A la fin de l’été, Maximilian Bittner a fait le grand saut avec sa femme et ses trois enfants : direction New York pour diriger Vestiaire Collective, la plateforme française de seconde main – ou plutôt « pre-loved » – pour les vêtements haut de gamme. « Les Etats-Unis sont le premier marché du luxe, donc cela faisait sens d’un point de vue de la demande. Et pour se développer, à un moment il fallait venir ici », explique-t-il.

New York semblait aussi un passage obligé pour un dirigeant déjà très international : Allemand, il a fait ses études en Grande-Bretagne et à Chicago avant d’aller vivre avec sa femme (française) à Singapour, où il a développé puis vendu sa première plateforme de commerce en ligne.

Déjà le premier marché
Depuis ses bureaux installés à Soho, au coeur du shopping new-yorkais, Max Bittner ne part toutefois pas de zéro : Vestiaire Collective est entré sur le marché américain « il y a sept ou huit ans » et a fait l’acquisition de Tradesy en 2022. Une plateforme soeur installée à Los Angeles, qui lui a apporté une base de clients et de vendeurs, et dont l’intégration sous le pavillon de Vestiaire Collective est déjà achevée.
L’objectif est désormais que les ventes sur le marché américain soient équivalentes à celles réalisées en Europe. « Les Etats-Unis sont déjà notre premier marché mais le pays est encore significativement sous la barre des 50-50 avec l’ensemble du marché européen », note Max Bittner. Sur une valeur de marchandises vendues (GMV, l’indicateur clé du secteur) évaluée à 250 millions d’euros ce dernier trimestre, l’Europe représente ainsi 60 % des ventes, les Etats-Unis 30 % et le reste du monde 10 %.

« Dans l’e-commerce de seconde main, la facilité à acheter revêt des effets pervers »

Selon le dirigeant, plus de 30 % des nouveaux vendeurs sur la plateforme sont déjà des Américain(e)s – des particuliers mais aussi des boutiques de seconde main qui y voient une extension de leur pas-de-porte.
Le vivier est profond et s’étend bien au-delà des métropoles les plus connues, jusqu’à « Dallas, Houston, Nashville ou Portland ». « Et développer une entreprise est exponentiellement plus facile ici qu’en Asie, où on doit gérer plusieurs langues et systèmes de paiement », pointe-t-il.

Améliorer la notoriété
Dans un secteur où prédomine le bouche-à-oreille, le défi est malgré tout d’améliorer la « reconnaissance de la marque », pour réduire l’écart de notoriété avec le leader du secteur, l’américain The RealReal. « La concurrence est rude sur l’offre, on doit être plus clair sur notre marketing et notre proposition de valeur », juge-t-il.
Au menu : de la publicité payée à la performance sur Google et Instagram, s’intégrer dans l’écosystème avec des événements comme cet été dans la villégiature chic des Hamptons ou affiner l’algorithme pour rassurer la clientèle locale, en mettant en avant des pays de provenance connus.
Sur l’app américaine, les pièces sourcées aux Etats-Unis sont aussi dotées d’une feuille verte, symbole d’effort écologique. « 82 % des achats de seconde main évitent des achats de première main », rappelait le CEO lors du Transatlantic Leaders Forum, organisé par Frenchfounders à New York en novembre. Mais si l’argument environnemental est poussé par la marque française, Max Bittner reconnaît que ce n’est pas le critère clé pour la clientèle américaine.

Pas de magasin en dur
Pour se développer aux Etats-Unis, Vestiaire Collective ne semble pas prêt à ouvrir des magasins en dur, comme l’a fait The RealReal sur Madison Avenue et dans une poignée de grandes villes.

« Avoir un magasin est un plus, mais c’est surtout une distraction », estime-t-il, face à la puissance d’une plateforme qui compte « près de 5 millions de pièces ».
Avec The RealReal, le modèle économique diffère : le français joue le rôle d’intermédiaire, laissant les vendeuses photographier et envoyer leurs pièces, quand The RealReal les prend en charge, avec un service plus proche d’un modèle de dépôt-vente.
Vestiaire prélève ainsi une commission de 12 % qui constitue son chiffre d’affaires, quand celle de son concurrent, qui a besoin de plus d’infrastructures, est environ trois fois plus élevée.

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