Apparues durant les Trente Glorieuses, les zones commerciales périphériques furent d’abord le symbole de l’accès des classes moyennes à la consommation de masse. Cinquante ans plus tard, les voilà l’emblème de l’étalement urbain le plus spectaculaire d’Europe.

En 1982, les lois de décentralisation confient aux communes le soin d’élaborer leurs plans d’aménagement. « Chacune se lance alors dans la création d’une Zac (zone d’aménagement concertée) sans forcément de projet, pensant que ça va apporter de l’emploi et de la fiscalité », retrace Christophe Demazière, professeur en urbanisme à l’université de Tours.

« Chaque maire veut son Decathlon »
Contre toute attente, le phénomène s’accélère dans les années 2000, alors que la consommation stagne et qu’internet grignote des parts de marché. « La France a vu autant de surfaces commerciales émerger ces vingt dernières années que lors des quarante précédentes », souligne Pascal Madry, directeur de l’Institut pour la ville et le commerce (IVC), qui en recense 1 500.

En cause selon lui, la compétition entre collectivités, « chaque maire voulant son Decathlon », et la « fuite en avant des enseignes qui ont accéléré leurs ouvertures pour compenser leurs pertes grâce à des économies d’échelle ».

Si le commerce de périphérie concentre toujours 70 % des dépenses des Français, la vacance augmente pour atteindre 15 millions de m², selon l’IVC, avec un risque « d’enfrichement ». Conscients de la situation, les promoteurs sont aujourd’hui plus enclins à réaménager ces zones par ailleurs rattrapées par l’enjeu climatique. L’objectif du « zéro artificialisation nette » en 2050, qui rend désormais impossible l’extension incontrôlée, en fait aussi des réserves foncières stratégiques.

« Ces espaces qui génèrent des déséquilibres environnementaux importants et une concurrence avec les commerces de centre-ville doivent aujourd’hui être réintégrés à la ville », plaide Nicolas Gillio, chargé de mission au Cerema, un établissement public dédié aux politiques d’aménagement et de transport.

« Recyclage possible »
« Nous voulons démontrer que le recyclage des entrées de villes est possible. Il y a les zones commerciales mais aussi les friches, les casses, le pavillonnaire diffus. On a beaucoup mis la ville à la campagne et aujourd’hui il faut faire l’inverse », insiste Rollon Mouchel-Blaisot, préfet directeur d’ACV.

À Montigny-les-Cormeilles (Val-d’Oise), 21 000 habitants, l’enfilade de surfaces commerciales de la « route du meuble » fait ainsi peau neuve.

« Le boulevard déshumanisait la ville et la coupait en deux, avec beaucoup d’embouteillages et un taux de vacance énorme », raconte le maire Jean-Noël Carpentier (MDP). Cette portion de 1,5 km doit accueillir un millier de logements, avec des commerces, une école, un cabinet médical et des bureaux.

Les foncières changent aussi leur fusil d’épaule. « On travaille au réenchantement des zones commerciales là où la ville les rattrape, en installant des crèches, des services, dans un esprit de quartier plus urbain », assure Eric Grimonpon, directeur général de la foncière Etixia.

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