A l’origine liée aux services de renseignement, la société américaine à la réputation sulfureuse génère désormais la moitié de ses revenus dans le secteur privé. Son PDG, Alex Karp, lève un coin du voile sur le fonctionnement de son algorithme, alors que la DGSI a passé un appel d’offres visant à le remplacer.

Publié le 2 févr. 2023

« Bad times are good for Palantir… » De l’aveu même de son PDG, Alex Karp, la société américaine de Big Data ne se porte jamais aussi bien qu’en temps de crise. La discrète firme, cofondée par le milliardaire Peter Thiel (aujourd’hui président du conseil) et cotée à Wall Street depuis 2020, a passé le cap du milliard de dollars de revenus à la faveur de la pandémie, durant laquelle les Etats-Unis et le Royaume-Uni ont fait appel à ses services pour fluidifier l’organisation sanitaire.
L’an dernier, c’est avec la guerre en Ukraine que la société a mis à profit son logiciel nourri à l’intelligence artificielle (IA). « Je ne suis pas autorisé à commenter ce sujet », nous prévient Alex Karp tout en nous renvoyant vers un article du « Washington Post » arguant que Palantir a donné un avantage technologique décisif aux forces ukrainiennes. A partir d’une carte interactive donnant en temps réel l’emplacement probable des troupes russes (grâce à un savant mélange de données issues de satellites commerciaux, de drones de reconnaissance, de capteurs de chaleur et d’informations d’espions sur le terrain), l’armée aurait ainsi pu commander des frappes plus rapides et précises.

Toujours au coeur des services secrets français
Né aux Etats-Unis au lendemain du 11 septembre, Palantir est originellement lié aux services de renseignement. Financé dès ses débuts par In-Q-Tel, le fonds d’investissement de la CIA – sortie récemment du capital après en avoir possédé quelques pourcents -, la start-up comptait d’abord exclusivement comme clients des agences gouvernementales : CIA, FBI, NSA, armée américaine… Et, depuis 2016, la DGSI, « faute de solution française disponible ». Les services de renseignement de l’Hexagone ont de nouveau choisi cette option étrangère en 2019, au risque de faire grincer des dents. « La partie ‘visualisation sur écran’ de Palantir est bluffante, certes, mais quand on regarde dans le moteur, il n’y a plus rien d’exceptionnel, on le ferait aussi bien de manière plus souveraine, avec des industriels français », affirme une source bien au fait de ces questions, alors que l’appel d’offres visant à lui trouver un remplaçant est de nouveau en jeu.
« Si la France trouve mieux que Palantir, God bless them ! » rétorque Alex Karp, qui affirme assurer ce contrat « peu rémunérateur » (à 10 millions pour cinq ans) surtout « par amitié » pour le pays. L’homme d’affaires, qui cultive un look de savant lunatique et tient à son titre de Docteur en philosophie, se refuse à l’inverse à travailler avec la Chine et la Russie, estimant que le monde se dirige vers un affrontement Ouest-Chine et qu’il « faut se préparer ».

Le secteur privé, 50 % du chiffre d’affaires
En parallèle de cette fibre patriotique, la firme située à Denver s’est peu à peu tournée vers le secteur privé, qui représente aujourd’hui la moitié de son chiffre d’affaires, avec 228 clients au total. Cette activité « croît à un rythme fou », notamment aux Etats-Unis, précise le PDG. En France, son plus gros contrat reste celui conclu avec Airbus, mais la société a fait progressivement une percée dans le secteur automobile en signant avec Fiat Chrysler, l’équipementier Faurecia et, récemment, tout le groupe Stellantis.
Le logiciel Foundry, tel qu’il a été baptisé, permet d’agglomérer des sources de données très différentes venant de tous les services de l’entreprise, voire de ses fournisseurs et clients, et de les exploiter pour améliorer les opérations. « Par exemple, en période de crise des composants électroniques, cela permet de voir quel composant va dans quel produit, d’optimiser pour vendre des véhicules là où le marché en a besoin, d’intégrer des données commerciales… Cette vision holistique globale, qui permet aussi d’anticiper en faisant tourner des scénarios, n’est possible qu’avec le logiciel de Palantir », affirme Fabrice Brégier, ancien numéro deux d’Airbus et désormais à la tête de la filiale française de la société.
L’autre grande force du logiciel, « développé à partir de code open source », est de faire remonter ces informations sur une plateforme « facile à prendre en main par les opérationnels qui n’y connaissent rien en data », ajoute le directeur.

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