C’est une décision sans précédent. Ce jeudi 1er juillet, le Conseil d’Etat a donné neuf mois à l’Etat pour prendre des mesures supplémentaires afin d’atteindre l’objectif de baisse de 40 % des émissions de gaz à effet de serre d’ici à 2030. La plus haute juridiction administrative française, saisie par la commune de Grande-Synthe (Nord), qui s’estime menacée par la montée du niveau de la mer, a relevé que les trajectoires actuelles de la France ne lui permettent pas de respecter ses engagements dans le cadre de l’accord de Paris.

Elle ordonne donc « au Premier ministre de prendre toutes mesures utiles permettant d’infléchir la courbe des émissions de gaz à effet de serre […] afin d’assurer sa compatibilité avec les objectifs » de la France d’ici au 31 mars, délai qui expirera donc en pleine campagne pour la présidentielle.
Il reviendra ensuite aux magistrats de « décider si tout va bien ou s’il convient de poursuivre » : « si les mesures sont toujours insuffisantes », le Conseil aura la possibilité de prononcer une astreinte financière. Un processus assez long qui n’aboutira toutefois pas avant le scrutin présidentiel, mais devrait alimenter le débat sur le bilan contesté d’Emmanuel Macron en matière de lutte contre le réchauffement climatique.

Cette décision, inédite en France, intervient juste après que le Haut Conseil pour le Climat (HCC) a estimé une nouvelle fois mardi dans son rapport annuel que « les efforts actuels sont insuffisants pour garantir l’atteinte des objectifs » de la France. Malgré une baisse des émissions de 1,9 % en 2019 et de 9,2 % estimée pour 2020, chiffre exceptionnel dû à la mise à l’arrêt de l’économie par la pandémie de Covid-19.
La trajectoire sera d’autant plus difficile à respecter que l’Union européenne s’apprête à revoir à la hausse ses objectifs avec des répercussions attendues pour la France, souligne le HCC, organisme indépendant créé par Emmanuel Macron pour évaluer la politique climatique du pays. Un « constat pas vraiment contesté par le gouvernement lui-même », relève-t-on au Conseil d’Etat.

L’exécutif travaille « pour muscler les objectifs français »

Matignon et le ministère de la Transition écologique avaient d’ailleurs indiqué en début de semaine lors de la publication du rapport du HCC que le gouvernement travaillait « pour muscler les objectifs français », envisageant l’annonce après l’été d’éventuelles « mesures complémentaires de façon à tenir nos ambitions ».

En novembre, dans une précédente étape du procès, le Conseil d’Etat avait donné trois mois au gouvernement pour justifier de ses actions.
« Le réchauffement climatique va beaucoup trop vite, toutes les espèces ne pourront pas s’adapter »
La réponse s’appuyait notamment sur les effets attendus de la loi « climat et résilience » actuellement en discussion au Parlement et sur une étude commandée au cabinet Boston Consulting Group (BCG), qui jugeait en février « globalement à la hauteur » des objectifs les mesures engagées depuis le début du quinquennat.

Les contentieux juridiques sur le climat se multiplient

« Nous serons au rendez-vous pour veiller à ce que la décision soit effectivement appliquée », avait prévenu de son côté Guillaume Hannotin, avocat des quatre ONG de « l’Affaire du siècle », autre procédure contre l’Etat, qui s’étaient jointes au dossier Grande-Synthe.
Nouvelle stratégie des militants écologistes, les contentieux juridiques sur le climat se sont multipliés ces dernières années et les premières décisions en la matière tombent depuis quelques mois, au détriment de l’Etat.
Même mouvement à l’étranger, où les justices néerlandaise et allemande ont elles aussi récemment ordonné un relèvement des ambitions climatiques de leur Etat respectif.

Lire l’article complet sur : www.nouvelobs.com