La Cour européenne des droits de l’homme (CEDH) a créé une double surprise ce mardi. Elle a d’abord rejeté la requête de plusieurs jeunes Portugais qui accusaient plusieurs Etats membres du Conseil de l’Europe d’« inaction climatique ». En revanche, elle a donné raison à une association de femmes âgées en Suisse qui accusaient l’Etat helvétique des mêmes griefs que leurs cadets portugais.

Pourquoi une telle disparité de traitement ? L’affaire « Duarte Agostinho et autres » , qui concerne six jeunes ressortissants portugais, a été jugée irrecevable par la CEDH car la plainte visait 32 Etats, dont le Portugal. Or les requérants étant de nationalité portugaise, la Cour a estimé que la juridiction adéquate ne pouvait être, en première instance, que le Portugal seul, où aucune plainte préalable n’avait été déposée.

Citoyenneté européenne
« Les requérants n’ayant exercé aucune voie de droit disponible au Portugal pour faire valoir leurs griefs, il s’ensuit que le grief dirigé par les requérants contre le Portugal est également irrecevable pour non-épuisement des voies de recours interne », écrit la Cour dans le communiqué de presse qui accompagne sa décision. Par cette argumentation, la Cour réfute le caractère de citoyenneté européenne que les jeunes Portugais avaient voulu mettre en avant en saisissant directement la CEDH et en englobant plusieurs Etats dans leur plainte.

L’association de retraitées suisse a choisi une tout autre stratégie, manifestement davantage payante. L’association avait déposé un premier recours en Suisse en 2016, jugé irrecevable par les autorités helvétiques. La CEDH « constate que les juridictions suisses n’ont pas expliqué de façon convaincante pourquoi elles ont estimé qu’il n’y avait pas lieu d’examiner le bien-fondé des griefs de l’association requérante. Lesdites juridictions n’ont pas tenu compte des données scientifiques incontestables concernant le changement climatique ».

Droit à la vie et à la santé
De ce fait, « la Cour conclut que la Confédération suisse a manqué aux obligations que la Convention lui imposait relativement au changement climatique ». Elle pointe notamment « un manquement des autorités suisses à quantifier au moyen d’un budget carbone ou d’une autre manière, les limites nationales applicables aux émissions de gaz à effet de serre ». Une décision qualifiée de « scandaleuse » et d’ « inacceptable » par l’UDC (Union démocratique du centre), le premier parti helvétique, qui a, dans la foulée, demandé que la Suisse quitte le Conseil de l’Europe.
Dans son jugement, la CEDH lie de manière explicite l’article 8 de la Convention européenne des droits de l’homme, qui consacre le droit à la vie, à la santé, au bien-être et à la qualité de vie, aux effets néfastes et graves du changement climatique. C’est en cela que la décision peut être qualifiée d’inédite. « Il existe une jurisprudence déjà importante qui fait le lien entre l’article 8 et les atteintes à l’environnement, comme les pollutions, les inondations, les catastrophes climatiques plus globalement. Mais c’est la première fois, au niveau de la Cour européenne des droits de l’homme, que le fait qu’un Etat ne prenne pas suffisamment de mesures contre le changement climatique soit jugé condamnable », analyse Sarah Becker, avocate associée du cabinet VingtRue, spécialisée en droit de l’environnement.

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