Le cours du bitcoin remonte spectaculairement ces dernières semaines ? Surprise, le débat sur l’utilité et la valeur intrinsèque des cryptomonnaies est relancé, ses promoteurs vantant la reprise en main de leur liberté financière par les individus, quand ses détracteurs dénoncent leur caractère spéculatif et sans lien apparent avec l’économie réelle.

Cette querelle des Anciens et des Modernes ne doit pas faire perdre de vue le caractère essentiellement novateur de la technologie sous-jacente aux cryptomonnaies qu’est la blockchain, et les raisons pour lesquelles la France doit investir massivement dans son développement . Alors qu’en d’autres temps nous n’avons pas su voir le potentiel disruptif d’Internet, ne reproduisons pas cette erreur court-termiste qui a conduit à marginaliser notre économie dans la course aux nouvelles technologies par rapport aux géants américains et maintenant chinois. Trois arguments vont dans ce sens.

Nouveaux acteurs financiers puissants
La blockchain va créer de nouveaux géants du numérique. Cette technologie, dont une des toutes premières applications sont les cryptomonnaies, a le potentiel de perturber massivement plusieurs chaînes de valeur, notamment dans le secteur financier. En faisant passer la gestion de l’information d’une multitude de registres tenus par les intermédiaires financiers actuels à un seul registre décentralisé, la blockchain va conduire à l’émergence de nouveaux acteurs financiers puissants , de la même manière que les GAFA ont remplacé les géants des télécoms ou que les plateformes en ligne ont révolutionné la fourniture de services dans l’hôtellerie, les médias, les taxis… Il est essentiel que des acteurs français et européens puissent émerger dans cette redistribution de la valeur ajoutée dans les chaînes productives, afin d’en retirer les bénéfices tant en termes d’emplois que de création de revenus.
Le contrôle des nouveaux géants du numérique est un enjeu de souveraineté. Le contrôle des nouveaux acteurs de la blockchain, qu’ils soient européens ou non, est un enjeu capital pour la pérennité de notre modèle économique, fiscal et social. Comme l’a montré la vague Internet – paradoxalement vu son caractère immatériel -, ce n’est qu’en favorisant l’implantation géographique des entreprises sur le territoire national que l’Etat sera à même d’exercer un réel contrôle. Sans cela, qu’on le veuille ou non, les nouveaux géants du numérique fourniront des services et des produits à nos ressortissants sans que nos autorités publiques n’aient les moyens d’exercer leurs pouvoirs. Imaginons l’impact désastreux que cela aurait en matière fiscale, de lutte contre la criminalité ou encore de respect des réglementations financières.

Energie
Contrairement aux idées reçues, enfin, la blockchain permet de repenser nos modes de consommation énergétiques. Alors qu’à présent une partie significative de l’énergie produite dans nos centrales est générée à perte – la nuit par exemple -, la blockchain permet d’utiliser cette énergie gaspillée pour la valoriser, en l’utilisant par exemple dans les processus d’inscription de données sur la chaîne de blocs qui nécessitent une importante puissance de calcul. C’est tout le sens de l’offre déjà proposée par la filiale d’EDF Exaion.
Inversement, la chaleur produite dans les data centers liés à la blockchain peut venir alimenter en chauffage des infrastructures. Il est essentiel que les entreprises françaises soient également à la pointe de cette innovation énergétique.

La blockchain est, avec l’intelligence artificielle, un des deux pieds de la révolution technologique qui est en cours et qui est susceptible d’avoir le même impact que la révolution industrielle au XIXe siècle. Faisons en sorte que la France soit parmi les pionniers de ce progrès technique.

Stéphanie Cabossioras est conseillère référendaire à la Cour des comptes.

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