En dépit d’épreuves en série, Carmat est en passe de réussir sa transformation industrielle à la fin 2023. Comme prévu, la société cotée atteindra sur son site de Bois-d’Arcy, dans les Yvelines, une capacité de production annuelle de 500 coeurs artificiels pour répondre à la forte demande de patients souffrant d’insuffisance cardiaque biventriculaire à un stade avancé. En flux financier tendu : après avoir levé l’an dernier 72 millions d’euros en deux temps, Carmat sera à court de cash début novembre.

« Nous travaillons sur toutes les options de refinancement possibles avec nos investisseurs historiques, qui sont d’un fort support. Et nous ne perdons pas le doux espoir de convaincre les pouvoirs publics et les fonds gérés par Bercy et Bpifrance », confie Stéphane Piat, directeur général de Carmat. « On est conscient qu’avec la crise actuelle des marchés et la frilosité des investisseurs en santé il nous faut leur promettre des avancées tangibles à une échéance de six mois et pas de deux ans, pointe-t-il. Notre objectif est de lever assez d’argent pour avancer sereinement, on l’a fait à très bas coût. »

Huit nouveaux pays
Après avoir suspendu les implantations de décembre 2021 à octobre 2022 pour régler des problèmes qualitatifs de sous-traitance, Carmat a fait face au premier semestre à des difficultés d’approvisionnements. « Nous avons 200 fournisseurs et avons toujours privilégié les sociétés françaises, dont certaines ont fait faillite, notamment dans les petits composants », précise-t-il.
Pour sécuriser sa chaîne d’approvisionnement, l’entreprise a conclu en juin un accord avec le français Vygon sur les conduits de connexion du coeur artificiel aux artères du patient, et a renforcé son partenariat avec le suisse MPS pour le groupe motopompe.

« On ne contrôle pas le rythme d’adoption de la technologie, car il y a aussi une inertie des systèmes de santé en Europe », souligne Stéphane Piat, directeur général de Carmat.Carmat

Ces déboires ont pesé sur le chiffre d’affaires de Carmat au premier semestre, qui atteint 600.000 euros, soit la vente de trois coeurs Aeson. Avec un prévisionnel de 4 à 6 millions d’euros au second semestre, son objectif initial de 10 à 13 millions en 2023 n’est pas atteignable. « Mais nous visons toujours le seuil de rentabilité à l’horizon 2027. On n’a jamais été aussi prêt à l’action et aussi proche du point d’inflexion », assure Stéphane Piat.
Pour accélérer l’étude clinique Eficas en France, qui doit inclure 52 patients, Carmat l’ouvre à quatre nouveaux centres : l’hôpital Marie-Lannelongue (au Plessis-Robinson, dans les Hauts-de-Seine) et les CHU de Nantes, Bordeaux et Dijon. Ils vont prêter main-forte aux six premiers : la Pitié-Salpêtrière, à Paris, l’hôpital européen Georges-Pompidou, les CHU de Lille, Rennes, Lyon et Strasbourg. « Cet été, nous avons sélectionné 20 patients, dont trois doivent être traités rapidement. Mais il y a un manque de ressources dans les hôpitaux français et on comprend qu’ils ont besoin de plus de temps », relativise-t-il.

Sur le plan commercial, après avoir concentré ses efforts sur l’Allemagne et l’Italie, Carmat va couvrir huit autres pays : Arabie saoudite, Autriche, Croatie, Grèce, Israël, Serbie, Slovénie et Suisse. « On ne contrôle pas le rythme d’adoption de la technologie, car il y a aussi une inertie des systèmes de santé en Europe », souligne Stéphane Piat.

En avril, Carmat a obtenu 13,2 millions du plan France 2030 sur la période 2023-2026 – dont 3,3 perçus – pour soutenir le doublement de sa capacité de production à 1.000 coeurs Aeson d’ici à cinq ans. Reste que cette aide de l’Etat n’est pas à la hauteur de l’enjeu de souveraineté nationale qui se joue pour la cardiologie du futur.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr