Sept ans de travail pour une première mondiale : la transparisation (le fait de rendre transparent) d’un œil humain entier. Ce travail, tout juste publié dans la revue Communications Biology, est une collaboration franco-suisse entre, d’une part, Marie Darche, une ingénieure de recherche et membre de l’équipe du Pr Michel Paques à l’hôpital des Quinze-Vingts et à l’institut de la vision (Paris), et d’autre part ses collègues de l’institut Wyss (Genève).

Rendre un organe transparent
Si les seconds se sont eux occupé du versant imagerie du projet grâce à un dispositif optique particulier, un microscope à feuillet de lumière (MesoSPIM), la biologiste s’est, elle, attaquée au versant “clearing”, c’est-à-dire les étapes de transparisation permettant de transformer un échantillon biologique initialement opaque en une structure transparente. Comment ? Par différentes manipulations reposant sur une succession de bains dans des solvants organiques associées au marquage par des anticorps fluorescents. 
Tout commence forcément avec des dons d’yeux, issus ici de donneurs américains morts, la législation française ne permettant pas ce type précis de dons (la banque française des yeux ne s’occupe que des cornées et pas d’œil entier). En pratique, toujours de petites sphères de six centimètres cube de volume, dont on ne soupçonne pas l’extraordinaire complexité ni l’hétérogénéité en lien avec les différentes couches de cellules, vaisseaux, nerfs, cellules immunitaires…

“A la fois trop fragile, trop solide et trop pigmenté, l’œil est en fait l’organe le plus résistant du corps et c’est un véritable enfer à travailler !”, s’exclame la chercheuse. Autant de caractéristiques à l’origine de différents types de résistances aux techniques de “clearing” utilisées qu’avec son équipe elle a dû apprendre à lever, grâce aux nombreux échanges entre biologistes, physiciens, informaticiens et ophtalmologistes pour parvenir enfin à la mise au point du protocole le mieux adapté.

Car si d’autres équipes étaient parvenues par le passé à clarifier certains segments de l’œil, c’est bien ici la première fois qu’un œil entier est transparisé. “Au total, nous avons utilisé 25 yeux sains et allons prolonger nos travaux avec d’autres globes oculaires cette fois pathologiques et atteints de DMLA (dégénérescence maculaire liée à l’âge, ndlr), de glaucome et de myopie forte, le tout grâce au soutien d’associations de patients”, précise la chercheuse, qui poursuit : “Nos travaux permettront une approche plus holistique des pathologies de l’œil tout comme un meilleur dialogue entre chercheurs et cliniciens pour mieux comprendre les maladies de l’œil et leurs mécanismes”. 
L’équipe a déjà prévu de partager ses images en open source avec l’ensemble de la communauté scientifique et envisage au sein de l’hôpital des Quinze-Vingts l’acquisition de son propre microscope à feuillet de lumière. Semblable à celui situé à Genève, il pourrait toutefois disposer de nouvelles possibilités (plus de zoom, plus de couleurs…), histoire de voir toujours plus loin.

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