Depuis peu, la Boule verte de Fours (Nièvre), « club de pétanque convivial et sportif », dégage une énergie insoupçonnée, sans le moindre rapport avec la vigueur des compétitions. Près de 900 panneaux photovoltaïques recouvrent le toit du nouveau boulodrome. A la clé : 340 kilowatts crête de puissance installée qui permettent d’alimenter 120 foyers en électricité et d’assurer à cette commune de 700 habitants le quart de son autonomie énergétique. Derrière cette installation se trouve une PME francilienne, Orion Energies, qui annonce 150 mégawatts de solaire photovoltaïque installés dans l’Hexagone et un peu plus de 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. Elle compte doubler de taille dans les 18 prochains mois.

Il est vrai que les conditions de marché sont propices. Le prix du kilowattheure (kWh) solaire est enfin compétitif et le « plan de bataille pour le solaire » – annoncé en avril par le ministre de l’Economie, Bruno Le Maire – a démontré une volonté politique. L’objectif est de faire passer la production d’énergie solaire en France de 19,3 gigawatts à 100 gigawatts d’ici à 2035 (échéance proposée dans le cadre de la programmation pluriannuelle de l’énergie), ce qui suppose d’installer 6 GW supplémentaires par an à partir de 2025, contre 3,2 GW en 2023 et moins de 1 GW en 2021.

Le solaire territorial, 60 % du marché
Les perspectives sont appréciables mais Hadrien Clément, le dirigeant d’Orion Energies, prévient : « Tout ne pourra pas se faire avec quelques gigantesques installations. Les petits projets créent les conditions de la réussite du secteur. » Alors que le décret sur l’agrivoltaïsme tout juste publié ne fixe pas de plafond en termes de surfaces, il redoute, comme d’autres, que les grands énergéticiens ne poussent de (trop) gros projets qui cristallisent les oppositions. C’est déjà, glisse-t-il, « la guerre » entre ces derniers, qui « ne veulent pas lâcher leurs atouts », et les producteurs indépendants qui « veulent décentraliser le solaire ».
Ces PME et ETI sont concentrées sur le segment du « solaire territorial », qui représente 60 % du marché total. Niché entre « le solaire résidentiel » qui s’adresse aux particuliers et « le solaire national » des grands projets, c’est celui des grandes toitures, des ombrières, des serres, des bâtiments, des hangars agricoles, des terrains de quelques hectares… Et il bouillonne. Il y a quelques semaines, un arrêté a stabilisé les conditions tarifaires des toitures, et un autre texte est attendu pour les petites centrales au sol.

« Il y a aujourd’hui du travail pour que de belles PME deviennent de belles ETI », diagnostique David Gréau, le délégué général d’Enerplan, le syndicat des professionnels du solaire, au sein duquel les producteurs indépendants représentent une centaine d’entreprises sur un peu plus de 350 adhérents. En tout état de cause, les entreprises du « solaire territorial » veulent jouer le match.
Localement, ces développeurs producteurs n’ont pas trop de mal à avoir l’oreille des élus, intéressés par les retombées fiscales et économiques – ils font travailler des entreprises locales. Au Syndicat des énergies renouvelables, Xavier Daval, vice-président et président de la commission solaire, a évalué que l’activité avait représenté, en 2023, près de 800 chantiers par jour. « Les installations solaires permettent surtout aux élus de se réapproprier l’énergie sur leur territoire », défendent d’une même voix les chefs d’entreprise interrogés par « Les Echos ».
« Nous faisons du sur-mesure, c’est notre plus-value », renchérit Stéphane Bozzarelli qui préside Cemater, un cluster de 70 entreprises spécialisées dans les énergies renouvelables. Lui surfe sur la vague. Au bout de quatre ans d’existence, sa quatrième société, Dev’EnR, installée à Béziers (Hérault), affiche 50 salariés. Elle prévoit d’en recruter 30 de plus d’ici à 2026.

Financement participatif
Roy Mahfouz aussi prévoit de gonfler les effectifs de son entreprise, mais « cela reste un investissement sur l’avenir ». Déçu par l’évolution du marché éolien, le président-fondateur d’ H2air, PME de la Somme (36 millions de chiffre d’affaires) qui s’est diversifiée vers le solaire, reste prudent. « Le risque de ne pas atteindre les objectifs existe. Installer des panneaux sur les toits ne sera pas suffisant pour réussir la transition énergétique », alerte-t-il.
Le chef d’entreprise cible la lenteur des autorisations administratives pour les projets au sol. « Nous misions sur un délai de trois ans au maximum et ce n’est toujours pas le cas », déplore-t-il. Lancé en 2019, son projet de « centrale solaire en coactivité agricole », qui couple la production d’électricité solaire et la reprise d’une activité pastorale, dans le département de l’Allier, ne sera pas mis en service avant 2025.

Autre défi de ces indépendants, à l’instar de Dev’EnR, qui a pour ambition d’atteindre 100 mégawatts et 100 hectares de panneaux installés : le financement. C’est le coeur du sujet, quand un mégawatt, soit un hectare installé, correspond à un investissement d’un million d’euros (dont seulement un quart pour les panneaux photovoltaïques). Nombre d’entre eux font appel au financement participatif , à connotation responsable et mené auprès de souscripteurs locaux. « Nous n’en avons pas forcément besoin mais nous le faisons systématiquement », dit-on chez Orion Energies, qui a ainsi levé 20 millions l’année dernière.

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