Rétraction des possibles
Dès lors, n’est-ce pas à défaire ces coïncidences idéologiques qu’il faudrait d’abord s’attacher ? Dé-coïncider ne pourrait-il pas se constituer en politique ? Puisqu’il n’est plus guère possible de projeter sur le futur nos plans et nos prévisions, que les utopies sont fallacieuses et que dénoncer le présent ne suffit pas. Dé-coïncider, en défaisant la coïncidence installée, en fissurant ce qui colle d’adéquation, qui s’endort dans sa positivité, ne promet pas, il est vrai, d’« avenir qui fait rêver ». Mais rouvre, de fait, des possibles. Cela se vérifie dans les pratiques les plus diverses. Un artiste n’est artiste qu’autant qu’il dé-coïncide de l’art déjà fait et reconnu comme art : c’est par là qu’il rouvre de nouveaux possibles en art. De même, un penseur ne pense qu’autant qu’il dé-coïncide du déjà pensé ; et même dé-coïncide de ce que lui-même a déjà pensé. Pourquoi n’en irait-il pas ainsi en politique ?

La France souffre non pas d’un ‘déclin’, mais d’une rétractation des possibles.

La France souffre, en effet, non pas d’un « déclin », comme on le dit de façon fataliste, mais d’une rétraction des possibles qui se subit de jour en jour, sans qu’on s’en rende compte. Notre capacité et notre ambition s’étiolent, et l’on s’y résigne parce qu’on ne perçoit pas les formes d’obédience qui y conduisent. Aussi notre volonté politique n’est plus que velléité. C’est pourquoi il nous faut dé-coïncider de nos dogmes assimilés pour nous rouvrir un avenir. La France est installée, de fait, dans tant de coïncidences idéologiques qu’on n’interroge plus. Concernant par exemple le discrédit de ce qu’on appelle l’« élitisme » : comme si cette défiance contribuait à la démocratie… Ou notre façon de soupçonner, de contester et d’incriminer d’avance, ce qui détruit d’emblée la possibilité de la confiance. Ou la religion des vacances… C’est cela d’abord qui bloque notre capacité.

Lire l’article complet sur : www.lesechos.fr