée en 2018 par Envision, va en effet investir 2 milliards d’euros pour construire, à partir de 2022, un site de production de cellules de batterie.  

Celui-ci sera situé sur un terrain jouxtant l’usine Renault et sera chargé de l’alimenter en continu. A la clé, la création de 2500 emplois d’ici 2030. Renault a profité de l’occasion pour dévoiler un deuxième partenariat d’envergure, avec la start up française Verkor dont il va acquérir 20% du capital, et à qui il confiera la production de ses batteries haute performance. Un rapprochement qui pourrait engendrer 2000 emplois en 2030. 

Pourquoi ces partenariats pourraient être décisifs pour Renault ?

Bien avant que l’électrique ne s’impose comme le nouveau phare de l’industrie automobile, le Renault de l’ère Ghosn avait deviné le potentiel gigantesque de cette technologie, et misé plusieurs milliards d’euros dessus. Ce qui avait permis à l’ancienne régie de lancer dès 2013 l’un des tout premiers véhicules entièrement électriques de grande série, la Zoé. Une petite citadine qui continue de faire les beaux jours des concessionnaires au losange. Mais le groupe de Boulogne Billancourt a malheureusement dilapidé en grande partie cette belle avance. “Les investissements se sont taris dans les dernières années du règne de l’ancien PDG Carlos Ghosn, alors même que nos concurrents se sont mis à dépenser sans compter, et nous avons peut-être aussi cessé de croire que Renault pouvait être le leader de l’électrique”, explique un haut cadre.  

Les 2 milliards d’euros que prévoit d’investir Envision pour construire une “gigafactory” dotée d’une capacité de 24 GWh, à horizon 2030, devraient donc permettre au groupe au losange de reprendre sa marche en avant dans l’électrique. A terme, cette usine de batterie permettra d’équiper entre 400 000 et 500 000 voitures par an. Les premiers coups de pelle sont attendus pour 2022, pour une première phase de 9 GWh qui entrera en production dès 2024. A cette date, l’usine emploiera 1.000 personnes. “Renault Group signe un partenariat stratégique (…) afin de produire des batteries de dernière technologie, bas carbone, compétitives en termes de coûts, et rendre ainsi la mobilité électrique plus accessible en Europe”, a souligné par voie de communiqué le patron de la firme au losange, Luca de Meo. L’autre partenariat, avec la start up française Verkor, permettra à Renault de co-développer des batteries haute performance. Ces dernières équiperont les véhicules haut de gamme du constructeur, qui souhaite faire de la jeune pousse un fournisseur de premier plan. Si elle ne possède aujourd’hui aucun site de production, la start up a annoncé vouloir construire un centre d’innovation en Auvergne-Rhône-Alpes en 2023, puis une “gigafactory” d’une capacité de 16 GWh -opérationnelle dès 2026- dont 10 réservés à Renault. Le lieu n’a pas encore été dévoilé. 

Les Hauts-de-France, futur grand pôle électrique tricolore ?

C’est bien ce qui se dessine en tout cas. La région, qui voit ses usines fermer les unes après les autres depuis des décennies, semble tenir là un vrai motif d’espoir pour endiguer la terrible spirale de la désindustrialisation. Selon l’Insee, l’industrie locale a en effet perdu plus d’un quart de ses effectifs sur les seules dix dernières années. La future usine d’Envision sera le deuxième projet majeur de batteries dans la région après celui d’Automotive Cells Company (ACC), coentreprise entre Total-Saft et Stellantis (ex PSA et Fiat Chrysler). Surtout, le groupe au losange a décidé d’implanter dans la région un pôle dédié à l’assemblage de véhicules électriques, qui pourrait employer à terme jusqu’à 8500 salariés. Il souhaite notamment y produire des citadines électriques d’entrée de gamme, facturées moins de 20.000 euros. Reste que la France est loin d’être la locomotive européenne en matière de batteries électriques. Sur la trentaine de projets de gigafactories lancés en Europe, seuls trois seront édifiés dans l’hexagone, alors qu’une dizaine devraient essaimés en Allemagne.  

Cette double annonce sonne-t-elle le glas de l’alliance européenne des batteries électriques ?

Pour ceux qui n’auraient pas encore saisi le peu d’intérêt que porte l’ancienne régie au fameux projet d’Airbus de la batterie, il suffit de lire le communiqué de presse annonçant les partenariats avec Envision et Verkor. Une seule petite ligne, quasiment à la fin du communiqué, vient évoquer l’Alliance. “Parallèlement, les discussions se poursuivent avec ACC (Automotive Cells Compagny) pour éventuellement compléter cet écosystème à partir de 2027”. Tout est dans le “éventuellement”. Car le constructeur au losange ne s’en cache guère, ce nouvel Airbus initié par Total-Saft et Stellantis ne le fait pas vibrer. 

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