Il n’y a pas peut-être pas eu de raz-de-marée de nouveaux clients. Mais la chute de Credit Suisse, sauvé il y a exactement un an par son rival UBS, a bel et bien profité aux établissements helvétiques plus petits, dont Edmond de Rothschild, selon sa patronne et actionnaire Ariane de Rothschild.

« Un certain nombre de clients ont eu une perte de confiance dans les grandes institutions et ont préféré rejoindre des groupes familiaux, déclare-t-elle aux « Echos ». En banque privée, le marqueur le plus fort c’est la confiance sur le long terme ».
Celle qui a repris les commandes opérationnelles du groupe il y a un an n’éprouve pas pour autant de « Schadenfreude », autrement dit de joie maligne. « La chute de Credit Suisse a été une mauvaise nouvelle pour tous car la confiance dans la solidité du système bancaire suisse a été ébranlée », reconnaît-elle.

Collecte en hausse
Pour Edmond de Rothschild, l’année 2023 s’est conclue en tous les cas par un bénéfice net en hausse de 84 %, à 100 millions de francs suisses (103,9 millions d’euros), porté notamment par les activités de trésorerie qui ont profité d’un environnement de taux favorable.
La collecte nette a atteint un record de 11,6 milliards de francs, le double de l’année précédente, portant les actifs sous gestion en banque privée et en asset management à 163 milliards de francs suisses, en hausse de 5 % mais inférieurs aux 178 milliards de 2021.
Pour Ariane de Rothschild, cette dynamique est le fruit du repositionnement stratégique qu’elle a imposé depuis 2015 en unifiant les quatre pôles du groupe (Suisse, France, Luxembourg et Monaco) dans une même entité, basée à Genève. Une partie du chemin reste à faire avec la bascule informatique de la filiale française, prévue cet été.
Mais la dirigeante, qui a commencé sa carrière comme trader chez Société Générale à New York, doit renoncer à son objectif d’atteindre les 350 milliards de francs d’actifs sous gestion d’ici à 2026. « Je ne pense pas que je pourrais les délivrer, sauf si j’achète une banque, dit-elle. On regarde évidemment activement ce qui se passe sur le marché. »

Concurrence avec Rothschild & Co
Confrontées à des contraintes réglementaires de plus en plus élevées, et à la double concurrence de géants de la gestion de fortune comme UBS et de structures plus agiles comme les family offices et les conseillers en gestion de patrimoine, plusieurs petites banques privées ont changé de mains récemment.
C’est le cas de la suisse Banque Pâris Bertrand , rachetée en 2021 par Rothschild & Co, trois ans après la fusion de celle-ci avec la Banque Martin Maurel. Deux opérations qui soulignent la concurrence croissante entre la banque d’affaires parisienne, qui pèse désormais quelque 100 milliards d’euros d’actifs sous gestion, et sa cousine genevoise.
« C’est une saine concurrence, estime Ariane de Rothschild, dont le mari Benjamin, décédé en 2021 , était le cousin de David, président d’honneur de Rothschild & Co. Ils ont une belle croissance, on a une belle croissance. »

Succession
Si Paris pousse ses pions dans la banque privée, Genève pousse les siens dans la banque d’investissement, comme en témoigne la nomination ce mardi de Yan Lan, présidente non exécutive de la banque d’affaires Lazard en Chine, au conseil d’Edmond de Rothschild.
Alors que les deux banques se renforcent chacune en Asie et au Moyen-Orient, Ariane de Rothschild ne sous-estime pas le risque de confusion pour les clients locaux. « Hors d’Europe, tout le monde connaît le nom de Rothschild, mais faire la distinction entre les deux banques, c’est plus difficile », admet-elle.
Mais si les deux branches ont scellé la paix en 2018, après trois années de conflit autour de l’utilisation du nom, et si le marché s’interroge sur leur éventuel rapprochement après leurs sorties respectives de la Bourse , l’héritière entend bien confier un jour les rênes à ses quatre filles, aujourd’hui âgées de 21 à 28 ans. Mais sans se précipiter.
« C’est très important qu’elles se forgent leur propre expérience avant de rentrer sérieusement dans la banque », dit-elle.

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