Ce dimanche 27 juin, c’est la Journée de la fleur française, organisée par le Collectif de la fleur française. Cet événement, qui vise à sensibiliser le grand public aux enjeux environnementaux de la filière florale nationale, s’inscrit dans le mouvement Slow Flower, défendu par de plus en plus de fleuristes en France. À l’heure où 85 % des fleurs vendues en France viennent des Pays-Bas, nous sommes partis à la rencontre de ces fleuristes qui se mobilisent pour promouvoir une production locale et plus respectueuse de l’environnement.

Rungis, jeudi 24 juin, 5h24. Le soleil n’a pas encore pointé le bout de son nez derrière les entrepôts gigantesques qu’Audrey s’active déjà. Cette ancienne acheteuse de fromage pour la restauration, reconvertie dans la fleuristerie en 2017, a de quoi faire en cette fraîche matinée d’été. Pivoines, roses, lavande et fleurettes l’attendent à l’intérieur d’un hall immense regroupant les producteurs et grossistes de fleurs venues de France et d’ailleurs. Chariot à deux étages au bout d’une main, téléphone dans l’autre, c’est d’un pas décidé qu’elle passe les portiques du grand hangar où sont exposées les fleurs depuis 3 heures du matin. « Là, c’est vraiment une des meilleures saisons », s’enthousiasme-t-elle. « Il y a énormément de fleurs différentes et des nouveautés presque toutes les semaines ». La difficulté n’est pas de choisir les fleurs qu’elle souhaite vendre dans sa boutique, mais plutôt de ne pas en prendre trop. « C’est difficile de ne pas craquer quand on adore les fleurs », rigole-t-elle.

Tous les mardis ou jeudis, Audrey vient s’approvisionner à Rungis, alternant d’une semaine à l’autre avec sa collègue, Mathilde, avec qui elle a ouvert deux boutiques de fleurs, nommées Désirée, dans le 11e et le 19earrondissements de Paris. Trois fois par semaine, c’est directement à la boutique qu’elles se font livrer. Mais pour Audrey, c’est bien à Rungis que tout se joue. C’est ici qu’elle a tissé des liens avec les producteurs de fleurs françaises, et particulièrement d’Île-de-France. Ici aussi qu’elle a rencontré Boucreux, « le plus grand rosiériste de France », Delétoille, avec son « exploitation incroyable », ou encore la famille Brossard et ses « merveilleux pois de senteur ».

Les bouquets qu’elle propose passent d’abord entre les mains d’un horticulteur, puis de grossistes, avant de finir entre celles des fleuristes. Un protocole qu’elle regrette de ne pas voir généralisé. « Aujourd’hui, plein de fleuristes ne fonctionnent que par livraison, en commandant derrière leur ordinateur », explique-t-elle. Et pour cause : « 60 % des sociétés de fleuristes sont unipersonnelles », rappelle Audrey. Autrement dit, ces boutiques sont tenues par une seule personne, qui ne peut pas à la fois se rendre à Rungis, réceptionner les commandes et accueillir les clients. 

À cette perte de lien avec les producteurs s’ajoute la baisse flagrante de la production de fleurs à l’échelle nationale. Aujourd’hui, environ 85 % des fleurs coupées achetées en France sont importées. Une réalité qui s’incarne dans les couloirs de Rungis : « Toutes les fleurs présentées dans des bacs beiges sont hollandaises. Toutes celles qui sont dans des bacs noirs sont françaises. On se rend assez vite compte de la proportion 85 % – 15 % », observe Audrey.

Vente de fleurs étrangères, reconnaissables aux bacs beiges dans lesquelles elles sont présentées © Emilie Echaroux
Dans l’entrepôt rempli de fleurs aux mille couleurs, seule une allée est encore occupée par des producteurs français. Une allée de plus en plus rongée, comme le reste du hangar, par des boutiques intérieures qu’Audrey juge contraires à l’âme du commerce entre horticulteurs et fleuristes. « C’est une question de sous : les patrons de Rungis ne veulent plus avoir à tout climatiser et font payer les producteurs en les mettant dans ces boutiques », s’indigne-t-elle. Un coût qui s’ajoute à celui de l’emplacement, déjà onéreux.

Pour Audrey, la filière de la fleur française est menacée par cette recherche constante de rentabilité et par la performance logistique des Hollandais, qui surpasse celle des Français, mais dont l’impact écologique est important. La jeune femme prône une consommation plus réfléchie des fleurs en France, en accord avec la saisonnalité et la localité, et une sensibilisation aux enjeux écologiques auxquels est confrontée la filière. Une conception qui s’inscrit dans le mouvement Slow Flower, apparu officiellement en France en 2017 avec la création du Collectif de la fleur française et la société Fleurs d’Ici.

 « 50 % des producteurs de fleurs françaises ont disparu ces dix dernières années »
Audrey, gérante de la boutique Désirée

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